L’INTERVIEW Pierre Meurin : « il y a un voiture bashing inscrit dans une logique décroissante »
Le député Rassemblement national de la 4e circonscription du Gard, Pierre Meurin, s’est illustré il y a une dizaine de jours en tant que rapporteur de la proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions.
Depuis devenu président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur la Sécurité routière, le député compte faire de l’automobile son cheval de bataille. Interview.
Objectif Gard : Vous avez pris il y a quelques jours la présidence du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur la Sécurité routière. Que comptez-vous faire au sein de ce groupe ?
Pierre Meurin : Il ne faut pas donner une trop grande importance à un groupe d’études, c’est un groupe de travail pour regarder comment fonctionne la Sécurité routière et éventuellement trouver des pistes de travail et d’amélioration. Je n’en ferai ni un étendard politique simpliste, l’idée est de faire un travail de coconstruction pour trouver des pistes pour finalement améliorer la Sécurité routière tout en mettant fin à ce côté punitif à l’égard des automobilistes.
Avez-vous déjà des pistes de propositions que vous aimeriez voir débattues dans ce groupe ?
Avant toute chose, j’aimerais beaucoup en premier lieu auditionner le délégué interministériel à la Sécurité routière. Mais si je dois vous donner une piste principale, c’est une réflexion majeure sur la qualité de notre réseau routier, notamment secondaire. En réalité, un tiers des accidents de la route ont lieu à cause de la mauvaise qualité des routes et, sur ce plan, la France a beaucoup régressé en vingt ans. Autre chose : on peut avoir le type d’accident qui s’est produit à Gênes il y a quelques années (l’effondrement du pont Morandi, le 14 août 2018, qui a causé 43 personnes, NDLR). Ça nous pend au nez pour une raison simple : vous avez des centaines, voire des milliers d’ouvrages d’art, ponts et tunnels, qui sont dans un état qui devient dangereux. Or, le problème c'est que ces rénovations sont très chères, et que les collectivités n’ont pas les moyens de procéder à ces rénovations. Au lieu de faire un plan vélo, ce serait pas mal d’améliorer la sécurité des ouvrages d’art dans ce pays. Après, j’ai d’autres idées : je sais que la Sécurité routière fonctionne beaucoup au bâton, les amendes et retraits de points, mais je voudrais réfléchir à un système aussi de carotte, pour encourager les gens à avoir un comportement vertueux. Par exemple, sans supprimer le permis à points, proposer que le capital de points ne soit pas forcément limité à 12, mais que les conducteurs les plus vertueux puissent gagner des points. Ce sont des pistes de réflexion. L’idée est d’être pragmatique, d’auditionner des gens, pour arriver peut-être à des propositions que j’espère transpartisanes.
Sur votre profil Twitter, vous vous présentez comme un "automobiliste militant", sur votre photo de profil, vous posez à côté de votre voiture, et par ailleurs, vous militez contre les ZFE (*), une mesure présentée comme écologique. N’avez-vous pas l’impression d’être un peu à contretemps en 2023 ?
En fait, ce qui est à contretemps, c’est de monter les Français les uns contre les autres. Aujourd’hui, vous avez une transition écologique qui se fait pour les riches et contre les pauvres. Pour les urbains contre les ruraux. Là où je ne suis pas à contretemps, c’est que je veux bien la transition écologique, améliorer la qualité de l’air, encourager la recherche, innover, investir sur des transports plus propres, mais à condition que ça se fasse dans l’unité nationale. Aujourd’hui, dans les zones rurales, l’écologie suscite parfois des réactions épidermiques, du type : « c’est un truc de bobo ». Moi, j'ai plutôt envie d’une transition écologique pour laquelle tous les Français soient d’accord. Or aujourd’hui, cette transition écologique est séparatiste. Les ZFE, améliorer la qualité de l’air dans les villes, c’est bien quand vous habitez en ville, vous avez tous les services publics à côté de chez vous, mais pendant ce temps dans les zones rurales, vous avez un mouvement de dévitalisation. Vous perdez les services publics de proximité, les professionnels de santé, les emplois. C’est ce phénomène de métropolisation que je trouve passéiste.
On ne peut pas nier que cette mesure est avant tout prise pour réduire la pollution, qui reste un gros problème dans les villes...
Non, mais j’entends que la pollution est un problème, et ce serait bien qu’il n’y en ait pas, mais c’est complètement idéaliste de penser que toutes les activités humaines n’aient aucun impact négatif. Il y a eu une époque, à la révolution industrielle, où on a construit des centrales à charbon. Si on écoutait les écolos d’aujourd’hui, on ne l’aurait pas fait, parce que ça nuisait à la qualité de l’air, et peut-être qu’il y a des gens qui sont morts de cette mauvaise qualité de l’air à cette époque. En revanche, ils ont arrêté de mourir de froid, et l’espérance de vie a augmenté. Et après, on a fait des progrès avec le nucléaire bas-carbone. C’est pareil pour les automobiles qui sont devenues plus propres. Le mouvement écologiste fonctionne par la peur, dit aux automobilistes : « Vous tuez des gens ». Ce n’est pas comme ça qu’on va avancer. Il y a un "voiture bashing" qui est dans une logique décroissante. On demande aux gens de renoncer à leur moyen de transport, qui est parfois un outil de survie. Les activités humaines ont toujours eu un impact sur la santé.
"Lutter contre la grande délinquance routière"
Il y a bien un domaine sur lequel l’impact est quantifiable, c’est la mortalité routière et nous sommes dans un département où l’année dernière il y a eu une soixantaine de morts, un chiffre en hausse. Comment le fait-on baisser ? L’état des routes ne peut pas être la seule piste...
Il y a deux pistes, dont évidemment l’état des routes secondaires. J’en appellerais bien à un grand plan pour faire un audit et une rénovation de ce réseau. Il y a une autre piste, lutter contre la grande délinquance routière. L’alcool et les stupéfiants ont un impact majeur. Il faut durcir les contrôles sans embêter l’automobiliste qui roule à 10 km/h de plus, mais celui qui a un comportement dangereux, dont on peut supposer qu’il est sous emprise de l’alcool ou de stupéfiants. Il faut donner les moyens aux forces de l’ordre de lutter contre la grande délinquance routière, sachant qu’elle a probablement des liens avec d’autres délits pénaux comme le trafic de drogue.
Enfin, il y a un débat dans le département sur le retour de la limitation à 90 km/h sur le réseau secondaire...
Je suis en train de préparer un courrier pour demander au Département du Gard un retour aux 90 km/h.
Les associations de prévention et de Sécurité routière sont contre.
Oui, mais il n’est pas du tout établi, ou alors à la marge de la marge, que les 80 km/h ont eu un impact bénéficiaire sur l’accidentologie. En Lozère, ils sont repassés aux 90 km/h et il n’y a pas plus de morts (**).
* Les Zones à faibles émissions ont déjà été mises en place dans 11 métropoles, dont Montpellier. Dans ces zones, souvent en centre-ville, la circulation des véhicules les plus polluants (vignettes Crit’Air 3, 4 et 5) peut être limitée. D'ici à 2025, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants devront avoir instauré leur ZFE, dont Nîmes.
** La Lozère a rétabli la limitation à 90 km/h sur la quasi-totalité de son réseau routier en octobre 2020. Huit personnes ont perdu la vie sur les routes de Lozère en 2021, sept personnes sur les onze premiers mois de 2022. En 2018, année de la mise en place des 80 km/h, ce bilan était de 3 victimes, comme en 2019, et de quatre morts en 2020.