Publié il y a 1 an - Mise à jour le 30.12.2022 - Anthony Maurin avec l'Inrap - 5 min  - vu 909 fois

GARD Aubrespin, l'histoire de Saint-Gervasy (2/2)

Le projet d’aménagement du contournement de Nîmes et Montpellier par la ligne à grande vitesse a généré la prescription d’un diagnostic archéologique sur la commune de Saint-Gervasy au début des années 2010.

Réalisé en décembre 2010-janvier 2011 et en janvier 2013 par une équipe de l’Inrap dirigée par Valérie Bel, le diagnostic a révélé la présence, en dehors de quelques vestiges néolithiques et antiques, de deux occupations protohistoriques datées des VIII-VIIe et V-IVe siècles avant notre ère, matérialisées essentiellement par des structures en creux, fossés, puits et enclos circulaires.

Seul le secteur où ont été mis au jour les enclos circulaires de part et d’autre du cours d’eau du Vistre, au lieu-dit Aubrespin, est concerné par la prescription de fouille. Peu de vestiges protohistoriques étaient alors référencés sur la commune de Saint-Gervasy ou sur les communes voisines. Les enclos circulaires que l’on associe habituellement au domaine funéraire n’avaient pas encore été découverts dans cette zone géographique alors qu’ils sont mieux connus au sud de l’agglomération nîmoise. La plupart du temps, ils présentaient un lien fort avec les espaces de circulation et il est possible d’envisager que la route départementale 3 se superpose à un axe ancien reliant les garrigues à la plaine. Cet ensemble d’éléments a permis de conserver l'intérêt scientifique et de programmer une fouille archéologique complémentaire.

L’occupation de l’âge du Bronze ancien/moyen se présente sous la forme de quelques structures en creux dont un silo et des fosses, un foyer démantelé et des traces ténues de sols archéologiques largement détruits par les travaux agricoles antiques et modernes.

En l'état, il est difficile de se faire une idée précise de la nature de cette occupation. Le faible nombre de structures n’a pas permis une collecte importante de mobiliers ni d’écofacts susceptibles de documenter la consommation et la production agricole. L’étroitesse du décapage interdit également de mesurer l’extension de l’occupation, toutefois, les vestiges semblent être concentrés à l’est de la route départementale D3 qui pourrait être sur un axe ancien.

Il semble aujourd’hui probant de penser que la nature de ces sites accentue la difficulté de les repérer en diagnostic. Durant cette phase chronologique, on est peut-être en présence d’une forme d’éclatement des groupes humains en petites entités familiales qui occupent les plaines fertiles aux abords du Vistre. La multiplication de leurs découvertes et de leurs fouilles constitue un véritable enjeu pour l’analyse et la compréhension de ce phénomène qui paraît affecter le Languedoc. Ainsi, avec toutes les réserves nécessaires compte tenu de l’indigence du corpus, la série Saint-Gervasy/Aubrespin pourrait se situer à la charnière entre le Bronze ancien et le Bronze moyen, soit entre 1850-1600 av. J.-C.

Vestiges du bâtiment antique incluant une fosse quadrangulaire (Photo Cyril Gaillard)

La phase d’occupation suivante se met en place plus de mille ans après. Soit une série de cinq enclos circulaires qui présentent de nombreuses caractéristiques communes. Ils sont installés de part et d’autre de la route départementale et forme une certaine concentration. Le fort niveau d’arasement lié aux travaux agricoles n’a pas favorisé la conservation des sépultures que l’on attend le plus souvent au centre de ces enclos.

Ce constat qui avait déjà été réalisé à l’occasion du diagnostic a conduit le service régional de l’archéologie d’en prescrire la fouille selon un protocole particulier. Dans l’emprise des enclos, il s’agissait de maintenir des plots témoins pour traiter par tamisage la séquence sédimentaire dans son entier afin de retrouver d’éventuels témoins de ces tombes.

