FAIT DU JOUR Le fond des lacs n’a pas de secret pour Watertracks®
Fondée en 2016 par Raphaël Gaillard, l’entreprise héraultaise spécialisée dans la fabrique et la commercialisation de robots sous-marins va s’implanter prochainement sur le parc Delta à Bouillargues.
Les abysses sont devenus leur terrain de jeu. Et pour cause, Watertracks®, jeune entreprise héraultaise fondée en 2016 par Raphaël Gaillard, conçoit, assemble et commercialise des robots sous-marins destinés, entre autres, à extraire les sédiments qui se déposent au fond des lacs artificiels situés au pied des barrages hydroélectriques. « Notre activité consiste à réaliser des opérations subaquatiques robotisées à petite et très grande profondeur, jusqu’à 300 mètres, en eau douce comme en mer », explique Raphaël Gaillard, ancien directeur du matériel au sein de l’entreprise de BTP Bec. Son projet initial a été de modifier une pelleteuse standard afin de la faire fonctionner sous l’eau. Pour cela, il s’est rapproché en 2017 de Frédéric Gauch qui, à l'époque, est directeur d’exploitation à la Comex à Marseille. Les deux hommes vont rapidement s’associer et mettre en commun leurs compétences pour développer ce qu’ils appellent en souriant du BTP sous l’eau, un savoir-faire plutôt rare dans ce secteur. Le savant mélange de travaux publics et de robotique sous-marine dont ils finissent par maîtriser l’expertise amène l’équipe à décrocher, cette même année, un premier chantier en mer, au pied du rocher de Monaco. « Nous avons conçu, réalisé et mis au point une technique de transplantation des herbiers de posidonies dans la zone d’extension du port de Monaco, indique le patron de Watertracks®. Il s’agissait d’une première mondiale effectuée en interfaçant un outil spécialement conçu sur une excavatrice sous-marine pilotée depuis une barge. »
Un premier contrat avec EDF
Quelques mois plus tard, la jeune entreprise remporte un nouvel appel d’offres lancé cette fois par EDF. Celui-ci nécessite la création d’un robot sous-marin spécialisé dans le dragage des sédiments qui envahissent le fond des lacs situés au pied des barrages. « EDF nous a fait entièrement confiance et nous a laissé toute latitude pour mener à bien cette opération », assure le cofondateur de Watertracks®. Seulement pour mener à bien ce projet, l’entreprise a dû procéder, en 2018, à une augmentation de capital avec une levée de fonds de 500 000 € pour abonder un budget total de près de 1,5 M€. « Pour cela, nous nous sommes mis en mode start-up et nous avons été hébergés, un temps, par le Bic de Montpellier », précise Raphaël Gaillard.
Ce projet va donner naissance à un premier robot de dragage entièrement conçu par Watertracks® et baptisé Nessie®, clin d’œil au surnom donné au monstre du loch Ness en Écosse. « Ce projet a été développé en partenariat avec EDF Hydro. Nous avons réalisé avec succès les premiers tests au cours de l’automne 2019 dans les eaux de la retenue EDF de Cadarache dans les Bouches-du-Rhône. » Avec ses 12 tonnes et sa pompe de dragage de 800m3/h, ce robot, monté sur chenilles et fonctionnant avec des moteurs électriques, est entièrement autonome. Une fois curés, les sédiments sont fortement dilués et renvoyés en aval du barrage afin d’éviter un désordre écologique. Il s’agit là d’une méthode naturelle qui occulte toute utilisation de produits chimiques. L’enjeu pour EDF est de maintenir en activité son parc de barrages qui est crucial dans le fonctionnement du réseau électrique. Il faut savoir qu’aujourd’hui la problématique de l’amoncellement des sédiments est mondiale et influe grandement sur l’hydroélectricité, le stockage d’eau douce et l’irrigation. « On estime à 20 milliards de m3, le tonnage de sédiments supplémentaires chaque année dans le monde. » Fort du travail accompli et de la confiance établie avec l’énergéticien, Watertracks® vient de signer un nouveau contrat de quatre ans avec EDF pour curer 1,2 millions de m3 de sédiments au pied du barrage du lac du Flumet sur la commune d'Allevard en Isère. Pour cela, la société a dû créer un nouveau robot baptisé Super Nessie®. Celui-ci est alimenté par deux moteurs électriques de 6 000 volts chacun fabriqués exclusivement en Australie qui permettent d’extraire 100 tonnes de sédiments à l’heure.
Installation à Bouillargues en 2025
Cette année, l’entreprise qui compte une vingtaine de salariés, a réalisé un chiffre d’affaires de 3 M€ avec en ligne de mire une augmentation de 30 % au cours du prochain exercice. « Notre carnet de commande est rempli jusqu’en 2029, assure Raphaël Gaillard dont le modèle économique aujourd’hui consiste uniquement à commercialiser du service. Nous travaillons bien entendu pour EDF mais nous avons aussi des contrats avec, notamment, la Compagnie national du Rhône (CNR) ou encore des gestionnaires de stations d’épuration. » La bonne santé économique de l’entreprise et les perspectives de développement s’accompagnent depuis quelques semaines maintenant d’une campagne de recrutements. « Nous recherchons, entre autres, un responsable qualité sécurité environnement, un gestionnaire des robots, un responsable de chantier... »
Watertracks® devrait également quitter son site de Lunel dans l’Hérault qu’elle occupe depuis huit ans pour s’implanter sur le parc Delta à Bouillargues. Il est prévu qu’elle prenne possession de son nouveau pôle d’exploitation à la fin du premier semestre 2025. Cette opération immobilière, réalisée sur un terrain de 8 500 m² pour un coût global de 3,5 M€, comprend notamment un atelier de 800 m² rassemblant les supports techniques, la création et l’entretien des engins, ainsi qu’une zone bureaux de 300 m² destinée à l’administration et au service recherche et développement. « Mon identité, c’est la région Occitanie. Autrement dit, que la société soit installée dans l’Hérault ou dans le Gard a peu d’importance dans la mesure où les salariés y trouvent leur compte. »
L’enjeu pour Watertracks® dans les années à venir est de rester leader sur un marché en forte émergence. Pour cela, l’entreprise héraultaise a décidé, entre autres, de se développer également à l’international en ouvrant une première filiale en Suisse, « tout en continuant à faire de la technologie et de l’innovation les pièces maîtresses de notre savoir-faire ».