FAIT DU JOUR Pont-Saint-Esprit : Gérome Bouvier, la victoire de la troisième voie
Ce dimanche 28 avril se tenait une élection municipale partielle intégrale à Pont-Saint-Esprit. Avec un score de 50,32%, Gérome Bouvier est élu dès le premier tour, largement devant le candidat RN Emmanuel Le Pargneux (34,55%) et la maire sortante Claire Lapeyronie (14,84%).
Une déception pour le Rassemblement national, une "claque" pour Claire Lapeyronie et une victoire dès le premier tour pour Gérome Bouvier, après un bon taux de participation. Avec un score de 50,32%, le Spiripontain de 47 ans, cadre de la fonction publique territoriale, devance largement ses adversaires. Dès les 100 premiers bulletins dépouillés dans chaque bureau, une nette tendance s'est dessinée en sa faveur. Tandis que le sourire transparaissait sur ses lèvres, la mine de la maire sortante se défaisait au fur à mesure que le scrutin se révélait. Depuis quelques jours déjà, plusieurs habitants bien informés pressentaient la victoire de ce candidat qui a travaillé pendant des années au sein de la mairie de Pont-Saint-Esprit mais qui s'avère novice en politique. "Malgré tout cela reste une surprise", observe une ancienne élue du camp Lapeyronie.
Claire Lapeyronie a proclamé les résultats définitifs au micro peu après 20h, "souhaitant le meilleur" à son adversaire largement plébiscité dans les urnes. Les applaudissements et les effusions de joie ont rapidement couvert sa voix au moment d'annoncer le score de Gérome Bouvier. Aux antipodes des huées qu'elle a récoltées au moment d'énoncer le sien. Dans la foulée, Gérome Bouvier a prononcé un discours remerciant les habitants de lui "avoir donné la majorité dès le premier tour de cette élection pourtant annoncée comme très incertaine."
Quelques minutes plus tard, Gérome Bouvier s'exprimait au micro d'Objectif Gard : "On sentait une volonté de changement et une réelle adhésion à notre projet". Il est vrai que l’accueil qui était réservé à "l’enfant du pays" sur le marché du samedi ces dernières semaines était bon, et que la dynamique semblait être de son côté, même si l’affluence de sa réunion publique n’était pas supérieure à celle des deux autres candidats. Mais de là à imaginer une victoire au premier tour, dans une ville dont le Rassemblement national avait fait une cible de choix, il y avait un pas, que Gérome Bouvier a donc allègrement franchi.
Il semble donc que la troisième voie proposée par Gérome Bouvier a séduit les Spiripontains, entre une maire sortante Claire Lapeyronie empêtrée dans les dissensions internes d’une majorité sortante qui a lavé son linge sale en famille, et un Rassemblement national emmené par un (trop ?) jeune candidat, parti pour lequel les Spiripontains n’hésitent pourtant pas à voter massivement à chaque scrutin national. C’est aussi la victoire d’une stratégie : celle de cibler la maire sortante tout en invisibilisant le RN, dont Gérome Bouvier n’a que très peu parlé. Celle aussi de se tenir loin des partis politiques, sa liste étant la seule à ne pas avoir affiché de soutien de telle ou telle formation politique, même si la droite et le centre, notamment les élus Renaissance locaux, voyaient d’un bon œil sa candidature.
L'heureux élu a enchaîné les accolades avec ses proches et ses soutiens, savourant sa victoire. "On est très soulagé, ça fait longtemps qu'on lui dit de se présenter. C'est un enfant de Pont, comme nous. Il sera une bouffée d'oxygène", réagissent des habitants qui le connaissent depuis longtemps. "On espère que Pont-Saint-Esprit va revivre et on lui fait confiance", ajoute une dame.
Emmanuel Le Pargneux prend date
Du côté du Rassemblement national, les députés Pierre Meurin et Pascale Bordes étaient là pour le dépouillement. Leur jeune candidat de 24 ans arrive second avec 34,55% des suffrages exprimés et 600 voix de retard derrière Gérome Bouvier.
Pour le RN, Pont-Saint-Esprit représentait un test, à plusieurs niveaux. Il s’agissait de transformer les bons scores aux scrutins nationaux — le député Pierre Meurin, troisième sur la liste, répétant à l’envi qu’il avait réuni 63 % des voix des Spiripontains en 2022 — en victoires à un scrutin municipal, par définition très différent. Il s’agissait aussi de voir si un autre candidat que Pierre Meurin, en l’occurrence son ancien attaché parlementaire, pouvait l’emporter, et ainsi ouvrir une brèche dans le Gard rhodanien, alors que le RN cible aussi Bagnols depuis longtemps. Force est de reconnaître qu’Emmanuel Le Pargneux a échoué.
Une défaite, vraiment ? "Ce n’est que partie remise, on en reparlera dans deux ans, réagira à chaud Pierre Meurin. Mais oui c’est une défaite, une vraie déception, même si je tiens à noter que nous doublons le score du Rassemblement national par rapport à 2014." Un argument repris mot pour mot ensuite par le candidat, qui confirme vouloir, à défaut de victoire cette fois-ci, s’implanter : "Nous comptons bien nous investir dans les projets de Pont-Saint-Esprit. Nous nous implantons politiquement dans le conseil municipal et nous présenterons une liste certainement en 2026."
