FAIT DU SOIR Forte mobilisation contre la réforme des retraites : les manifestants ne lâchent rien !
Malgré le 49.3 et le rejet de la motion de censure, la mobilisation était très forte ce jeudi. Les syndicats et manifestants n'ont pas dit leur dernier mot et ne "lâchent rien" pour que cette réforme des retraites soit retirée. La colère est d'autant plus vive, au lendemain de l'interview télévisée où le président de la République a bien fait comprendre qu'il ne l'abandonnerait pas.
À Bagnols-sur-Cèze, les manifestants investissent le rond-point de l'Europe, la circulation bloquée
"On attendait rien du président de la République. Ce qu'il a dit nous arrange car il a galvanisé les troupes, les gens sont encore plus énervés", commente Claudine Chalamon, militante CGT et La France insoumise, au lendemain de l'interview télévisée d'Emmanuel Macron. Malgré un passage en force par le 49.3, les manifestants ne veulent pas s'avouer vaincus. "Ce n'est pas encore joué. Ce ne serait pas la première fois où la "rue" obtient quelque chose", commente Céline, enseignante de métier.
Sur sa pancarte, il est écrit en rouge et en lettres capitales "Fous la paix à ma retraite ! Bouge ton c.. pour la planète !" D'autres messages s'élèvent dans le dense cortège qui est parti du monument aux morts pour traverser la place Mallet, la rue de la République pour terminer au rond-point de l'Europe en traversant l'avenue éponyme. Le tout en musique et à coup de "Macron démission". Le giratoire a été investi par une vague de manifestants jusqu'à midi passé. La circulation automobile a dû être interrompue, les files de voitures se sont formées de part et d'autres du rond-point.
Selon les syndicats, plus de 5 000 personnes ont manifesté à Bagnols-sur-Cèze, ce jeudi 23 mars, pour la 9e journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites. Selon la police, ils ne seraient que 1 500. Néanmoins, cela reste des chiffres très élevés. Cette mobilisation est l'une, si ce n'est pas la plus suivie à Bagnols depuis le début du mouvement. Galvanisé, le porte-parole CFDT de l'intersyndicale a appelé chacun à continuer la lutte contre "ce déni de démocratie". D'autres actions de contestation ont eu lieu à Bagnols : les 15 agents d'Enedis Bagnols étaient tous en grève et ont laissé levé en l'air le bras mécanique de leurs véhicules d'intervention, en symbole de leur opposition. Ils assureront toutefois les urgences ou les actions de sécurisation.
À Alès, "on est loin du baroud d'honneur"
Avec les deux premières journées de mobilisation de janvier et celle du 7 mars, la manifestation de ce jeudi 23 mars est celle qui a réuni le cortège le plus fourni. Pas loin de 7 000 personnes sans doute, 4 500 selon la sous-préfecture, où une délégation intersyndicale avait été reçue avant le défilé. Une foule renforcée par l'entretien donné hier par Emmanuel Macron à la télévision, qui n'a voulu donner aucun espoir aux manifestants.
C'est pourtant l'espoir, autant que la colère, qui a porté une nouvelle fois des milliers de gens dans les rues ce jeudi après-midi. Deux notions symbolisés par la trentaine de jeunes qui collaient au premier camion de la CGT, en scandant : "C'est quoi le message qu'on donne aux jeunes ? Travaille, consomme et ferme ta gueule !" Alain, cheminot retraité, a défilé à chaque mobilisation. "S'il y a encore du monde, le texte peut tomber, espère-t-il. Le taux de grévistes n'a jamais été aussi élevé depuis le début. Mais il faudrait que des blocages plus importants aient lieu sur Paris. Et puis, on ne s'en sortira que si on est solidaires avec les grévistes. Il y en a qui sont à vingt jours de grève déjà. Et dans les foyers, le ton peut aussi monter sur l'argent qui ne rentre plus."
"J'ai l'impression qu'il y a une bonne motivation des manifestants, constate Vanessa, qui travaille dans une crèche associative, ce serait bien que ça continue. Il faut voir si les grévistes peuvent suivre financièrement. Parce que, c'est sûr, on est tenus par le salaire." Pour elle, la question ne se pose pas : "S'il y a une nouvelle manifestation, je continuerai."
