En ce premier mercredi, nous vous emmenons à Lussan, commune d'environ 500 habitants, faisant partie des quatre "plus beaux villages de France" du Gard. Jean-Marc François, maire depuis 2014, tient dans sa main un trousseau bien alourdi : "Niveau clés, c'est un peu Fort Boyard ici", glisse-t-il avec un sourire. La mairie de Lussan siège dans un château du XVe siècle, qu'avait fait construire à l'époque la famille Audibert qui en a été propriétaire jusqu'à la Révolution. Plus tard, l'édifice a été racheté progressivement par les municipalités successives au XIXe siècle et a fini par devenir la mairie.

C'est probablement le premier édifice que l'on remarque quand on s'avance dans la montée du village. Véritable carte postale, le château se laisse photographier sous toutes les coutures par les touristes et fait la fierté des habitants. "Pour les gens de la commune, c'est un peu mythique. Le jour où j'ai été élu et que l'on m'a remis les clés du château, ça fait quelque chose de particulier", avoue le maire. Le lieu enchante au point que la municipalité reçoit très régulièrement des demandes extérieures de mariage. Elles sont refusées : seuls les résidents ou les personnes ayant de la famille proche à Lussan peuvent s'unir en ces lieux. 

Un plafond peint du XVIIe siècle classé aux Monuments historiques

Le bâtiment abrite aussi la bibliothèque, le syndicat des eaux et le SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique). Ce n'est pas l'espace qui manque dans ce bel écrin, inscrit à l'inventaire supplémentaire des bâtiments historiques. Et pourtant... "On a un très grand château mais on est un peu les uns sur les autres", avance le premier magistrat. Beaucoup d'espaces ne sont pas exploités et servent de rangement.

Mais n'en doutez pas, le château-mairie de Lussan renferme bien des trésors. À commencer par le plafond peint réalisé au XVIIe siècle et classé aux Monuments historiques depuis 1985. On peut découvrir cette salle quand elle accueille des expositions. La pièce suivante en enfilade renferme un petit musée d'objets anciens dont on fait don les habitants. "Les plus représentatifs, ce sont les séchoirs et les chaufferettes utilisés dans la culture du ver à soie qui a fait la richesse de Lussan. Il y avait trois filatures dans le village", relate le maire. 

Un tour de ronde offrant un panorama à 360°

Les pièces et recoins ne manquent pas dans ce château-mairie, marqué dans son architecture par les différentes époques qu'il a traversées. "Ici, c'est pareil qu'à Carcassonne, les tours étaient ouvertes à l'origine puis ont été couvertes", atteste Jean-Marc François. Dans la tour sud-est, vous pouvez vous amuser avec l'acoustique qui amplifie la voix. Puis l'édile nous mène dans une autre tour assaillie par les vents : "Quand on veut savoir s'il y a du Mistral, on monte ici." Et ce jour-là, il soufflait fort. Mais pas assez pour désembrumer le ciel obstrué par les nuages dus aux incendies sévissant au Canada.

Alors que nous montons en haut sur le tour de ronde du château, l'édile assure : "On voit le Mont Ventoux quand c'est dégagé. On distingue quand même la neige toute l'année sur la barre des Écrins. Il n'y a que la mer que l'on ne voit pas." Cet espace qui vient d'être réhabilité pour 209 000 € offre un panorama à 360° sur les alentours. Dans la vallée, on aperçoit les premiers champs de lavande qui prennent leur couleur violette l'été venu et au loin l'entrée des fameuses concluses. Il est possible de visiter le tour de ronde du château lors des Journées européennes du patrimoine ou durant les visites organisées par l'office de tourisme. 

Attention aux oreilles tout de même quand le clocher se met à sonner. On l'entend de près quand on est en haut. L'ajout d'un campanile sur la tour sud-est date du XIXe siècle. Nous redescendons dans le hall en bas où est exposée une statue gallo-romaine, trouvée au bas du village, près de la source de Fan, face au château du même nom. Eh oui, il y avait trois châteaux à Lussan fut un temps.

Le mystère du fantôme du château élucidé ?

Or, faire une mairie dans un château n'est pas toujours un conte de fées. L'entretien coûte cher et le conseil municipal a dû apprendre à investir avec le regard des Bâtiments de France. Le prochain gros chantier sera l'aménagement d'un ascenseur dans l'une des tours pour rendre accessible la salle des mariages et d'exposition. Mais on a l'habitude au village puisque d'autres monuments sont inscrits ou classés comme le temple ou le menhir. 

Et parfois, l'architecture n'est pas tout à fait adaptée aux usages d'une municipalité. À l'image de la grande salle voûtée au rez-de-chaussée, utilisée régulièrement par le conseil municipal, qui a dû être équipée de panneaux acoustiques : "Dès qu'on est plusieurs à parler, il devenait impossible de s'entendre. C'était problématique les soirs d'élection surtout au moment du recomptage et de l'annonce des résultats", plaisante le maire. 

Pour finir la visite, il nous guide dans les salles au fond du rez-de-chaussée. Là où se dresse un ancien escalier secret dans le mur et arrivait à l'appartement du percepteur à l'époque : "Il se dit que les jeunes du village rentraient ici et tapaient au mur pour faire croire qu'il y avait un fantôme", révèle Jean-Marc François, notre guide du jour, qui nous quitte pour retrouver ses administrés bien réels.