Publié il y a 21 jours - Mise à jour le 22.08.2024 - Anthony Maurin avec la direction de la culture de la Ville de Nîmes - 7 min  - vu 118 fois

NÎMES Sur les pas de l’illustre Séguier

La dédicace de la Maison carrée découverte par Séguier et adressée aux princes de la jeunesse (Photo Anthony Maurin)

La cité des Antonin doit beaucoup à l’érudit Jean-François Séguier (1703-1784), mais le connaissez-vous ?

Jean-François Séguier.

Replaçons Séguier dans son contexte avant d’en parler plus en détails. Entourée de remparts, la ville du début du XVIIIe siècle garde l’héritage médiéval : rues étroites, manque d’espace et d’hygiène. Le Grun, terme languedocien pour désigner des eaux usées, traverse la Grand’Rue. Il ne sera détourné que dans le courant du siècle. Cependant, des signes de modernisation se manifestent depuis la fin du siècle précédent : un cours ombragé au nord de la ville, un nouvel hôtel de ville, des travaux d’agrandissement au collège des Jésuites, un nouveau palais épiscopal.

Des monuments antiques, seuls la Tour Magne, la Maison Carrée et l’Amphithéâtre sont visibles. Le Castellum sera découvert au XIXe siècle. Du sanctuaire de la Fontaine ne subsiste que la ruine du temple de Diane. La Porte Auguste est encore dissimulée dans l’épaisseur de l’enceinte urbaine.

Sur le fronton de la Maison Carrée, Jean-François Séguier a déchiffré les écritures romaines oubliées... (Photo Anthony Maurin).

Du Moyen–Âge au début du XIXe siècle, l’amphithéâtre abrite un quartier d’habitation, les arcades au rez-de-chaussée sont presque toutes murées. Dès 1770, Séguier participe à des études sur le monument et réfléchit à sa restauration afin de lui rendre « son antique splendeur ».

La création de la place et l’aménagement du quartier autour de la Maison Carrée datent des années 1820. Intégrée au couvent des Augustins, celle-ci est peu visible au XVIIIe siècle : à la place de la rue Auguste se trouve un îlot densément bâti. Le rempart limite l’espace à l’ouest. Au sud-ouest s’élèvent les bâtiments conventuels des Augustins. À l’est les maisons aux alignements irréguliers sont beaucoup plus proches du monument que de nos jours. L’intérieur est transformé en église.

La table de Jean-François Séguier (Photo Anthony Maurin).

En 1755, quand Séguier rentre à Nîmes, les premiers règlements d’urbanisme de 1736 ont amélioré l’hygiène dans les rues, les rendent plus aérées par la suppression des avant-toits en bois, favorisent la circulation en aménageant des angles d’immeubles en pan coupé. L’évolution la plus spectaculaire se situe dans les faubourgs. La découverte du sanctuaire antique autour de source de la Fontaine, lors des travaux pour améliorer l’alimentation en eau de la ville, entraîne ici la création d’un des premiers parcs publics, conçu par Mareschal comme un jardin à la française pour mettre en valeur les vestiges romains.

Le plan de Mareschal esquisse l’évolution future de la ville à l’ouest et établit pour les parcelles semi-rurales le long du quai un modèle de façades pour un quartier résidentiel. Ce projet ambitieux ne se réalise qu’au XIXe siècle. Le faubourg le plus urbanisé vers la fin du siècle est celui des Carmes ou de Richelieu destiné à abriter des artisans et ouvriers. Le plan d’alignement et le règlement d’urbanisme municipaux (largeur des rues, saillies autorisées sur les immeubles, hauteur des maisons ...) sont appliqués avec rigueur. Ce quartier se caractérise toujours par sa voirie régulière et l’aspect encore assez homogène de son bâti.

