Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 16.11.2022 - Corentin Migoule - 5 min  - vu 819 fois

CARDET À l'invitation des professionnels de santé, les élus face à "un désert médical en devenir"

Maison de santé Lézan

Les professionnels de santé de la MSP Epione ont exprimé leurs inquiétudes aux élus. (Photo Corentin Migoule)

Face au constat de l'avenir de leur territoire de soins qu'ils craignent de voir se transformer en désert médical, les 24 professionnels de santé de Lézan et ses environs se mobilisent depuis bientôt trois ans. Ce mardi soir, au foyer de Cardet, ils ont exposé leurs doléances à une demi-douzaine d'élus avec un objectif : alerter !

Certains invités n'ont visiblement pas trouvé le chemin qui mène au foyer de Cardet, pourtant bien indiqué juste à côté du stade communal. Ce mardi soir, une vingtaine de professionnels de santé de Lézan et ses environs avaient convié les maires des sept communes concernées par leur territoire de soins (Lézan, Tornac, Canaules, Saint-Nazaire-des-Gardies, Saint-Jean-de-Serres, Cardet, Massillargues-Attuech), le Département, la région Occitanie, Alès Agglo, la Communauté de communes du Piémont cévenol, l'agence régionale de santé (ARS) Occitanie, la Forms Occitanie et la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) "Entre Châtaigne et Micocoule" à laquelle ils sont rattachés. 

Une réunion que d'aucuns considéraient comme celle de "la dernière chance" au regard de "l'urgence" qui plane quant à l'avenir de la maison de santé multi-sites Epione (relire ici). Malgré des absents de taille, à l'image de Christophe Rivenq, excusé, de Claude Rols, directeur de la délégation départementale du Gard à l'ARS, qui a prévenu les organisateurs de sa non-venue... en cours de réunion, et de deux maires (Saint-Jean-de-Serres et Canaules), tandis que d'autres étaient représentés par un adjoint, les professionnels de santé ont eu un peu plus d'une heure pour exposer leurs doléances. 

Maison de santé Lézan
Les professionnels de santé de la MSP Epione ont exprimé leurs inquiétudes aux élus. (Photo Corentin Migoule)

Pour symboliser l'union sacrée, et alors qu'ils avaient pratiquement tous fait le déplacement à Cardet, y compris le Dr Moulayes, 73 ans, ces derniers se sont succédé au pupitre, diaporama à l'appui. "Notre projet prioritaire, c'est la recherche active de médecins généralistes", a embrayé une infirmière dont le cabinet est basé à Tornac. "C'est clairement là où le bât blesse", a enfoncé un autre professionnel, qui recense actuellement deux médecins généralistes sur Lézan, deux sur Lédignan, et un à Boisset-et-Gaujac, lesquels seront "tous en âge de partir à la retraite d'ici 2030"

Car ce mardi soir, il a surtout été question de se projeter pour éviter de se retrouver devant le fait accompli. C'était tout le sens de l'intervention d'une autre professionnelle du soin qui s'est attelée à présenter l'évolution de la démographie du territoire. En 2022, le territoire de soins de la MSP Epione couvre 5 900 habitants. "D’ici 2030, on observe une augmentation assez franche", note la jeune femme, qui fait état de 6 990 habitants. Un chiffre contesté par Éric Torreilles, maire de Lézan, incontestablement l'élu qui maîtrise le mieux un dossier épineux qui lui revient entre les mains depuis trois ans. Le dernier nommé fait notamment valoir des "nouvelles lois d’urbanisme qui ne permettront pas d’arriver à ce seuil".

Réunion MSP Lézan
L'absence du député Michel Sala a été pointée du doigt. (Photo Corentin Migoule)

Même en deça de la prévision avancée, les professionnels de santé sont convaincus qu'augmentation de la population il y aura. Une population qui plus est "vieillissante", et donc sujette aux soins. "Sur le territoire, on dénombre 12,6 % de plus de 75 ans, contre 9,4 % pour la moyenne nationale", a relevé le collectif. Enfin, avant que le chirurgien-dentiste Matthieu Abric ne conclut cet exposé, un infirmier a expédié quelques chiffres : "Les deux médecins actuels couvrent les besoins de plus de 3 000 patients, et ce hors liste d'attente, sachant que la patientèle moyenne d'un docteur se situe normalement autour de 1 100 patients."

