FAIT DU JOUR Rolland Barral : le Tour de France, sa dose d'émotions
À 71 ans, le Nîmois Rolland Barral est le chauffeur le plus âgé sur la caravane du Tour de France. Hier, il a pris le départ de sa 11e Grande Boucle au volant du char Senseo. Cet ancien chef d’entreprise raconte ses bons et moins bons souvenirs sur le Tour, mais toujours avec bienveillance.
Les 70 printemps passés, Rolland Barral a encore des journées bien remplies. Après avoir vendu son entreprise de transport et logistique au début des années 2000, il donne des cours à de futurs entrepreneurs en région parisienne. Et même s’il habite à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), Rolland s’offre une capsule de dépaysement chaque été en juillet sur les routes de France. Nîmois seulement lors de ses dix premières années, l’homme est resté attaché à sa ville natale. « J’ai habité rue de l’Aspic et rue Pierre Semard, se souvient-il, je descends à Nîmes pour la feria et voir la famille à Caissargues et Manduel ».
Après avoir quitté le Gard, ce transporteur a fait sa vie en Île-de-France. Féru de sport et amateur de vélo, il dépose une candidature spontanée, « participer à l’activité logistique d’un tel événement me faisait envie. Je voulais participer à cette fête. » Fort de son expérience, le Nîmois est retenu et l’aventure Tour de France débute en 2013. Chez Senseo, une marque de cafetière, Rolland conduit un semi-remorque pour approvisionner tous les acteurs en café. Après deux ans de logistique pur, il fait une parenthèse de trois ans chez St-Michel où il découvre la caravane au volant d’une madeleine géante avant de revenir chez Senseo.
Virage des Hollandais et seau d'urine
La caravane du tour, presque chacun de nous l’a vu passer au moins une fois dans sa vie. Un cortège de chars avec plusieurs grandes marques qui distribuent leurs goodies et les enfants qui se précipitent sur les paquets de bonbon Haribo et de saucisson Cochonou. « J’aime cette ferveur au bord des routes », commente l’intéressé qui du haut de ses 71 ans sera le doyen des chauffeurs pour cette 110e édition, « tout le monde me connaît maintenant ! » Et malgré le sentiment de la foule que la caravane passe trop vite, pour le conducteur c’est tout l’inverse, « quand on traverse les villes on roule à moins de 30 km/h. »
D’autant plus dans certains cols, où la foule est nombreuse, il est difficile de se frayer un chemin. À l’image de la montée de l’Alpe d’Huez et le fameux virage des Hollandais où Rolland doit redoubler de prudence. « Les gens sont là de bonne heure et en profitent pour faire la fête et pour certains boire plus que de raison. Parfois c’est un peu compliqué ! » Fort heureusement, dans la majorité des cas, tout se passe bien mais certains énergumènes n’hésitent pas à monter sur le char ou à balancer des « saloperies » comme des seaux d’urine. « C’est assez rare mais ça arrive », assure le chauffeur.
"Des trombes d’eau avec 50 centimètres sur le boulevard Victor-Hugo"
En dix ans de Grande boucle et en roulant plus de 3 500 kms tous les mois de juillet, le Gardois a des anecdotes plein la boîte à gants. Surtout quand en plein cœur de l’été, la météo fait des caprices. Comme à Tignes en 2019 où, pour la première fois, une étape n’est pas allée au bout car une coulée de boue rendait la chaussée inaccessible aux coureurs. « On est passé juste avant et on est resté bloqué jusqu’à deux heures du matin avant de pouvoir redescendre. » La pluie l’a aussi marqué lors de l’édition 2014, partie d’Angleterre, « sur 21 étapes, on a eu 17 étapes de pluie c’était l’enfer, à la Planche des Belles Filles on s’était embourbée dans le parking ».
Rolland avait rassuré ses collègues en annonçant le soleil avec l’arrivée au 15e jour à Nîmes, « j’ai été la risée de mes amis, il y avait des trombes d’eau avec 50 centimètres sur le boulevard Victor-Hugo. Cela m’a suivi pendant quelques années. » Il a pu savourer le passage sur ses terres en 2019, sous la chaleur, avec une étape 100 % gardoise et un départ du Pont du Gard, le lendemain, après un première traversée la veille. « J’ai vraiment bien profité », se souvient-il alors que cette année le Tour ne passe pas dans notre département. La pluie mais la chaleur aussi fait souffrir les corps avec parfois jusqu’à 43 degrés au thermomètre.
Être chauffeur dans la caravane a permis à Rolland de traverser des sites divers comme l’aqueduc romain mais aussi le circuit de Spa-Francorchamps ou le stade Vélodrome de Marseille. Et surtout de découvrir des paysages fabuleux et uniques comme le Mont-Ventoux, Gordes et son coup de cœur, la vallée de la Vésubie sur les hauteurs de Nice. « C’est extraordinaire ! C’est le plus beau paysage que j’ai vu sur le Tour », confie Rolland qui était passé seulement quelques semaines avant les terribles inondations. Il y est ensuite retourné à moto. À 71 ans, d’autres émotions l’attendent encore cette année avant peut-être de continuer « tant que je suis en bonne santé, pourquoi pas repartir ! ».