Séguier le voyageur

Fils d’un conseiller au présidial de Nîmes qui envisageait de lui transmettre sa charge, Jean-François Séguier fait des études de droit à Montpellier. Très tôt il s’est intéressé à la botanique, à l’archéologie et à la numismatique. En 1732, le marquis Scipion Maffei, venu à Nîmes pour étudier les monuments romains, lui offre la possibilité de s’y adonner sans réserve. Le grand savant italien entraîne le jeune Séguier dans ses voyages d’études qui, durant quatre ans, les mènent à Paris, en Grande-Bretagne, dans les Pays-Bas et en Autriche. Séguier rencontre la plupart des grands savants de son temps, avec lesquels il entretient une correspondance considérable.

À peine lisible... Ne quid Nimis, locution favorite de l'Académie de Nîmes qui signifie : "rien en excès" (Photo Archives Anthony Maurin).

Il travaille à la constitution d’un immense recueil d’inscriptions antiques en se livrant, chemin faisant, à des observations astronomiques dont certaines suscitèrent à Vienne l’admiration des savants autrichiens. Le voyage se termine en décembre 1736 à Vérone où Séguier aide le marquis à installer les collections qu’il avait offertes à l’Académie de sa ville natale, premier musée archéologique rationnellement organisé en Europe. Ils complètent le recueil d’inscriptions antiques et entreprennent des fouilles au Mont Bolca au nord-est de Vérone. Séguier parcourt le Véronais et le Vicentin à la recherche de plantes rares dont il publie un inventaire précis et documenté. Seul ou avec un savant italien, il se livre à des travaux et des publications sur l’astronomie et la météorologie, science alors très nouvelle.

La dédicace de la Maison carrée découverte par Séguier et adressée aux princes de la jeunesse (Photo Anthony Maurin)

Revenu à Nîmes après la mort de Maffei en 1755, il participe aux travaux de l’architecte Charles–Louis Clérisseau pour la publication d’un important ouvrage de relevés des monuments antiques de Nîmes. Membre de l’Académie royale de Nîmes depuis 1755, Séguier lui lègue sa maison et ses collections afin qu’elle puisse pérenniser son action dans l’intérêt des chercheurs et du public. Comme les autres académies royales, celle de Nîmes est dissoute pendant la Révolution. L’hôtel Séguier connaît divers propriétaires. Protégé au titre des Monuments historiques en 1990, la ville de Nîmes l’achète en 1996 pour y créer, après sa remise en état, un lieu dédié à la recherche, la diffusion des connaissances et à la mémoire de Séguier.

Séguier aux Jardins et à la Maison Carrée

L’aménagement d’un jardin à la française, sur le site d’un sanctuaire antique dédié au culte impérial, a lieu de 1740 à 1755, alors que Séguier est à Vérone. Il est tenu au courant des découvertes archéologiques par un de ses frères. On le consulte au sujet de la lecture des inscriptions antiques trouvées sur le site et de la rédaction d’une inscription en l’honneur de Louis XV. Elle est apposée près de la source pour célébrer les nouvelles réalisations, œuvre de Jacques-Philippe Mareschal, ingénieur du roi. Quand Séguier rentre à Nîmes, le jardin s’arrête au niveau de la première terrasse, le projet initial ne sera jamais complètement réalisé. L’aménagement de la colline date du XIXe siècle.

Le Palais de Justice de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

De ce monument appartenant au forum on a ignoré longtemps la date et la destination. Grâce à sa science d’épigraphiste, Séguier déchiffre en 1758, à partir des trous de scellement, l’inscription disparue qui dédiait le temple à Caius et Lucius César, les fils adoptifs de l’empereur Auguste. On sait alors qu’il faut considérer le monument non seulement comme un élément remarquable du patrimoine local, mais aussi comme un des plus anciens témoins du culte impérial. En 1778 Séguier est chargé de diriger les travaux de restauration du monument qui a influencé l’architecture régionale de l’Antiquité à nos jours.

Au 1, rue des Greffes, l’hôtel du XVIIe siècle est resté longtemps propriété de la famille de Rozel, à laquelle appartenait la mère de Séguier, Françoise de Rozel. Cette famille noble donna à Nîmes sept consuls de 1547 à 1677. Le grand-père de Séguier, Jean-François de Rozel, était commissaire de la Marine du roi.