Reste que ce soir, il s’agit bel et bien d’analyser une défaite électorale. Pour Emmanuel Le Pargneux, la raison est simple : "Nous avons manqué de temps pour faire passer un certain nombre de messages." Un peu court : sans doute que le jeune âge du candidat de 24 ans a joué en sa défaveur, et que son ancrage récent à Pont-Saint-Esprit, même si le candidat l’a quelque peu surjoué, ne l’a pas aidé aussi. Peut-être aussi que, pour bon nombre d’électeurs, le vote RN reste un vote de contestation, et qu’ils ne sont pas encore prêts à leur confier les rênes de leur ville. Sans doute, enfin, le fait que Gérome Bouvier offre une alternative à un duel entre une maire sortante classée à gauche et le parti d’extrême droite a rebattu les cartes.
Claire Lapeyronie balayée
Pour Claire Lapeyronie, c'est la douche froide. Car il y a défaite et défaite. Celle-ci s’apparente plutôt à une claque pour la maire sortante Claire Lapeyronie. Loin, très loin derrière ses deux adversaires, ce qui pointait alors bien avant le dépouillement : la pile des bulletins de la liste "Pont d’abord", conduite par Claire Lapeyronie, restait inlassablement plus haute à l’entrée des huit bureaux de vote que celles des deux autres, et même avant le dépouillement, certains colistiers de la majorité sortante s’attendaient déjà à une défaite.
Aussi lourde ? Pas sûr. Car même si cette élection semblait périlleuse pour Claire Lapeyronie, nombreux étaient ceux qui se disaient que la prime au sortant jouerait, que le bilan de son action depuis six ans (elle a succédé à Roger Castillon en 2018) serait reconnu, que les nombreux soutiens qu’elle a empilé au cours d’une campagne très active, des élus départementaux, régionaux, quelques maires voisins, pèseraient. Il n’en a rien été. Plombée par les conflits internes à sa majorité, avec le renvoi de cinq élus dont quatre adjoints tout de même début novembre, très vite rejoints par trois autres conseillers municipaux, la maire l’a aussi été par un contexte rendu défavorable par la première année de mise en place de la redevance incitative, chaotique dans le centre ancien notamment, par le double meurtre par balles sur les allées fin octobre et par des projets qui ont mis du temps à se concrétiser, comme le nouveau quartier de l’Hôtel-Dieu.
Autant de cailloux dans sa chaussure dont ses adversaires ont profité, tout comme du fait que Claire Lapeyronie a pu donner l’impression qu’elle se dégageait de ses responsabilités sur un sujet comme celui de la redevance incitative. Certes, il s’agit d’une compétence de l’Agglomération, ce qu’elle a martelé tout du long, oubliant sans doute que ce n’était pas ce que les électeurs voulaient entendre de leur maire, par ailleurs première vice-présidente de ladite Agglomération. Peut-être aussi que les électeurs lui ont fait payer le psychodrame au sein de sa majorité qui a vu son équipe se déchirer en direct quelques jours à peine après le double meurtre des allées. Enfin, et c’est sans doute le plus cruel, Claire Lapeyronie a probablement aussi payé un rejet de sa personne, ce qu’elle reconnaît à demi-mot : "Je pense que le projet que l’on a porté sur le fond n’a pas été peut-être entendu par les électeurs, je le regrette."
Dans son camp, les mots ne viennent pas. Plusieurs de ses colistiers n'ont pas souhaité s'exprimer. L'équipe majoritaire d'hier ne devrait bénéficier que de deux sièges dans l'opposition du nouveau conseil municipal. La liste d'Emmanuel Le Pargneux six sièges et celle de Gérome Bouvier 25. Dans l'entourage de la désormais ex-maire, la déception est déjà grande, Karima Loric, une de ses ex-adjointes à qui elle a retiré ses délégations, y a vu un retour de bâton : "Avec ton entêtement, tu te retrouves dehors. Les Spiripontains ont parlé", a-t-elle invectivé.
Benjamin Desbrun, qui a lui aussi fait partie des adjoints débarqués, a assisté au dépouillement : "On ne peut pas se réjouir d'une élection partielle, c'est un échec dans tous les cas. Maintenant, les thématiques qui ont amené la dissidence étaient les principales de la campagne. Le résultat de ce soir nous conforte dans ce qu'on a fait, de choisir de démissionner." Tout ce groupe d'élus a monté une association "Esprit citoyen" qui fera des propositions à l'équipe en place.
Récapitulatif des résultats
Inscrits sur les listes électorales : 7 320. Nombre de votants : 3 890. Abstentions : 3 430. Nuls : 19. Blancs : 27. Suffrages exprimés : 3 849. Score d'Emmanuel Le Pargneux : 1 330 voix (34,55% des votants). Score de Gérome Bouvier : 1 937 voix (50,32% des votants). Score de Claire Lapeyronie : 571 voix (14,84% des votants).