FAIT DU SOIR À Bagnols, un projet pédagogique pour changer le nom du collège du Bosquet
Le collège du Bosquet, à Bagnols, porte non pas le nom d’une personnalité historique, mais de son quartier. Et ça pourrait changer à l’issue d’un projet pédagogique d’élèves de 4e et 3e autour de la Résistance et de la place des femmes dans l’Histoire.
Certes, le collège du Bosquet a peut-être déjà un nom, celui de Jean-Moulin. « Mais ça n’apparaît nulle part, si ce n’est dans quelques textes anciens », explique Philippe Mahier, professeur d’histoire-géographie qui, avec sa collègue de lettres classiques Sylvie Hammani, pilote le projet pédagogique. Une chose est sûre : sur la plaque de la façade de l’établissement est bel et bien écrit le nom collège du Bosquet, et à Bagnols, personne ne connaît le collège Jean-Moulin, dont la rue qui jouxte le collège porte le nom.
Donc depuis septembre, les deux enseignants et un groupe d’une vingtaine d’élèves volontaires planchent sur un vaste projet pédagogique. L’idée est d’aboutir sur un nom de femme, et à l’issue d’une première phase du projet, c’est le nom de Madeleine RIffaud qui a été choisi par les élèves. « C’est une résistante plutôt méconnue qui a fait des choses extraordinaires », résume Philippe Mahier. Entrée dans la Résistance à 16 ans, Madeleine RIffaud, par ailleurs poète et journaliste, membre de la lutte armée, sera ensuite une des premières correspondantes de guerre, avant de devenir après la guerre une fervente militante anticolonialiste, ce qui lui vaudra d’être victime d’un attentat de l’OAS. Elle fêtera ses 100 ans en août prochain.
Et si à la base le projet était de travailler sur un changement de nom fictif, « petit à petit, du fictif on est passés à la réalité », glisse le professeur. Donc les choses deviennent sérieuses : tout ce petit monde contacte Madeleine Riffaud, qui donne son accord. Puis les élèves se chargent eux-mêmes de préparer une délibération à présenter au conseil d’administration du collège, et une autre au Conseil départemental. Et autour de ce but, d’autres éléments d’importance se sont greffés.
« Un projet fédérateur »
« L’idée est de changer le nom et de mener un projet fédérateur en travaillant sur la mise au point d’une exposition, qui aurait pour titre : ‘Avec Madeleine RIffaud, remettons les femmes à leur juste place’ », présente Sylvie Hammani. Le projet sera financé par le Conseil national de la refondation, ce qui permettra notamment d’y proposer une partie interactive. L’exposition devrait voir le jour dans le courant du premier trimestre 2025, et devrait être itinérante par la suite. Pour les besoins du projet, les élèves ont planché sur des portraits de femmes. « On a une liste d’une centaine de femmes qui ne sont pas reconnues comme elles le devraient », précise l’enseignant. « On en a appris beaucoup, c’est un sujet qui concerne tout le monde », affirme Célia, élève de 4e.
On retrouve dans cette liste Sophie Germain, dont les théorèmes sur la résistance des métaux ont rendu possible la construction de la tour Eiffel, la franco-péruvienne Flora Tristan, « une écrivaine qui a beaucoup fait pour la place des femmes au XIXe siècle et a lutté pour la classe ouvrière », présente Mohamed, élève de 4e, ou encore Élisa Lemonnier qui, au XIXe siècle aussi, a permis l’ouverture de l’enseignement supérieur aux femmes. Et pour cette exposition, les élèves ont étudié toutes les époques depuis l’antiquité.
Parallèlement à tout ça, le collège a accueilli dans son CDI l’exposition itinérante d’Amnesty International sur les femmes qui participent à la défense des droits humains. « Nous avons choisi des femmes du monde entier, des avocates, des journalistes, des agricultrices, des inconnues dont certaines ont été torturées et certaines sont mortes », détaillent Mauricette et Alain Hanssens, d’Amnesty International. Pour marquer le coup, les élèves ont rajouté un panneau à l’exposition, celui de Madeleine RIffaud.
En attendant de voir ce nom trôner sur la façade du collège ? « Le problème est d’ordre administratif, notre demande au Département date d’octobre, et nous n’avons pas de réponse », explique Philippe Mahier. Le maire et la direction du collège y sont pour leur part favorables. Contactée, la vice-présidente du Département déléguée aux Collèges, Nathalie Nury, indique n’avoir pas reçu de demande officielle, mais avoir appris le projet par son binôme Patrick Scorsone, qui siège au conseil d’administration du collège. « Il faut faire voter le changement de nom au conseil d’administration, puis je le proposerai au vote du Conseil départemental, avance-t-elle. Mais il n’y a aucun problème, dans la mesure où il y a un travail pédagogique derrière, je ne suis pas contre. » Le cas échéant, le vote au Département pourrait intervenir en octobre, pour un changement de nom début 2025.