ALÈS Abattoir : pour l'éleveur Patrick Gravil, la volonté politique doit se muer en courage
Christophe Rivenq en a réservé l'annonce au petit comité qui composait un séminaire, ce jeudi, à la maison du Mineur de La Grand'Combe : l'abattoir d'Alès doit déposer le bilan, ce vendredi, au tribunal de commerce. Une expression que conteste l'un des administrateurs, l'éleveur Patrick Gravil de Saint-Privat-des-Vieux, qui préfère parler de cessation de paiement. Une audience aura lieu, mercredi prochain, au tribunal de commerce de Nîmes, pour décider de la suite. Patrick Gravil espère que la mobilisation des élus locaux sera à la hauteur du soutien affiché lors des récentes manifestations agricoles. Et que les enseignes montreront de la bonne volonté.
En matière d'élevage, Patrick Gravil pèse un poids certain, à la tête de son exploitation de vaches limousines, à Saint-Privat-des-Vieux. C'est notamment lui qui fournit la grande majorité de la viande rouge du Mas des Agriculteurs, à Nîmes. Et qui envoie environ 150 bêtes, chaque année, à l'abattoir dont il est administrateur. L'inquiétude accompagne le dépôt de documents que l'abattoir doit réaliser, ce vendredi, au tribunal de commerce.
"Le dépôt de bilan, c'est peut-être un grand mot, précise Patrick Gravil. C'est plutôt une cessation de paiement. Le tribunal doit, ensuite, décider entre une liquidation ou un redressement judiciaire." Mais difficile, pour l'éleveur, d'anticiper sur la décision. "On a 45 jours pour présenter les comptes, les factures, après la cessation de paiement, le temps que le tribunal prenne une décision. Mais on n'est pas en situation d'arrêt immédiat."
"Si l'abattoir devait fermer, ce serait comme couper les jambes à un athlète"
Patrick Gravil, éleveur à Saint-Privat-des-Vieux
Les données de l'équation, maire et président d'agglomération d'Alès les produisent depuis des mois : il manque du tonnage abattu pour équilibrer les comptes. Envirion 400 tonnes de plus seraient nécessaires pour assurer l'équilibre financier. En fin d'année 2023, Christophe Rivenq disait déjà craindre que les 3 500 tonnes de viande habituellement abattues chaque année ne descende à 2 900 tonnes pour l'année 2024. "On rencontrait déjà des difficultés à boucler les fins de mois", constate Patrick Gravil.
"Si l'abattoir devait fermer, ce serait comme couper les jambes à un athlète, se désole l'éleveur saint-privaden. Et moi, je ne sais pas où j'abattrai." Car les abattoirs les plus proches, si Alès venait à fermer ses portes définitivement, se trouvent à Aubenas (Ardèche), Pézenas (Hérault) ou Tarascon (Bouches-du-Rhône), qui absorbe déjà une grosse part de la production de l'AOP Taureau de Camargue. "Mais ces abattoirs ont aussi des capacités limitées !", prévient Patrick Gravil.
"400 tonnes, pour équilibrer, ça ne paraît pas énorme non plus, poursuit l'éleveur. Mais c'est aussi une époque : un abattoir ferme chaque mois, en ce moment, et cela fait des années que les troupeaux diminuent. Localement, on a aussi eu le problème de la fermeture d'Alès Viande et de son repreneur, qui assure moins de la moitié du tonnage d'Alès Viande, qui avait déjà fortement réduit son abattage sur Alès. Et cette reprise ne présage rien de bon, avec 4 à 500 tonnes de moins commandés."
"Mobiliser une partie de la filière qui vend de la viande, pour qu'elle s'engage à ne l'acheter que si la viande passe par l'abattoir d'Alès"
La profession espère désormais "mobiliser une partie de la filière qui vend de la viande, pour qu'elle s'engage à ne l'acheter que si la viande passe par l'abattoir d'Alès". Patrick Gravil espère dans l'engagement de supermarchés locaux. S'il salue l'action de la ville et de l'agglo d'Alès - "qui ont porté l'abattoir à bout de bras" - il aimerait aussi assister à un plus grand engagement des politiques locaux, qui sont venus apporter leur soutien aux agriculteurs sur les barrages. "Il y a 17 intercommunalités dans le département. Si chacune prenait en charge un salaire à hauteur d'un Smic, l'abattoir serai sauvé. Il y a une différence entre la volonté politique et le courage politique...", constate Patrick Gravil. Une trentaine d'emplois directs font tourner la structure, pour un chiffre d'affaires d'environ deux millions d'euros.
Depuis vingt ans, la Ville aurait déjà mis 12 millions d'euros dans l'équipement, pour assurer sa pérennité. C'était aussi le montant estimé de la rénovation indispensable de l'abattoir de Bruèges, bien plus que le devis pour une éventuelle nouvelle structure. Malgré ces efforts financiers importants, l'outil pourrait bin disparaître rapidement, comme le maire, Max Roustan, le craignait lors du dernier conseil municipal de l'année 2023. Si l'abattoir alésien venait à fermer, le réarmement agricole - énoncé à grands renforts de séquences de communication gouvernementale - aurait tout d'un abandon en rase campagne.