ARLES Ligne à très haute tension : un scénario affiné
Depuis la validation par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, du fuseau de "moindre impact" de la ligne à très haute tension entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, le collectif Stop THT 13-30 a mis à jour sa solution alternative. Un scénario affiné à partir des données de RTE et présenté le lundi 9 décembre à la salle des fêtes d'Arles.
"Je crois que vous méritez tous les deux la médaille d'honneur de la ville d'Arles", a lâché Patrick de Carolis, maire d'Arles, en direction de Michel Perronet et Jean-Laurent Lucchesi. Après des applaudissements nourris du public, tous les acteurs de cette réunion publique ont défilé dans la salle des fêtes, tel un générique de fin. Pour comprendre cet enthousiasme de part et d'autre de la scène, il faut rembonier le film, un long-métrage de près de 2h30 présenté lundi sous la forme d'une réunion publique. Une oeuvre engagée contre la création d'une ligne électrique 400 000 volts aérienne à deux circuits entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer.
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Un projet mené par RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, destiné à décarboner la production industrielle de Fos-sur-Mer, à préparer l'arrivée de nouveaux acteurs industriels sur le site, ainsi qu'à faire face à l'augmentation prévue de la consommation électrique dans la région. Pour ce faire, cela nécessiterait l'installation de 180 pylônes d'environ 60m de haut, sur une distance de 65km en passant par Bellegarde, Fourques, Arles, Saint-Martin-de-Crau. Tel est le fuseau "de moindre impact" validé par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le 27 septembre dernier.
Un premier plan-séquence. Jean-Luc Moya, membre d'Agir pour la Crau et du Collectif Stop THT 13-30 a ouvert la séance. "Ce projet, bien sûr, on l'a rejeté en l'état aérien". "Ce fuseau a des impacts importants sur les terres, les exploitations agricoles, il est dévastateur pour nos paysages, notre identité culturelle, notre économie. Il aura un impact sur quatre zones Natura 2000, le parc naturel régional de Camargue, la réserve naturelle nationale des coussouls de Crau, une réserve de biosphère", a-t-il indiqué.
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Alors certes, des acquis, très attendus, ont été obtenus en septembre dernier : la saisine de la Commission nationale du débat public, une étude contradictoire et indépendante sur les possibilités d'enfouissement de la ligne, une étude sur les besoins énergétiques de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer. Pour autant, la mobilisation se poursuit, des citoyens associés aux mondes agricole, économique, associatif, soutenus par les élus de tous bords, de la Terre d'Argence, du Pays d'Arles, des Alpilles etc. Jean-Luc Moya l'a ainsi nommée "Le triangle d'or de l'unité".
Plusieurs leviers ont été actionnés pour empêcher cette ligne aérienne de sortir de terre et notamment sur le volet juridique avec l'intervention des avocats Clémentine Baldon et Louis Cofflard du cabinet Baldon Avocats. Et pour pouvoir engager cette "guérilla juridique et judiciaire contre le projet de RTE", le Collectif Stop THT 13-30 a lancé un appel aux dons, "les fonds récoltés nous permettront de mener tous les recours contentieux nécessaires et notamment de saisir les avocats pour défendre nos intérêts, les paysages, la biodiversité unique sur ces territoires." La cagnotte s'élève à 5 790€, somme à laquelle il faut ajouter une subvention exceptionnelle de 5 000€ votée à l'unanimité par les élus de la Communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence lundi soir. Luc Perrin, élu de l'opposition à Beaucaire et membre du collectif s'est chargé de l'annoncer face au public de la salle des fêtes.
