FAIT DU JOUR David Costa, médecin généraliste à Nîmes : « Nous devons attendre huit ans avant que la situation s'améliore »
«Je suis heureux d’être utile car j’aide et j'accompagne mes patients tout au long de leur vie. C'est pour ces valeurs que je souhaitais être généraliste », confie le praticien. La spécialité en médecine généraliste a été créée en 2004 pour le plus grand bonheur de David Costa qui a pu se professionnaliser dans cette discipline. En 2007, il est devenu le premier chef de clinique de médecine générale de France. Il a exercé à Codognan jusqu'en 2012, avant de s’installer définitivement en cabinet dans sa ville natale, Nîmes. Attaché à son territoire, le docteur a été coordinateur du centre de vaccination durant le covid pour la ville de Nîmes et a co-créé la maison médicale de garde nîmoise. « Ce centre a été conçu pour assurer la permanence des soins ambulatoires aux horaires où les cabinets sont fermés afin de continuer à soigner les personnes malades », informe le fondateur. La maison médicale est ouverte tous les soirs, les week-ends et jours fériés.
La confiance avant tout
Les médecins généralistes ont la mission de coordonner les soins et de s’adapter à chaque individu. « Dans notre métier, nous avons une relation de confiance avec l’ensemble de nos patients. Ce que j’aime bien dire, c’est que moi je suis l’expert scientifique, le patient est l’expert de sa propre vie et nous deux on va faire une bonne équipe pour trouver les meilleures solutions pour lui », soutient David Costa. Durant les soins, il est aussi primordial de prendre en compte l’aspect psychologique et psychique de la personne. « En ce moment, beaucoup de personnes ne vont pas bien et sont touchées moralement. Parfois, elles ont des problèmes de travail, de société, ou bien d’agression », explique le professionnel. Son rôle est aussi de soutenir ces personnes. Enseignant pour le diplôme universitaire Pratique de l’entretien motivationnel à la faculté de Montpellier, le docteur Costa s’est formé en thérapie cognitivo-comportementale. Une ressource en plus pour accompagner au mieux ces patients qui souffrent psychologiquement.
Enseignant-chercheur
Directeur du département universitaire de médecine générale de Montpellier-Nîmes, David Costa porte aussi la casquette d’enseignant-chercheur. Diplômé d’un master de Recherche, il continue à se former chaque année en médecine. « Il n’est pas question qu’il y ait des nouveautés et que je ne sois pas au courant », affirme-t-il. Le Nîmois organise la formation des futurs médecins généralistes. Il aime particulièrement donner cours : « J’adore être avec les étudiants et leur enseigner les bonnes pratiques, puis je souhaite rendre ce métier attractif pour les jeunes ». En mission complémentaire, l’enseignant doit faire découvrir l’ensemble du territoire du Languedoc-Roussillon aux internes. « Nous les envoyons faire des stages partout car nous avons besoin de nouveaux médecins pas seulement dans les villes comme Nîmes ou Montpellier. De temps en temps, c’est super car certains tombent amoureux du territoire et ils sont bien reçus par les patients alors ils s’installent », se réjouit David Costa. Actuellement, il organise aussi des formations sur l’intelligence artificielle dans les soins.
Un manque important de médecins généralistes
« 15 000 Nîmois n’ont pas de médecins traitants », alarme le praticien. En France, la pénurie de médecins est un problème croissant qui inquiète les professionnels de santé. « Les Français ne se rendent pas compte mais ils sont en danger », insiste-t-il. Depuis 30 ans, le manque de médecins n’a pas été anticipé par les politiques. « Ça fait des années qu’on les prévient ! Les politiques, eux, sont bien soignés. Ils se disent qu’un médecin en plus fait des ordonnances en plus et donc l’État dépense plus. Alors avec moins de médecins, il y aura moins de dépenses et des économies seront faites », analyse-t-il. Un raisonnement peu glorieux d’après la situation actuelle. Certains pays ont beaucoup de généralistes et des campagnes de prévention et d’éducation sur la santé sont faites. En conséquence, les gens sont mieux soignés et plus rapidement. « Aujourd’hui, les médecins sont débordés et travaillent de plus en plus… », souligne le Nîmois.
Les français en danger
« L’autre jour, j’ai reçu un appel pour un patient qui avait une greffe de cœur et qui n’avait pas de médecin traitant », informe le docteur Costa. Les professionnels de santé sont pessimistes face à la situation et tentent de tirer la sonnette d’alarme : « Ça ne va pas et ça ne va pas aller mieux. Le temps que suffisamment de médecins se forment, nous devons attendre huit ans avant que la situation s'améliore. Il faut tenir, nous n’avons pas le choix ». Les retards de soins deviennent de plus en plus inquiétants. Contacté par le 15, David Costa a dû prendre en urgence un homme qui souffrait d’une lésion du pouce. « C’était un mélanome évolué, un cancer de l’ongle. Il aurait dû être pris en charge il y a quatre mois, mais il n’était pas suivi. On a perdu du temps sur un cancer et c’est gravissime. On a dû lui couper le pouce ! », s’exclame le médecin généraliste. Cette année, des situations similaires se multiplient. David Costa aimerait ouvrir un nouveau concept à la maison médicale où les médecins pourraient tourner à tour de rôle. Les patients sans médecins traitants pourraient être accueillis. Ensuite, il aimerait être aidé par le gouvernement pour embaucher du personnel. Ces assistants se chargeraient des tâches administratives, comme passer la carte vitale et encaisser par exemple. « Ce serait bien que les politiques écoutent les médecins, et qu'ils regardent à l’étranger ce qui marche », souhaiterait le médecin généraliste.
Un manque de soutien par le gouvernement
« En France, il faut toujours qu’il y ait des larmes et du sang pour qu’on change. Est-ce que pour une fois on peut changer les choses avant ? », interroge le généraliste. En avril dernier, Gabriel Attal a fait de nouvelles annonces sur l’accès aux soins. « Je l’ai pris comme une trahison et un coup de poignard. Il pourrait nous dire, les généralistes vous êtes nuls et vous servez à rien, ce serait pareil », affirme le docteur Costa. Le Premier ministre a annoncé une dixième année d’études pour les médecins généralistes. Mais les infirmiers pourront faire des prescriptions à de nouveaux patients qui ne sont pas suivis, « comme s’ils étaient médecins », Gabriel Attal a aussi annoncé l'augmentation du nombre d’étudiants. « Je suis le premier à demander qu’il y ait plus de médecins, mais qui va les former ? Je suis enseignant à la fac, il n’y a pas assez de salles de cours, ni de professeurs… », explique le chercheur. Il ajoute : « On ne va pas en prendre beaucoup pour les former mal et faire de mauvais médecins. Mais si le gouvernement agrandit la faculté et qu’il recrute de nouveaux enseignants pour former les jeunes alors je suis partant, mais j’en doute. »
Une remise en question
Conscient des problématiques de la santé en France, le docteur Costa doute de son futur. « J’ai des valeurs pour pouvoir aider les autres, mais je ne veux pas aller trop loin. Si je dois être maltraitant avec des patients car je ne peux plus bien les soigner, il serait temps que je me reconvertisse », annonce-t-il. Il souhaite néanmoins attendre novembre car un nouveau congrès est prévu. De plus, les médecins généralistes sont en train de négocier une convention. « Je suis en pleine réflexion… Soit je peux faire mon métier et ma mission dans de bonnes conditions, soit je ferai autre chose. Mais pour l’instant, je fais le plus beau métier du monde », conclut le médecin généraliste.