Publié il y a 3 jours - Mise à jour le 15.09.2024 - Propos recueillis par Norman Jardin - 5 min  - vu 2546 fois

L’INTERVIEW Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Nîmes : « Je comprends que l'on n’ait pas envie de garder le nom de l'Abbé Pierre »

Nicolas Brouwet, l’évêque de Nîmes.

- Photo : Norman Jardin

Nicolas Brouwet évoque les sujets importants de la rentrée pour les catholiques gardois. De la hausse des demandes de baptême en passant par la sécurité dans les lieux de culte, mais aussi la présence des prêtres dans les écoles catholiques, ses objectifs pour le radio Ecclesia, les accusations de violences sexuelles de l'Abbé Pierre et la polémique de la cérémonie d'ouverture des J.O de Paris, l'évêque de Nîmes a répondu aux questions de l'actualité locale et nationale.

Objectif Gard : En ce mois de septembre, le diocèse de Nîmes met en avant « la transformation pastorale et missionnaire ». De quoi s’agit-il ?

Monseigneur Nicolas Brouwet : Pendant des siècles, l’activité pastorale était fondée sur le fait que les gens venaient demander le baptême. À partir de là, on développait une activité pastorale, c’est-à-dire le catéchisme, les communions, le sacrement et le mariage. La vie chrétienne était encadrée. Mais les gens ne venant plus demander le baptême, il faut les rejoindre autrement. Désormais, nous n’attendons plus que les gens viennent, nous allons les chercher.

Et cela fonctionne ?

Il y a une augmentation, en France et dans le Gard, des personnes qui demandent le baptême ou la confirmation à l’âge adulte. Cela se déclenche à partir d’un évènement familial, une épreuve de la vie ou de l'aboutissement de la quête de sens.

Il y a une hausse de 30 % à 40 % des demandes de baptême et nous constatons l’arrivée de beaucoup d’adolescents qui demandent les sacrements

Dans les chiffres, comment cela se traduit-il ?

Il y a une hausse de 30 % à 40 % des demandes de baptême et nous constatons l’arrivée de beaucoup d’adolescents qui demandent les sacrements. Par exemple, au Grau-du-Roi, une trentaine de jeunes a demandé le baptême. Le défi de l’Église est de les accueillir et de les accompagner dans le cheminement de la foi.

Comment l’expliquez-vous ?

Ce n’est pas toujours de l’ordre du rationnel. Des gens ont l’idée de Dieu en eux, de façon naturelle, et il y a un jour, le chemin qui se déclenche. Puis, il y a des personnes qui traversent de grosses épreuves et qui se disent qu’il n’y a que Dieu qui puisse répondre à cette épreuve. Enfin, d’autres cherchent du sens à leur existence. J’ai constaté que le fait d’être parent pousse les gens à la foi. Il peut arriver que ce soient les enfants qui entraînent leurs parents à la foi.

Nicolas Brouwet, l’évêque de Nîmes. • Photo : Norman Jardin

Pourtant, il n’y a pas plus de monde dans les églises. Cela n’est-il pas contradictoire ?

C’est une chose de se faire baptiser et c'en est une autre d’être intégré dans la communauté chrétienne. Il faut s’occuper de ces nouveaux baptisés et c'est une tâche qui ne revient pas seulement au prêtre. La conversion, c’est aussi la communauté qui doit la faire et accepter qu’il y ait de nouvelles personnes.

Vous souhaitez plus de présence des prêtres dans les écoles catholiques. Le lien entre ces deux partis vous semble-t-il coupé ?

Les curés sont à leur place dans les écoles catholiques. Parfois, les relations se sont distendues ou les prêtres pensent qu’ils ne peuvent pas entrer dans les écoles catholiques. Je leur dis d’y aller. Les directeurs sont tout à fait d’accord, il fallait seulement renouer le lien. Alors, chaque année, je réunis les chefs d’établissement et les prêtres pour rétablir le contact.

Parmi les nouveautés présentées par le diocèse lors de cette rentrée, il y a la formation FIDEO. En quoi consiste-t-elle ?