Durant cette phase ancienne de l’âge du Fer, les pratiques de l’inhumation et de l’incinération cohabitent et de nombreux exemples mieux conservés dans les secteurs géographiques de garrigues languedociennes montrent que les dépôts pouvaient être installés à même le sol sans creusement préalable. La mise en place de ce protocole n’a pu se faire que sur deux enclos et ce pour des surfaces réduites tant les matériaux à traiter au tamisage représentaient un cubage important. Malgré cela les résultats sont à la hauteur des moyens consentis puisqu’il a été découvert divers vestiges permettant d’établir que des os incinérés et du mobilier métallique ont été déposés au sein de l’enclos.

Les pelles mécanniques lèvent la terre et préservent le site (Photo Pierre Séjalon Inrap)

Dans les fossés des enclos, des dépôts de mobilier céramique renseignent les pratiques d’offrande aux abords de la tombe sur une structure tumulaire en terre ou directement dans le fossé. Ces ensembles céramiques peu nombreux ont tout de même permis d’apporter des arguments chronologiques permettant de fixer les ensevelissements dans la seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C. Durant cette phase, nous ne connaissons pas la place de l’habitat, en revanche, la route départementale peut avoir succédé à un chemin ancien reliant les garrigues au nord et les lagunes et la mer vers le sud.

Ce type de chemin semble témoigner des modes d’occupation des sols de la fin de l’âge du Bronze et plusieurs exemples similaires ont été mis en évidence au sud de Nîmes. Les prélèvements malacologiques du fossé d’enclos le mieux conservé ont livré un assemblage similaire à ceux analysés pour le Bronze ancien. Il témoigne probablement d’une exploitation du milieu comme zone de pâturage, dans un paysage ouvert de prairie.

Tamisage en cours (Photo Jérémy Bousquet Inrap)

La dernière phase d’occupation est caractérisée par la présence d’un établissement agricole antique de petite taille et d’une portion de paysage agraire. Autour d’un bâtiment établi en bordure de la route départementale, il a pu être mis en évidence un réseau de fossés entourant plusieurs réseaux de fosses de plantation, sans doute de vigne. La mise en place de cet établissement, dont l’extension peut être perçue avec les résultats du diagnostic, se situe à partir du Ier siècle av. J.-C. et va se développer durant le Haut Empire (Ier et IIe siècles apr. J.-C.).

Il semble que ce soient les parcelles plantées en vigne qui marquent le début des activités agricoles. Les parcelles sont organisées selon une orientation nord-sud et semblent fonctionner en relation avec un chemin dont l’origine a déjà été évoquée. Par la suite, plusieurs bâtiments sont construits mais un seul a pu être fouillé dans l’emprise du décapage. Il est construit avec des matériaux provenant de constructions antérieures, probablement un aménagement de surface s’apparentant à une calade. Plusieurs phases d’utilisation du bâtiment ont été enregistrées et les hypothèses concernant sa vocation sont multiples.

La nature des vestiges et leur conservation, associées à des analyses de phytolithes suggèrent que la fosse creusée au sein du bâti aurait pu servir de fosse de rouissage. Son remplissage de galets pourrait intervenir dans un second temps et répondre au besoin de disposer d’une plateforme solide supportant une maie de pressoir. Enfin, dans un troisième temps, la surface de galets creusée d’une rigole, l’espace aurait servi d’étable.

Cette évolution des fonctions du bâtiment n’est pas contredite par la lecture que l’on peut faire de l’évolution des parcellaires qui suggère un abandon des plantations de vigne peut être au profit de cultures céréalières. Les analyses malacologiques réalisées sur la séquence sédimentaire proche du bâtiment et dans les comblements des fossés témoignent de mutation du paysage où les espaces de prairie humide reculent au bénéfice des espaces de pelouses sèches.

Cette étape environnementale est marquée par une anthropisation du milieu plus forte que durant la Protohistoire. Un pastoralisme intensif ou une mise en culture des parcelles en sont les causes probables.

Anthony Maurin avec l'Inrap

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