EXPRESSO Pour la première fois de son histoire, le bailleur social les Logis Cévenols votera un budget déficitaire
La conférence de presse organisée ce jeudi matin à l'initiative des Logis Cévenols, Office public de l'habitat (OPH) d'Alès Agglomération, revêtait des airs de cri d'alerte à l'heure où le bailleur social votera le premier budget déficitaire de son histoire en raison de la conjoncture.
L'heure est grave. La pérennité du modèle du logement social dans notre pays est en danger si l'on en croit la tonalité des propos tenus de concert par le maire d'Alès, le président d'Alès Agglomération, et le directeur général des Logis Cévenols dans les locaux de l'Office public de l'habitat (OPH) de l'Agglo ce jeudi matin. Comme souvent, Christophe Rivenq s'est chargé du "sale boulot" en délivrant à la presse locale un certain nombre de données macroéconomiques dédiées à une meilleure compréhension de la conjoncture.
"On est face à un problème. Un problème national qui dépasse largement les Logis Cévenols", a embrayé le dernier nommé. En France, près de 80 % de la population est éligible au parc social. 1,7 million de ménages sont en attente d'un logement social dans l'Hexagone, 14 000 "seulement" dans le Gard. Mais en 2018, 108 000 logements sociaux neufs ont été financés, au lieu des 500 000 recommandés par les chiffres de l'État. "Ça a chuté à 90 000 en 2020 en raison de la crise sanitaire. Et aujourd'hui, la Banque des territoires évalue à moins de 75 000 le nombre de logements sociaux en capacité d'être réalisés", prévient le patron de l'Agglo.
À une échelle plus locale, avec 34 % de logements sociaux, la ville d'Alès a fait "le choix assumé" de se situer bien au-delà du seuil (20 %) fixé par la loi de Solidarité et de renouvellement urbain (SRU) qui s'applique aux communes de plus de 3 500 habitants. Si elle a un temps d'avance, la capitale des Cévennes n'entend pas se laisser rattraper par la patrouille. Pourtant, l'horizon n'est pas franchement dégagé pour l'Office public de l'habitat communautaire dont le conseil d'administration a, ce jeudi matin, dû se prononcer pour la toute première fois sur un budget d'exploitation déficitaire.
Directeur général des Logis Cévenols, Philippe Curtil en a expliqué la cause en toute transparence, sans parvenir à dissimuler l'aigreur qui l'habite vis-à-vis des dernières mesures de l'État : "Le point de bascule, c'est 2018 avec l'instauration de la réduction de loyer de solidarité (RLS, NDLR). Malgré une gestion saine et responsable, on se retrouve à être plus pénalisé que les autres avec cette RLS qui est forfaitaire, et donc plus impactante dans notre cas."
En effet, comme l'avait indiqué quelques minutes plus tôt Christophe Rivenq, "un choix politique" a été fait sur ce territoire : celui de proposer des logements sociaux "de qualité à bas loyers" (d'un montant 11,5 % inférieur à celui des loyers plafonds). À titre d'exemple, Max Roustan a précisé qu'à Alès, "une villa avec garage et petit jardin, c'est 570 € !", contre 750 à 800 € dans le privé. Une mesure sans doute appréciée des locataires, mais qui a un coût : 2 M€ "a minima". Auquel s'ajoute donc la perte de 2 M€ supplémentaires correspondant à la fameuse RLS. "C'est la prime à la mauvaise gestion", peste Philippe Curtil, qui décrit un sentiment équivalent à "la double peine".
"Si ça continue, on va à la catastrophe !"
À ce cocktail conjoncturel largement défavorable aux habituelles opérations du bailleur social, le président d'Alès Agglomération n'oublie pas de rajouter "la hausse de la TVA en 2018", ainsi que "l'explosion" du taux du Livret A (les bailleurs sociaux y sont soumis par le biais de la Caisse des dépôts via laquelle s'effectuent les demandes de financements relatifs à de la production de logements), passé de 0,5 % début 2022 à 3 % en 2023, laquelle a fait s'envoler les charges financières des Logis Cévenols de l'ordre de 148 % en une année.
Autant de hausses qui se cumulent à l'inflation, matérialisée par l'augmentation des coûts de construction, évaluée entre 18 et 20 % par la profession. En pareilles circonstances, le bailleur social, contraint de "taper dans ses fonds propres", a toutes les raisons de se montrer inquiet et de tirer la sonette d'alarme en interpellant l'État. C'est tout le sens de ce courrier expédié le 16 janvier dernier à l'attention de la Première ministre Élisabeth Borne, signé par le président de l'OPH Logis Cévenols, Max Roustan. Il y réclame des mesures d'urgence, telles que le gel ou le retrait de la RLS, un déplafonnement de l'augmentation des loyers pratiqués, la généralisation du taux de TVA à 5,5 % pour les activités des bailleurs sociaux, ainsi que l'augmentation des participations financières de l'État relatives à l'aide à la pierre. À l'heure où était présenté un budget déficitaire, cette missive restait pour l'instant lettre morte.
"Avec l'Office, si ça continue, on va à la catastrophe !", annonce le maire d'Alès, invitant avec des mots bien à lui des organisations comme l'association des maires de France (AMF) à "se bouger le cul !" pour faire entendre la voix des territoires. Car la menace qui plane au-dessus de l'Office basé quai de Bilina pourrait faire effet boule de neige. "Aujourd'hui, les Logis Cévenols ne vont plus être en capacité d'investir dans la construction de logements neufs. Ça aura un impact non-négligeable sur le secteur du BTP. Or, on le sait, quand le bâtiment ne va pas, rien ne va ! On rentre dans un cercle vicieux...", craint Christophe Rivenq, empreint d'un inquiétant pessimisme qu'on lui connaissait peu.
Logis Cévenols en quelques chiffres
6 000 logements dans le Gard, 632 logements mis en service ces 5 dernières années, 80 M€ de budget, 106 salariés, 99,9% du patrimoine en classement énergétique DPE. Avant 2018, le bailleur social faisait sortir de terre entre 250 et 300 logements sociaux par an. Depuis 2019, le chiffre est tombé à 150 et pourrait passer sous la barre des 100 logements