Il est extrêmement important que les fidèles aient une formation pour nourrir leur foi. On a besoin de l’approfondir et de l’intégrer à sa vie quotidienne. Donc, nous avons imaginé un parcours où l’on peut se former à distance. Nous proposons des vidéos que les gens vont regarder chez eux, mais en groupe de deux à trois personnes. Après le visionnage, ils travaillent un texte de la tradition chrétienne et ils le font ensemble. C’est une sorte d’autoformation.

Mais pourquoi l’Abbé Pierre n’a pas pris le problème à bras-le-corps et pourquoi il ne s’est pas fait aider ?

Ces derniers mois, des églises et des cathédrales ont été touchées par des incendies accidentels ou criminels. Comment concilier votre souhait de voir les lieux de culte ouverts le plus souvent possible tout en garantissant la sécurité de ce patrimoine ?

C’est l’État qui s’occupe des cathédrales et les communes ont la charge des églises. J’ai constaté une prise de conscience de ces institutions. Elles ont pris très au sérieux ces évènements. Vous n’arriverez jamais à une sécurisation parfaite, à moins de fermer les églises. Je pense que les églises doivent être des lieux ouverts. Elles ne doivent pas devenir des musées, ni des salles qui ne sont ouvertes que le dimanche matin. Il y a déjà des caméras et des permanences.

Vous évoquez la possibilité de « recentrer radio Ecclesia ». Que voulez-vous dire exactement ?

C’est une radio indépendante et diocésaine. L’animation a été confiée à la communauté des Béatitudes, mais c’est une radio qui appartient au diocèse et pas à cette communauté. C’est important que le diocèse y ait toute sa place, que l’évêque puisse y intervenir et que l'on puisse l’ouvrir à tous les acteurs de la pastorale. Il faut que le diocèse soit plus acteur de la radio.

L’Abbé Pierre, qui est décédé en 2007, est aujourd’hui accusé par vingt-quatre femmes de violences sexuelles...

C’est beaucoup de tristesse. Il a fait un excellent travail auprès des pauvres qui ne pouvaient pas se loger. Il avait un vrai charisme. Mais tout d’un coup, on découvre une autre face qui est inquiétante. Ce qui est décevant, c’est que depuis 1955 et des voyages aux États-Unis et au Canada, des personnes ayant autorité dans l’Église étaient au courant et on n’a pas traité le problème. On pensait qu’après une réprimande ou une année au vert, ça ne se reproduirait plus. Mais on ne vérifiait pas si les choses avaient changé. Ce qui me fait mal en premier, c'est que des femmes ont été abusées. Mais pourquoi l’Abbé Pierre n’a pas pris le problème à bras-le-corps et pourquoi il ne s’est pas fait aider ? Il n’y a pas de mot pour dire notre tristesse et notre effarement. On est dans une phase de sidération. Il faut aller au bout et on doit connaitre la vérité.

Nous l’avions interprété comme une parodie de la Cène et ce n’était pas le cas

Faut-il débaptiser les lieux qui portent le nom de l’Abbé-Pierre, comme la place qui est à côté de la cathédrale de Nîmes ?

Je comprends que des municipalités ou des collèges se posent des questions et qu'ils n'aient pas envie de garder le nom de l'Abbé Pierre.

À la suite d’un passage apparu lors de la cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques de Paris et que vous aviez qualifié de « parodie de la dernière cène », vous avez célébré, le 3 août dernier, une messe de réparation. Il s’en est suivi un emballement médiatique au niveau national. Plus d’un mois après, quel regard portez-vous sur cette période ?

Il y a eu une polémique et un emballement médiatique. Il y a eu une interprétation d’une scène de la cérémonie des J.O, mais elle a été démentie le dimanche. J’ai fait un communiqué pour exprimer mon soulagement. Nous l’avions interprétée comme une parodie de la Cène et ce n’était pas le cas. Prenons acte de ce qu’a dit le directeur artistique. Cela ne nous a pas empêché d’avoir une messe avec beaucoup de monde dans la cathédrale. Il y a des choses que l’on contrôle et d’autres que l’on ne contrôle pas. C’est notre vie à l’heure des réseaux sociaux et des médias.

Propos recueillis par Norman Jardin

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