GARD RHODANIEN Quitter le syndicat mixte des eaux Gard Ardèche oui, mais pas à n'importe quel prix
La semaine dernière, s'est tenu un conseil d'Agglomération express de quatre minutes avec seulement deux délibérations à l'ordre du jour. Mais l'une d'elles était particulièrement importante : elle acte le retrait au 31 décembre 2023 des communes de Montclus, Issirac et Le Garn du Syndicat mixte des eaux Gard Ardèche (SMEGA). La sortie est engagée mais reste un différend actuellement entre les mains du préfet.
Le SMEGA est un syndicat qui alimente en eau potable les habitants d'un secteur à cheval sur deux départements et comprenant douze communes : six d'Ardèche et six du Gard, dont trois du Gard rhodanien (Issirac, Le Garn, Montclus). Suite à la loi NOTRe, la compétence "eau et assainissement" est passée de ces trois communes vers l'Agglomération du Gard rhodanien. Cette dernière a alors fait le choix de sortir les trois communes du syndicat. D'une part parce que l'Agglomération du Gard rhodanien veut uniformiser le mode de gestion de l'eau et l'assainissement sur l'ensemble du territoire, d'une autre parce qu'il y a "des problèmes de personnes", concède Benoît Trichot, le maire de Montclus.
Il précise : "On s'est aperçu qu'on ne pouvait plus investir sur rien, qu'on arrivait plus à s'entendre. L'idée, c'est donc de basculer sur l'Agglomération du Gard rhodanien et décider de nos propres investissements." Le maire estime que pour rattraper le retard, il faudrait investir entre plusieurs centaines de milliers d'euros "pour sécuriser la ressource. Il n'y a pas de système de chloration digne de ce nom" sur le captage de Montclus.
"On prend la délibération pour sortir mais on n'est pas d'accord avec eux sur le prix de l'eau"
C'est pour cela que le conseil communautaire s'est réuni la semaine dernière et a acté à l'unanimité la sortie des trois communes du Gard rhodanien de ce syndicat. "On prend la délibération pour sortir mais on n'est pas d'accord avec eux sur le prix de l'eau", précise Jean-Christian Rey le président de l'Agglomération.
En effet, même si les trois communes du Gard rhodanien ne sont plus membres du syndicat, elles en resteront "clientes". Le seul captage de Montclus n'est pas suffisant pour couvrir les besoins en eau des trois communes. Elles devront donc continuer à acheter de l'eau en gros au syndicat pour compléter. "C'est dans ce cadre-là qu'il (le syndicat) se permet d'augmenter le prix du m3", tempête le maire de Montclus.
Pour l'Agglomération, "le prix de vente de l'eau en gros ainsi exigé (est) particulièrement élevé et non-justifié"
Dans la délibération, il est écrit que l'Agglomération du Gard rhodanien devra acheter pour ces trois communes au minimum 70 000m3 d'eau au tarif de 1,50 €HT/m3 et qu'au-delà de 90 000 m3, le tarif passera à 1,80 € HT/m3. "Le prix de vente de l'eau en gros ainsi exigé (est) particulièrement élevé et non-justifié", estime l'Agglomération, qui ajoute dans la délibération : "Le prix demandé ne correspond en rien à une redevance dont le montant est déterminé à hauteur du service rendu, ce qui devrait être le cas." L'Agglomération pointe aussi "un manque de transparence des principes et calculs" et considère que le tarif a été "imposé unilatéralement" par le syndicat.
Les trois communes sortantes veulent seulement payer ce qu'elles doivent, "pas plus, pas moins", insiste Benoît Trichot. Il clarifie : "On ne part pas comme des voleurs. On reste clients et on veut être solidaires sur les investissements qu'ils mènent." Le litige est actuellement entre les mains du préfet. "On attend le retour du contrôle de légalité de la préfecture", a précisé Jean-Christian Rey pendant le conseil communautaire de la semaine dernière.
"Ils parlent d'un manque de concertation alors que cela fait six mois qu'ils font les sourds"
Objectif Gard a contacté Édouard Chaulet, maire de Barjac et également président du Syndicat mixte des eaux Gard-Ardèche (SMEGA). Il dit avoir été "surpris" de la teneur de la délibération de l'Agglomération du Gard rhodanien. Il a été particulièrement heurté par le terme "imposé unilatéralement" qu'il réfute : "Ils (l'Agglomération) parlent d'un manque de concertation alors que cela fait six mois qu'ils font les sourds. J'ai cherché le contact, j'ai appelé maintes fois, je n'ai eu que des standardistes. J'ai envoyé des mails, pas de réponse. En dehors d'une rencontre initiale, je n'ai jamais revu Jean-Christian Rey", se défend Édouard Chaulet.
Le SMEGA a fait appel au cabinet d'études Cogite qui a travaillé pendant plusieurs mois sur le coût de la "sécession" des trois communes du Gard rhodanien et sur les "conditions à remplir pour que notre petit syndicat - qui ne compte pas plus de 5 000 abonnés - ne coure pas de danger (financier)...", exprime le même. Dans la balance, ont été pris en compte les dettes, les amortissements, les travaux en cours... "Le prix de l’eau a été défini en fonction de tout cela", insiste-t-il.
Garder l'équilibre financier
Pour lui, le prix de 1,50 € le m3 d'eau acheté est loin d'être élevé. Il rappelle que le syndicat mixte fait face à d'importants coûts : "Nous allons chercher l'eau jusqu’à 70 km de là, dans les basaltes ardéchois, ce sont de gros investissements. Nous la vendrions 1,50 €HT/m3 à l'Agglo, de manière à nous permettre de faire face à des investissements lourds. Notamment la réfection d’une conduite de 30 cm de Salavas à Barjac, de la base de reprise de Salavas jusqu'à la commune de Vanias en Ardèche." Il rappelle aussi que le SMEGA, lui-même, achète de l'eau en gros au syndicat des eaux de la basse Ardèche pour compléter ses ressources.
En fixant un achat minimum de 70 000 m3 d'eau au tarif de 1,50 €HT/m3, Édouard Chaulet garantit un apport financier pour garder l'équilibre du syndicat : "Pourquoi cette obligation ? Imaginons je ne sais quel coup de Trafalgar amène à la découverte d’une source miracle dans l’Agglo du Gard rhodanien, et qu’ils nous disent qu'ils n'ont plus besoin de notre eau. Que fait-on nous pour garder notre équilibre ? Nous avons appliqué vis-à-vis de l’Agglomération la même règle que le syndicat des eaux basse Ardèche nous applique : on vous vend de l’eau et si vous ne la prenez pas, vous payez quand même." Il va falloir que l'eau passe encore sous les ponts avant que les relations entre l'Agglomération et le syndicat se pacifient.