Plusieurs intervenants se sont succédés sur scène, Jocelyn Champagnon, chargé de recherche et coordinateur du thème Conservation des Espèces à la Tour du Valat pour rappeler l'implantation de cette ligne aérienne sur la voie de migration entre l'Europe du Nord et l'Afrique, ce qui entrainerait un risque de collision et d'électrocution pour quelque 400 espèces d'oiseaux dénombrées. Laurent Tatin a quant à lui présenté "L'alerte rouge" déclenchée par L'Alliance méditerranéenne pour les zones humides (voir encadré), Jean-Luc Moya s'est intéressé à l'impact économique. Jean-Pierre Boeuf, directeur de l'Office de Tourisme d'Arles Camargue a tenté une analyse d'un point de vue touristique. Tenté car à force de digressions, son intervention a été coupée au montage. Clément Lajoux, producteur de Foin de Crau et ses collègues agriculteurs ont assuré de leur solidarité dans ce combat. Certains d'entre eux avaient garé leur tracteur le long du boulevard des Lices. "Il n'y aura pas un seul pète de foncier qui sera délivré pour ce projet sur ce territoire", a affirmé Clément Lajoux.
Dernière séquence, le dénouement de cette réunion publique animé par le duo Michel Peronnet et Jean-Laurent Lucchesi. Le premier est expert indépendant, le second biologiste, président de l'association Vigueirat Nature. Ensemble, ils avaient présenté une solution alternative lors d'une précédente réunion au mois de juin. Une solution qu'ils ont retravaillé et amélioré, se référant à des données techniques, des chiffres de RTE et répondant à ses critères : apport de 4 GW, sécurisation du réseau pour la région sud, l'urgence. Auxquels s'ajoute un critère supplémentaire, celui du collectif et de ses soutiens : une réalisation souterraine.
"Notre projet est d'une simplicité et d'un bon sens qui ne peut être contesté, a souligné Michel Perronet. On fait rapidement 2GW en courant continu entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, RTE reprend son projet de Midi Provence - une liaison sous-marine et souterraine entre les régions PACA et Occitanie, NDLR - monté à 2GW et nous avons la possibilité de raccorder les éoliennes en mer pour venir sur Fos." Et le même d'insister : "en comptant les stations de conversion et la partie enterré de Midi Provence on est à 50 hectares, notre solution est celle qui a le moins d'impact foncier."
Dans les grandes lignes, le tracé enterré cette fois-ci présenté par Jean-Laurent Lucchesi s'étire sur 53km contre 65km pour RTE, avec une partie ensouillée dans le Rhône à Arles, "avec tout de même un point important à souligner, la présence de trésors archéologiques dans le Rhône". Des contacts ont d'ores et déjà été établis avec des représentants des services publics et des archéologues. "Bien évidemment si ce n'est possible, on passera par une solution enterrée qui évite Arles par l'ouest." Le tracé serait réalisé à 96% sur des terrains publics, le long de remblais, des bords de digues et de routes pour limiter l'impact sur l'environnement et la biodiversité, "et simplement 4% sur des terrains agricoles", a précisé Jean-Laurent Lucchesi. Aujourd'hui, c'est un tracé - lequel a obtenu un pré-accord de principe des organisations agricoles, des associations de protection de l'environnement et du Symadrem, NDLR - qui a peu de chance d'être combattu", a conclu le biologiste.
Et comment répondre à l'urgence ? Michel Perronet a repris la parole : "Sur le 2GW à Jonquières-Saint-Vincent jusqu'à Fos, une DUP non contestée à fin 2025 c'est possible, ce que je ne pense pas possible pour la 400 000 volts aérienne quand j'entends parler les juristes. Ça voudrait dire qu'avec le renforcement du poste de Roquerousse, on pourrait avoir 2GW plus 1,4GW disponibles à 2030." Le coût pour la liaision de Jonquières-Saint-Vincent à Fos-sur-Mer est estimé entre 1,2 et 1,6 milliard d'euros. Reste à savoir si le préfet entendra tous ces arguments, la suite au prochain épisode.
L'alerte rouge déclenchée par L'Alliance méditerranéenne pour les zones humides
76 organisations internationales ont exprimé leur inquiétude face à la multiplication de projets d’infrastructure dans la réserve de biosphère de Camargue, tels que le contournement autoroutier d'Arles, le pont de Barcarin et notamment le récent projet de ligne aérienne THT, dans un courrier adressé à la ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, à la Commission européenne et au secrétaire de la Convention de Berne. Elles appellent les autorités à ne pas approuver la construction de cette ligne aérienne THT sans garantir la protection du territoire et de sa biodiversité.