FAIT DU JOUR Discothèques : à quand le retour de la fièvre du samedi soir ?
Les gérants de boîtes de nuit - fermées depuis le 15 mars en raison de la crise sanitaire - attendent toujours de savoir quand ils seront autorisés à rouvrir les portes de leur établissement et dans quelles conditions.
Depuis quelques jours, le mot "discothèque" est réapparu dans les médias suite à l'allocution du Premier ministre, Édouard Philippe, le 28 mai dernier pour la présentation de la phase 2 de son plan de déconfinement. À cette occasion, et pour la première fois depuis le début des annonces gouvernementales liées à la sortie du confinement, il a évoqué le milieu de la nuit, indiquant que les clubs et les discothèques devraient rester fermés au moins jusqu'au 21 juin 2020.
Est-ce à dire que leur réouverture sera autorisée au lendemain de la date de la Fête de la musique, soit 20 jours après celle des bars et des restaurants ? Rien n'est certain encore mais "normalement, nous devrions avoir une réponse le 22 juin", espère Gérard Hampartzoumian. Une réponse tardive selon le président de l'UMIH 30 (syndicat patronal du secteur cafés-hôtels-restaurants-discothèques, NDLR), pour qui "les discothèques ont été les grandes oubliées du déconfinement."
Reste à savoir quelle sera la réponse apportée par le Gouvernement. Quand ? Comment ? "C'est le flou total, aucune solution n'a été proposée pour le moment", assure Gérard Hampartzoumian. Il ne peut alors qu'imaginer les conditions de réouverture des discothèques dans le cas où elle pourrait se faire entre la fin juin et le début du mois de juillet.
Comme les bars et les restaurants, des mesures barrières devaient être imposées, avec peut-être une régulation de flux de personnes dans les établissements, le port du masque obligatoire pour les salariés comme pour les clients, etc.
Bien que conscients des efforts à faire pour réussir à endiguer l'épidémie du coronavirus, certains gérants jugent ces conditions trop strictes et inadaptées à leur cœur de métier. "Nous nous languissons de pouvoir rouvrir et nous sommes prêts à respecter certaines mesures pour permettre aux personnes de faire la fête dans de bonnes conditions. Mais si elles sont trop strictes, ça ne fonctionnera pas", assure Marc Giner, co-gérant avec Frédéric Fiaschi, du First Club, à Nîmes.
Malgré ses 20 à 30% de perte sur son chiffre d'affaires de l'année et la mise au chômage partiel de ses neuf salariés, le patron préférera patienter jusqu'au mois de septembre plutôt que d'imposer des règles sanitaires trop sévères à sa clientèle. "Mon métier, c'est de faire rêver les gens dans un lieu d'échanges et de rencontres et une ambiance conviviale. Comment y arriver avec 400 personnes masquées ? Et si on nous demande de réduire notre jauge à 100 ou 150 personnes, nous risquerions de travailler à perte. Nous avons patienté trois mois, nous pourrons attendre deux mois de plus", lance-t-il.
"Mon établissement fermé représente entre 8 000 et 9 000 euros de frais par mois"
Même son de cloche pour Steve Guillot. Le patron du Mexx à Vauvert ne sait pas s'il rouvrira les portes de sa discothèque avant la fin de sa saison, lors de la période estivale. Comme pour le First Club, les trois mois de fermeture imposée ont engendré une perte sur son chiffre d'affaires annuel qui s'élève à 40%. Si le Mexx bénéficie du fond de solidarité de 1 500 euros par mois, cela reste insuffisant selon Steve Guillot : "Mon établissement fermé représente entre 8 000 et 9 000 euros de frais par mois."
Le gérant comptait sur l'ouverture dès ce week-end de son patio dans une version bar d'ambiance sans piste de danse, pour limiter la casse. Il avait prévu des règles à suivre : respect de la distanciation physique et du sens de circulation établi, mise à disposition de distributeurs de gel hydroalcoolique à l'entrée du bar, dans les toilettes et au niveau du comptoir. Ainsi que le port du masque ou d'une visière obligatoire pour le personnel. Mais la préfecture du Gard a mis un frein à ses intentions. Son établissement étant classé en catégorie P, Steve Guillot n'est pas autorisé à rouvrir ses portes.
Luis Nabais, qui a racheté le Loft à Saint-Quentin-la-Poterie il y a trois ans et demi, est aussi en plein préparatifs en vue d'une possible réouverture. "Les gens rentreront par le patio au lieu de l'entrée normale. Du gel hydroalcoolique sera à disposition à l'entrée et dans les toilettes", détaille-t-il. Des vigiles surveilleront que de trop grands groupes ne se forment pas à proximité du bar ou des toilettes.
Il attend les consignes pour savoir s'il peut rouvrir l'intérieur de son établissement ou seulement son patio. Auquel cas, "on mettra la musique plus fort et on laissera les portes ouvertes pour l'entendre." À l'extérieur, en respectant les distances physiques, il estime pouvoir accueillir environ 100 personnes contre 400 d'habitude. Pas beaucoup mais c'est mieux que rien : "On essaye d'arrêter l'hémorragie. Les discothèques n'ont aucune aide. On n'est pas suivi par les banques en général..."
Il devra diminuer aussi son personnel de 10 à 5 personnes. Le temps du confinement a été très compliqué et représente près de 30 % de pertes sèches en trois mois. "J'ai 2 000 € de loyer, heureusement mon propriétaire m'a permis de l'étaler sur plusieurs mois. Il y a aussi les stocks de boissons commandés avant le confinement qu'il a fallu payer sur 30 jours qui représentent 20 000 €."
Au Caveau de l'Alma, à Alès, Nicolas Faivre-Rampant estime lui aussi que les discothèques ont été les grandes "oubliées". Comme ses homologues Gardois, le patron est dans l'expectative : "Officiellement, on n'a pas de date de reprise et j'espère qu'on en saura plus le 22 juin. Mais porter des masques et respecter les distances dans un établissement comme le mien, ça va être compliqué, voire impossible". L'homme au passé de DJ espère rouvrir son établissement "comme avant" avec ses 300 clients par soir. Et ainsi revoir au plus vite les collés-serrés qui font tout le charme des discothèques.
Stéphanie Marin, Marie Meunier & Tony Duret