LES MOMENTS DE BASCULE À Vauvert, le président Jean Denat déboulonné
L’histoire politique est faite de bouleversements, bons ou mauvais, selon l’endroit où l’on se place. Ce dimanche, la rédaction revient sur l’inattendue défaite, aux élections départementales sur le canton de Vauvert, de Jean Denat. Le socialiste venait d'être désigné président du Conseil départemental du Gard.
La politique peut être cruelle. Voire impitoyable. Il y a dix ans, le décès de Christian Bourquin, président du Conseil régional Languedoc-Roussillon, rebat les cartes du paysage gardois. À l’annonce de sa mort, le président PS du Conseil général du Gard - comme on le nommait à l’époque -, Damien Alary, est appelé pour le remplacer. Mais qui lui succédera dans le Gard ? Logiquement, cela aurait dû être le premier vice-président : Denis Bouad. Le socialiste élu sur le canton d’Uzès a, de surcroît, remplacé Damien Alary lors de ses soucis de santé.
C’est finalement le vice-président aux transports et président du groupe des élus PS, Jean Denat, qui s’empare du trône. Le Vauverdois a quelque chose de plus que Denis Bouad… Un très bon ami : Manuel Valls, alors Premier ministre. « Je le soutiens, on se connaît, on se tutoie », avait-il confié à Objectif Gard en novembre 2014. À peine introduit, Jean Denat doit se muer en leader de la Gauche. Sa mission : convaincre l’ensemble de sa majorité de voter le budget 2015 puis se lancer dans la campagne des élections départementales. Un scrutin qui se joue sur 23 cantons, fraîchement redécoupés, dans le département.
Les deux sujets sont intiment liés. Au pouvoir, la Gauche a fait quelques déçus dans les rangs du Front de Gauche, - alliance comprenant à l'époque les communistes et le Parti de Gauche -, hostiles à « la politique d’austérité » du Gouvernement. Le budget 2015 est l’un des plus difficile à boucler : la baisse des aides de l’État combinée à la hausse des dépenses du RSA prend à la gorge la collectivité. Jean Denat ira même à Matignon pour demander de l’aide… Sans succès. Les élus parviennent toutefois à finir l’exercice financier. Les conseillers généraux PCF le votent malgré l’opposition de leur parti. Seul l'Alésien Jean-Michel Suau s’abstient.
Jean Denat, chef de guerre
Dans ces contexte, difficile de partir uni. Cette difficulté s’ajoute au redécoupage des cantons : pour rééquilibrer les forces entre ville et campagne, le Gouvernement réduit le nombre de cantons ruraux. De quoi desservir la Gauche, plutôt populaire dans ces coins. Vieux routard de la politique, Jean Denat part au combat sous la bannière « Au travail pour le Gard ». Il trouve un terrain d’entente avec les écologistes et protège les communistes sortants, en refusant d'investir des candidats face à eux. Ces derniers auront été moins fair-play en présentant un binôme sur le canton de Jean Denat à Vauvert. « Ce n'est pas grave, nous gagnerons », avait expliqué l’intéressé à l’époque.
Jean Denat se déplace pratiquement dans tous les cantons. Il participe aux réunions publiques, soutient ses candidats, détaille les politiques publiques de la collectivité et répond aux sollicitations des journalistes. Au soir du premier tour, c’est la douche froide : le binôme Denat-Dechamps est distancé par le FN : le duo Meizonnet-Pruvot arrive en tête avec 42% des suffrages contre 30% pour le président sortant. Dans l’entre-deux-tour, Jean Denat fait le choix d’accueillir Manuel Valls sur ses terres. En pays « reboussiers », comme il aime à le rappeler, a-t-il fait le bon choix ?
L’histoire répondra que non. Une semaine plus tard, Jean Denat, élu depuis 1998 au département, est sèchement battu. Il n’est pas le seul : à Beaucaire, l’élu PS Juan Martinez s’incline aussi devant le RN. Pas le temps de s’apitoyer sur leur sort… La majorité sortante PS-PCF-ELLV n’a qu’une majorité relative. Et leur camarade du canton de Bagnols, Alexandre Pissas, entend négocier chèrement son ralliement à la Gauche. Le 2 avril, après d’intenses tractations, Denis Bouad est élu président du Département. Il exécutera, dans un premier temps, les décisions budgétaires de son prédécesseur. Comme quoi, en politique, rien n'est joué d'avance.