L'ancien hôtel de l'Académie, rue Séguier (Photo Anthony Maurin).

C’est au 1 de la rue de la Violette que la famille maternelle de Séguier, les Rozel, qui avait de nombreuses ramifications dans la région, a vécu. En 1759, Jean-François de Rozel, seigneur de Polvelières et Mérignargues, devient propriétaire de cette maison, certainement formée par le remembrement d’immeubles divers depuis le Moyen-Âge. Il procède à d’importants travaux donnant pour l’essentiel son aspect actuel à la maison.

Au 7, rue Séguier, oui, une rue porte aujourd’hui son nom, en 1769, Séguier achète un terrain. Nous sommes alors dans le faubourg des Carmes en voie d’urbanisation. L’hôtel, bâti de 1771 à 1772, abrite aux étages ses appartements et au rez-de-chaussée, accessible au public, sa bibliothèque (env. 7000 volumes) et ses collections d’histoire naturelle et d’archéologie.

Il y reçoit près de 1 500 visiteurs : le futur Louis XVIII, l’empereur d’Allemagne, Joseph II, des princes italiens, autrichiens, russes et polonais, des dignitaires de l’Eglise, des ministres (Malesherbes), des savants (d’Alembert et Condorcet), des militaires (le bailli de Suffren), des marins (La Pérouse), des architectes (Clérisseau)... Le décor de l’entrée représente une tête d’Hercule portant la dépouille du lion de Némée qu’il a tué, le premier de ses douze mythiques travaux.

Un chapeau datant de la restauration exécutée par Séguier (Photo Anthony Maurin).

Boulevard de la Libération. Deux fois reconstruit au cours du XIXe siècle, il occupe l’emplacement de son homologue de l’Ancien Régime : le Présidial démoli en 1805, où le père de Jean-François Séguier exerçait la fonction de conseiller du roi, charge qu’il voulait transmettre à son fils. Ce dernier l’assista à partir de 1728. Le palais actuel, protégé au titre des Monuments historiques depuis 1993, a été conçu par l’architecte du département du Gard, Gaston Bourdon, dans un style néoclassique.

L’hôtel de Caveirac, situé au 6, rue Fresque est aussi une adresse connue par Séguier. Connaissant la passion du jeune Jean-François pour les sciences, l’abbé Novi de Caveirac intercède auprès de son père pour qu’il lui permette justement d’accompagner le marquis Maffei durant trois mois à Paris. L’absence de Séguier durera plus de 20 ans.

La famille Novi, alliée aux Séguier par Françoise de Rozel, aménage ce prestigieux hôtel au XVIIe siècle avec un luxueux escalier d’honneur et de nouvelles façades sur cour.

C’est à l’ancien collège des Jésuites que Séguier fait ses premières études et commence à se passionner pour l’archéologie et la botanique. Il était né dans une maison voisine démolie par la suite pour permettre l'extension du collège. À partir de 1765, il fait partie de son bureau d'administration. Fondé en 1539, le collège reste un établissement d’enseignement jusqu’en 1880. Il abrite ensuite la bibliothèque municipale, transférée en 1993 à Carré d’Art, le musée archéologique et le muséum d’histoire naturelle et de préhistoire. Ces trois établissements conservent la bibliothèque et les collections de Séguier. La chapelle fut construite de 1673 à 1678.

Enfin et autre adresse marquante pour Séguier, l’ancien palais épiscopal qui est aujourd’hui Musée du Vieux Nîmes, place aux Herbes. Conçue en 1685 par A. de La Feuille, inspecteur du roi des ouvrages du canal du Midi, comme un hôtel à la française entre cour et jardin, la résidence des évêques de Nîmes, protecteurs de l’Académie royale de Nîmes, abrita souvent ses séances publiques. Livré inachevé faute de moyens, le palais fut complété en 1760 par l’architecte nîmois Pierre Dardailhon. Son vestibule ovale, orné de niches, a inspiré celui de l’hôtel Séguier.

Anthony Maurin avec la direction de la culture de la Ville de Nîmes

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