Sans drapeau ni slogan, le premier adjoint au maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas, Rémy Offredi, traîne en fin de cortège. "Je suis solidaire de toutes ces jeunes générations. Moi, j'ai travaillé jusqu'à 69 ans mais c'était un choix et je n'avais pas la pénibilité de certains." Professeur d'économie, il porte également un jugement sur le besoin de réforme. "On sait bien que la structure démographique de la population entre en ligne de compte. Mais on n'a pas entendu d'autre débat que de repousser l'âge. La CFDT était prête à se mettre autour de la table, mais le président est parti dans une logique qui était la sienne. À la fin, c'est quand même fort de chocolat quand on voit comment un grand débat de société passe ainsi à la trappe. Le président a parlé hier de déficit de pédagogie, il était temps qu'il s'en aperçoive..." L'ancien professeur d'économie se demande désormais ce que la société va garder de cette période mouvementée, et "quelles en seront les retombées, j'ai du mal à voir..."
À Uzès, les lycéens se mobilisent
Ils étaient 1 200 selon les syndicats, 500 selon les gendarmes, à manifester ce jeudi matin à Uzès pour cette neuvième journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites. Avec une nouveauté : la présence en masse de lycéens. L'un d'entre eux sera même invité à prendre la parole en début de manifestation, pour affirmer que les lycéens et étudiants devaient "défendre nos retraites, nos emplois et notre santé."
Sur des airs plus modernes (on a entendu du JUL), les étudiants prenant un temps la main sur la playlist de manifestation, le cortège, sans doute le plus fourni depuis le début de la mobilisation à Uzès, a fait le tour de ville, sans qu'aucun heurt n'ait été à déplorer. Parmi les manifestants, on ne semble pas parti pour s'arrêter. "Ce n'est ni amendable, ni négociable", lancera le secrétaire de l'union locale CGT d'Uzès Philippe Alby en évoquant le retrait de la réforme, déterminé à ne "rien lâcher".
Forte mobilisation à Nîmes
C'est peut-être la mobilisation la plus forte depuis le début. Le message était très clair, les manifestants en avaient ras-le-bol. Sur le haut du boulevard Jean-Jaurès, l'intersyndicale submergeait l'espace et semblait remonté plus que jamais. Les jeunes ont également décidé de se rassembler plus massivement. "On était énormément rassemblés au même endroit. Aujourd'hui, on est là parce qu'on en a marre", explique Jullien Pacioni-Dorna, adjoint à l'Environnement à la mairie de Clarensac et co-fondateur du mouvement Babord. Chauffés par un des camions de l'intersyndicale, étudiants pour la plupart, ils ont brandi de nombreuses pancartes : "Jeunesse en colère", "Ils dépassent les bornes", "16-64 c'est une bière, pas une carrière" ou encore "Métro, boulot, muerto, Manu c'est Ciao".
Noémie, étudiante en quatrième année aux Beaux-Arts, faisait partie de ces jeunes présents : "D'une manière générale, la manifestation touche le peuple", explique-t-elle, ajoutant qu'elle compte continuer à manifester jusqu'à ce que la réforme des retraites soit retirée. Comme d'autres personnes rencontrées, elle n'est pas démoralisée par le discours du président Macron hier à la télévision, ni par le rejet de la motion de censure lundi dernier. Un discours que partage Manon Pin, enseignante au lycée Gaston Darboux et syndiquée chez Force Ouvrière, venue avec sa fille : "Je suis les manifestations depuis le début et je vais rester jusqu'à ce que le Gouvernement retire sa loi".
Du côté de la CGT, venue en masse, le son de cloche est le même : "Je ne croyais pas à la motion de censure, elle n'est pas passée à cause des Républicains. Les députés majoritaires ont trop à perdre. On espère que la loi ne sera jamais appliquée parce qu'elle est contre le peuple", martèle Gaël Saglietto, délégué syndical CGT de l'entreprise "Owens Corning" à L'Ardoise. Un des manifestants, mégaphone à la main sur son vélo, a lancé : "Ce soir madame la préfète nous offre l'apéro !", invitant le cortège à siéger devant la préfecture. Suite à cela, une partie des manifestants a décidé de pénétrer dans la gare SNCF. Le ton est légèrement monté, des CRS étaient mobilisés en haut des deux escalators pour empêcher toute montée au niveau des rails. Du gaz lacrimogène a été jeté pour dissuader les manifestants présents. À noter également une coupure d'électricité de plusieurs dizaines de minutes dans le quartier.
Au Vigan, un flash mob fait trente victimes fictives
Mobilisation traditionnelle, à 18h, devant la mairie du Vigan, avec un flashmob qui s'est achevé par la chute de trente corps, dont les silhouettes ont été dessinées au sol. "On était de nombreux élus dans la manifestation", témoigne le maire de Mandagout, Emmanuel Grieu. Un portrait de Macron et une représentation du 49.3 ont été brûlés. La manifestation des près de 800 personnes présentes s'est déroulée dans le calme.