ALÈS Aux Restos du coeur, "le plus difficile, ce sera de dire non"
L'antenne alésienne des Restos du coeur est à l'image de ce qu'expliquait le président national, Patrice Douret, entre tsunami de nouvelles inscritpions et dons plus difficiles à récolter. Les barêmes vont être réhaussés et Cathy Bendjeddou, responsable des Restos à Alès, craint le moment où il faudra répondre par la négative à un demandeur, alors que les besoins ne cessent d'augmenter.
La situation financière compliquée de l'association, le bureau alésien des Restos du Coeur en est informée depuis "un mois, un mois et demi", témoigne Cathy Bendjeddou, responsable depuis trois ans de l'antenne alésienne des Restos. L'information s'accompagnait de "mesures de freinage", pour permettre à l'association de passer l'hiver alors que sa survie même, au niveau national, serait en danger : modification des barêmes, dotation en baisse de 20 à 30% dans les colis font partie des premières pistes...
Avant même que ne commencent les inscriptions de la campagne d'hiver, qui auront lieu fin octobre, la tendance à une forte hausse des demandes était lisible dès la campagne d'été. "On a explosé, confirme Cathy Bendjeddou. D'habitude, on arrive toujours à faire des prévisions et on avait tablé sur 400 familles pour l'été. On est à 580." Un nombre qui ne concerne qu'Alès et ses petites communes les plus proches, car d'autres relais des Restos existent à Saint-Ambroix, Anduze, Saint-Christol, Saint-Jean-du-Gard ou La Grand'Combe. Cet été, le centre n'a finalement pas fermé face à l'afflux en pouvant compter - heureusement - sur sa cinquantaine de bénévoles.
"On voit arriver les gens dans une galère monstre"
Cathy Bendjeddou, responsable de l'antenne alésienne des Restos du Coeur
En plus d'un nombre en forte hausse, Cathy Bendjeddou pointe aussi l'état dans lequel arrivent ces nouveaux demandeurs. "On voit arriver les gens dans une galère monstre, des gens dont les ressources ne suffisent plus." Des personnes aux minima sociaux, des femmes en attente de la pension de reversion, des étudiants "qui commencent à nous arriver, y compris de l'École des Mines", précise Denis Guérin, bénévole et adjoint de Cathy Bendjeddou. Cela fait bien longtemps, aussi, que l'association reçoit des gens à temps plein, qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts. Des "travailleurs pauvres" dont le nombre est croissant, notamment à la suite "de la hausse du coût de l'énergie, qui est parfois phénoménal", pointe la présidente alésienne.
Aux frais de l'énergie est venue s'ajouter l'inflation sur les produits alimentaires de première nécessité. "Les gens s'endettent, je n'ai jamais vu autant de personnes expulsées de leur logement, constate Cathy Bendjeddou. Pendant la campagne d'été, j'ai reçu une dizaine de personnes à la rue." Des gens sans activité ou au travail, et des retraités avec petites pensions, principalement. Ainsi que des personnes issues de l'immigration : "La préfecture du Gard a du mal à renouveler rapidement les titres de séjour, explique Denis Guérin. Quand la demande est faite, ils attendent deux mois et demi, voire trois mois, même quatre mois quand il y a un changement de département. Et, du jour au lendemain, la Caisse d'allocations familiales (Caf) leur coupe les prestations." Sans ressource, c'est vers les Restos qu'ils se tournent naturellement. Restos qui reçoivent, également, des sans-papiers "qui ont un emploi".
"On aimerait bien être en contact avec des petits producteurs, en direct"
Denis Guérin, co-responsable de l'antenne alésienne des Restos du Coeur
Le seul bon point, dans ce tableau plus que morose, "c'est qu'on n'a pas eu trop de difficultés sur les approvisionnements", se rassure la présidente de l'antenne alésienne. Pourtant, localement, l'association n'a pas de convention avec les supermarchés, sauf l'Hyper U de la rocade, où se tiendra d'ailleurs la collecte des 13 et 14 octobre. "Mais, même avec Grand Frais, avec qui les Restos du Coeur ont signé une convention nationale, on n'arrive pas à travailler avec eux ici." Cathy Bendjeddou et Denis Guérin regrettent aussi "la fin de non-recevoir de la part des maraîchers de la Prairie. D'ailleurs, plus largement, aux Restos, on aimerait bien être en contact avec des petits producteurs, en direct, que ce soit pour capter leur trop-plein ou pour leur acheter des denrées." Avec une pointe d'ironie, Denis Guérin lâche : "On préfère acheter aux agriculteurs du coin que de les voir venir veirs nous pour demander une aide dans trois ans..."
"En octobre, on va inscrire. Mais il y a beaucoup de personnes à qui il faudra dire "non", s'inquiète Cathy Bendjeddou. Ce sera le plus difficile cet hiver." Et ce, dans la seule association où le colis est gratuit, où on ne demande pas si le demandeur reçoit une aide d'une autre association et qui inscrit toute l'année. La révision des barêmes laissera forcément des demandeurs sur la carreau. Même si l'association ne se refait pas et a bien conscience des difficultés sociétales : "Dans le barême, désormais, on déduit aussi le coût de l'énergie, ce qu'on ne faisait pas avant." Une mesure cohérente dans le contexte, mais qui ne permettra sans doute pas de faire sortir du dispositif suffisamment de bénéficiaires pour sauver l'assocation. Or, si des donateurs se sont manifestés depuis le début de la semaine, le déficit de 35 millions ne concerne que l'année 2023. La pérennité se jouera après cette aide d'urgence...
Samedi 16 septembre, à 20h30, la troupe L'Emporte pièce jouera la pièce de Laurent Baffie, Toc Toc, dans la salle du Tremplin à Saint-Ambroix. Les bénéfices de la soirée seront entièrement versés aux Restis du Coeur du Gard.