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Publié il y a 11 mois - Mise à jour le 05.12.2023 - Sabrina Ranvier - 3 min  - vu 357 fois

LE DOSSIER Nouvelle génération de tatoueurs … Trois questions à Clémence Mesnier

Clémence Mesnier, auteure d'une thèse de doctorat sur sur les représentations de la peau dans la littérature et au cinéma, a publié en octobre De peau et d’encre, tatouages autour du monde, éditions du trésor, 19 €. 

- © Sabrina Ranvier

Objectif Gard, le magazine : Vous venez de publier De peau et d’encre. Est-ce que la pratique du tatouage est en augmentation ?

Clémence Mesnier : Les dernières statistiques connues sont celles d’une enquête IFOP de 2017. Elle indiquait que 14% des Français et 27% des moins de 35 ans, étaient tatoués. C’est en constante augmentation. Il y a un phénomène de société. Mais le tatouage n’est pas nouveau. L’homme d’Ötzi qui date de 3 200 av J.C. et qui a été retrouvé dans les Alpes avait des traces de points et de traits tatoués aux genoux et aux hanches. Cela devait avoir une valeur thérapeutique car ses articulations présentaient de l’arthrose. On imagine que c’était une forme d’acupuncture. Dans plusieurs cultures, le tatouage peut aussi avoir une dimension communautaire, rituelle. On se tatoue pour le passage à l’adolescence, un mariage, la naissance d’un enfant.

© DR

Pour quelles raisons se développe-t-il autant ? Est-ce que les gens veulent copier certains sportifs ou acteurs de téléréalité ?

Je suis très tatouée et je n’ai pas cette culture de la téléréalité. Je me suis intéressée au tatouage par sa dimension artistique. Le tatouage n’est pas un phénomène de mode. Il n’est pas superficiel. On ne va pas se faire tatouer comme on mange un yaourt. Il y a 20 ans, les tatouages avaient une image d’Épinal. On pensait qu’ils étaient réservés aux marins, aux gens des bas-fonds, aux gros bras. L’évolution des techniques a permis de faire des tatouages extrêmement fins, beaucoup plus féminins. On est aujourd’hui sur une dimension artistique vraiment très présente. Certains tatoueurs vont aller vers de l’aquarelle. Cette dimension graphique a contribué à changer l’image sociale. Quand on voit quelqu’un de tatoué on peut se dire que c’est une personne férue d’art.

Des tatoueurs voient parfois dans leurs salons des jeunes majeurs qui réclament un tatouage juste car leur copain en a un…

On peut voir des petits tatouages esthétiques chez les jeunes majeurs. Se faire tatouer est peut-être pour eux un rite de passage. Dans les entretiens que j’ai menés dans le cadre de mes recherches de doctorat, il y avait une dimension de narration. Le tatouage permet d’affirmer son identité, de se démarquer. L’engouement pour le tatouage entre aussi dans un mouvement de réappropriation du corps. On s’autorise à modifier ce que la nature nous a donné

Gare aux scratcheurs

« On a de plus en plus de gens qui viennent pour recouvrir des tatouages faits par des scratcheurs », constate Jess Lucio. Les scratcheurs, ce sont des tatoueurs non déclarés qui pratiquent des tatouages, souvent de mauvaise qualité, dans des conditions d'hygiène catastrophiques. Ils cassent les prix. On peut s’équiper à peu de frais. Le 20 novembre, un kit complet machine à tatouer est vendu 45,29 € chez Cdiscount et 39,99€ chez Amazon. « Les scratcheurs, c’est du tattoo black, sans Ursaff, sans TVA à verser. Ils n’ont pas de contrat pour gérer les déchets », explique Jess Lucio. « Les réseaux sociaux permettent à de nombreux tatoueurs de se faire connaître par un large public, là où une vitrine ayant pignon sur rue était indispensable il y a 10 ans, analyse Grenouille, la secrétaire du Syndicat national des artistes tatoueurs. Les studios privés se multiplient, pas toujours conformément aux règles administratives en vigueur, et les échoppes installées depuis 20 ou 30 ans sont parfois contraintes de réduire leurs effectifs ou de mettre la clé sous la porte. »

Si un tatoueur se déplace à domicile, s’il tatoue dans son salon, fuyez. Le professionnel doit réaliser le tatouage dans une pièce dédiée qui doit être entretenue avec une hygiène drastique. L’attestation de formation hygiène et salubrité doit être affichée. L’ARS habilite les organismes délivrant cette formation et enregistre des déclarations d’activité des professionnels. Elle a aussi pour mission de renforcer la sécurité des pratiques de tatouage. « Lorsqu’un professionnel ou les conditions de son activité fait l’objet d’une plainte, d’un signalement ou d’une réclamation, l’ARS interroge le professionnel, procède à un contrôle, précise l’ARS Occitanie. Sans réponse ou déclaration et mise en conformité de sa part, l’ARS peut renvoyer le signalement au procureur de la République. » Avant de choisir un tatoueur, on prend son temps. Il faut parfois jusqu’à 25 séances de laser pour pouvoir gommer un tatouage.

En CHIFFRE
Environ 15 000.
C’est le nombre de tatoueurs professionnels en France, selon le SNAT.

Sabrina Ranvier

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