GÉNOLHAC Plus d'un an après, le pont de Rastel toujours pas reconstruit : le maire s'agace
Plus d'un an après la crue du Luech survenue le 3 octobre 2021 et causant des dégâts retentissants, le pont de Rastel, l'une des victimes, n'a toujours pas été reconstruit. La faute à des lourdeurs administratives et des finances dans le rouge du côté de la mairie de Génolhac dont le maire s'impatiente.
Guy Chéron n'est pas verni. Élu en 2020 maire de Génolhac, commune de 900 âmes située à 40 kilomètres au nord d'Alès, le retraité et son équipe municipale, plombés par des finances en berne et une lourde dette d'investissement, doivent procéder à la vente de la gendarmerie pourtant fraîchement inaugurée (relire ici). Dans le même temps, l'édile génolhacois est englué dans un autre dossier épineux, lequel concerne aussi la commune voisine de Chamborigaud.
Le 3 octobre 2021, un violent orage éclata en Cévennes et le Luech alors en crue emporta deux ponts bicommunaux. Le pont submersible du côté du hameau de Sentinel, peu onéreux (60 000 euros), fut reconstruit presque immédiatément grâce à la prise en charge financière de l'État, de la Région, du Département et de l'Agglo.
Du côté du pont de Rastel, lui aussi dévasté, il fallut attendre le mois de décembre pour qu'une passerelle permette l'accès d'une rive à l'autre aux piétons. Ce n'est qu'en février 2022 qu'une nouvelle piste fut créée pour les voitures, désenclavant en partie une poignée d'habitants sinistrés.
Un ouvrage qui avait vocation à n'être que provisoire puisqu'arriva le temps des études pour une reconstruction à l'identique du pont de Rastel. Un premier devis se chiffrait à 350 000 euros. La Région s'est alors engagée à financer le projet à hauteur de 15 %, idem pour le Département, tandis que l'État tablait sur 30 %. Alors que les maires de Chamborigaud et de Génolhac commençaient à sortir les calculettes pour chiffrer leur part communale respective, celle-ci a soudainement bondi.
"Quand je vais voir une banque, le refus est catégorique"
En effet, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a rejeté en bloc le premier devis en émettant plusieurs bémols. "Elle ne veut plus de pilier au milieu du Luech et nous demande de faire plutôt une voûte", indique Guy Chéron. Une petite nouveauté qui vaut son pesant d'or puisque le coût de la reconstruction a presque doublé pour s'établir à environ 600 000 euros.
"Avec les surcoûts, je suis sûr qu'on dépassera même les 700 000 €", prévoit le maire de Génolhac. Problème : si la Région et le Département maintiennent leur subvention respective de l'ordre de 15 % quel que soit le montant total, l'État reste sur un taux de 30 % mais s'aligne à la première estimation. Les parts communales s'élèvent donc à 150 000 euros pour Chamborigaud et Génolhac.
"Chamborigaud peut éventuellement s'en sortir, mais pas nous", avertit Guy Chéron. "Avec la dette qu'on a, on ne peut pas emprunter. Quand je vais voir une banque, le refus est catégorique", étaye-t-il. Ainsi, les mois défilent sans que les habitants du hameau de Rastel ne voient un quelconque pont se reconstruire et ce, plus d'un an après la crue du Luech.
Alors, Guy Chéron a pris la plume pour "arroser" élus locaux, sénateurs du Gard et préfecture. Un courrier adressé ce vendredi 2 décembre au matin à Carole Delga, présidente de la région Occitanie. "Sans nommer la commune car je sais qu'elle a compris puisqu'elle était venue, je lui ai dit que je trouve ça anormal qu'on vienne inaugurer un pont à 8 millions d'euros (le pont Georges-Frêche à La Grand'Combe, NDLR), alors qu'à 20 kilomètres de là, il y a deux communes qui tentent de désenclaver un hameau", résume le premier magistrat génolhacois.
Le dernier nommé est un adepte des missives corrosives teintées d'humour. L'an dernier, quelques jours après la crue du Luech, le maire avait adressé une lettre au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, l'invitant à signer au plus vite l'arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle pour sa commune, lequel peinait à arriver.
"Tout le monde m'appelle Monsieur Bic"
Dans l'enveloppe expédiée au ministre, Guy Chéron avait glissé un stylo. "Je lui avais écrit que, constatant qu'il semblait avoir des problèmes de fournitures de bureau, je lui faisais cadeau d'un stylo", rejoue le maire. "Sa cheffe de cabinet m'a carrément téléphoné en me disant que je l'avais bien fait rire avec le coup du stylo. Elle m'avait dit 'par contre, si j'ai un reproche à vous faire, vous auriez pu envoyer un Waterman' (une célèbre marque de stylos haut de gamme, NDLR)", poursuit-il.
Trois jours plus tard, sans qu'on ne sache y voir un lien de causalité, Gérald Darmanin avait signé l'arrêté. "Sa cheffe de cabinet m'a rappelé pour me prévenir. Je lui ai alors répondu que maintenant que c'était signé, elle pouvait me renvoyer le stylo", se marre l'élu, pas peu fier de sa plaisanterie.
Quinze jours après, en mairie, le dernier nommé recevait un mystérieux gros carton. À l'intérieur, des dizaines de stylos, des agendas, des porte-clés et autres gadgets, tous à l'effigie... du ministère de l'Intérieur. Un joli coup du Gouvernement et une belle anecdote pour Guy Chéron. "Maintenant, à chaque fois que je vais à l'Agglo pour un comité des maires, tout le monde m'appelle Monsieur Bic ! (rires)" Carole Delga peut toujours lui faire le coup du stylo, ça ne reconstruira pas le pont...