Après presque trois ans d’ouverture, la librairie des Mots bleus à Beaucaire est contrainte de fermer ses portes le 30 avril prochain. « Ça fait trois ans que je suis là, trois ans que je suis bénévole parce que je n’ai pas de quoi me verser un salaire », explique Corinne Lachayze, la libraire. « J’en ai un peu ras le bol… ». Pourtant, la commerçante ne ménage pas ses efforts afin de promouvoir son activité : séances de dédicaces régulières, et surtout la création du Salon du livre à Beaucaire, qui a eu « beaucoup de succès, mais peu de retombées ».

« Les gens rentrent soit pour me commander les lectures scolaires ou des classiques, soit pour faire des photocopies. Ils ne s’intéressent pas aux nouveautés littéraires. Parfois même, ils passent la porte pour me demander le chemin du centre-ville… Pour les touristes, je ne suis même pas dans le centre-ville ! Oui, il y a beaucoup de passage, mais personne ne s’arrête. » Et à ceux qui pourraient l’accuser d’avoir des soucis de gestion, Corinne leur rétorque qu’au contraire, elle a fait de son mieux : « Si j’avais mal géré mon affaire, la librairie aurait sans doute fermé il y a longtemps. »

Les clients fidèles, eux, sont attristés par la nouvelle, et cherchent à manifester leur soutien. La mairie a même proposé un local plus grand et moins cher à la librairie, « mais l’état de ma trésorerie ne le permet malheureusement pas ». Visiblement émue, elle évoque la bienveillance des passants, « qui fait du bien », mais dit partir « le cœur lourd mais l’esprit apaisé » dans la newsletter dans laquelle elle annonce la nouvelle. « Cette librairie, c’était un rêve que je voulais réaliser ».

Après le 30 avril, il faudra ensuite gérer la liquidation, et les démarches nécessaires mais « pénibles » d’autant plus que Corinne se sent un peu laissée à l’abandon face à ses difficultés. « On se sent très seule pour créer une entreprise – mais ça m’a montré que j’étais capable de réussir par moi-même, et j’en suis fière. Et on se sent très seule quand l’aventure se termine. Ma comptable me dit, dans les grandes lignes, de me débrouiller toute seule. Ma banque m’appelle pour s’assurer que je serai bien capable de rembourser les prêts que j’ai contractés sans une once de compassion… Honnêtement, c’est difficile à vivre, je commence à avoir hâte que tout ça soit terminé ».

Pas de nouveau projet de commerce, Corinne Lachayze pense retourner dans le monde du travail en tant que salariée après quelques mois de pause. « Mais je ne compte pas me reposer sur mes lauriers, ça c’est sûr ! J’ai déjà quelques idées ». En dernière offre, la librairie proposera 20 % de réduction sur le prix des articles de carterie, de papeterie, les peluches, les jeux et les santons provençaux, avant de fermer définitivement le rideau, sans cérémonie d’adieu.