"Le but, c’est de sonner l’alarme et de vous alerter", a résumé le Dr Abric. Et d'ajouter : "Il faut attirer des médecins sur notre territoire. C’était la vocation de la création de la MSP. Mais en trois ans, aucun nouveau jeune médecin ne s’est présenté. On a un vrai problème !" Un problème qui ne se résoudra qu'en rehaussant l'attractivité de la maison de santé Epione. "De moins en moins de jeunes sortent des facultés. Ils vont avoir beaucoup d’offres et céderont aux plus offrants", veut croire le chirurgien-dentiste. Ce dernier connait les éléments susceptibles d’attirer de jeunes généralistes : "un volume de travail suffisant et un travail moderne en équipe."

"Ce n’est pas aux professionnels de santé d’éteindre l’incendie"

Unanimes à ce sujet, les professionels de santé de la MSP ne conçoivent plus leur activité autrement que par "un exercice coordonné" au sein de locaux "adaptés" abritant une salle de réunion, un secrétariat et un espace de coordination. Ce que n'offre pas l'actuel centre médical de Lézan où un projet d'agrandissement a un temps été envisagé. Ainsi, la construction d'une nouvelle maison de santé apparaît aux yeux des professionnels de santé comme la meilleure alternative. Mais où, et surtout à quel prix ? "À la louche c'est 500 000 euros minimum", s'avance le Dr Abric. Une somme importante pour ces sept petites communes rurales qui, pour ne rien arranger, se répartissent sur deux territoires distincts (Alès Agglomération pour certaines, la Communauté de communes du Piémont cévenol pour d'autres). 

Un lourd investissement et un projet immobilier que les professionnels de santé n'entendent pas endosser. "On est en capacité de porter le projet sur le volet médical, mais on n’est pas des banquiers ni des architectes", balance une infirmière. Insistant sur le caractère "privé" de leur mode d'exercice, Éric Torreilles remarque que les professionnels du soin n'ont "pas la volonté d'investir financièrement". "Ce n'est pas notre rôle", répondent en chœur les principaux intéressés, qui ont bénéficié du soutien du représentant de la Forms, lequel a aussi reconnu que "ce n’est pas aux professionnels de santé d’éteindre l’incendie""Vous cherchez donc un promoteur immobilier privé ou public ?", a résumé le conseiller départemental du canton Olivier Gaillard, sous forme de question réthorique. "Oui !", lui a rétorqué Matthieu Abric. 

Un courrier au député ?

"On est enthousiaste et partant pour vous soutenir. Maintenant pour ce qui est des leviers et des moyens…", a soufflé Fabien Cruveiller, maire de Cardet et président de la Communauté de communes du Piémont cévenol, avec un soupçon d'impuissance. "Sans une part de financement privé, je ne vois pas comment les collectivités pourraient s’engager sur ce genre de projet. Il nous faut des garanties", a prévenu Olivier Gaillard, invitant à demi-mots médecins et consorts à mettre la main au portefeuille avant que ne soient envisagées des subventions. De son côté, le maire de Lézan affirme avoir "pris le problème à bras-le-corps" en achetant par exemple un terrain en vue d’accueillir cette maison de santé pour "prouver ma (sa) bonne volonté".

Ce mardi soir, personne ne semblait détenir la solution miracle. Et, comme souvent face à une impasse de la sorte, les absents ont eu tort. "Ça aurait été bien qu’il y ait tout le monde. Ce qui me gêne c’est l’absence du député. Avec la santé, on parle quand même d’un sujet d’ordre national", a pesté Éric Torreilles. Quelques jours avant que ne se tienne cette réunion sans lui, le député Nupes de la 5e circonscription, Michel Sala, aurait pourtant affirmé aux organisateurs qu'il en serait (*). Au terme d'un premier rendez-vous entre professionnels de santé et élus qui a fait naître des "réflexions", l'idée de lui adresser un courrier dans les meilleurs délais faisait son chemin. 

* Contacté par la voie de son attaché parlementaire, Michel Sala indique se trouver à l'Assemblée nationale à Paris cette semaine et mentionne son impossibilité de participer à cette réunion. "Il avait dit aux organisateurs qu'il serait peut-être présent mais il n'avait pas confirmé", précise son proche collaborateur, lequel indique que le député contactera les professionnels de santé dans les meilleurs délais.

Corentin Migoule

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