NÎMES Sous la piste de l'amphithéâtre… des étoiles, deux galeries et une ancienne fosse
Quatre articles pour rendre compte d’une conférence de presse organisée au Musée de la romanité avec Marc Célié et Richard Pellé, deux archéologues spécialistes de l’amphithéâtre de Nîmes. (2/4)
L'Inrap a ainsi fouillé à plusieurs reprises ce que l’on appelle la salle cruciforme, car en forme de croix. Située sous la piste de l’amphithéâtre, elle n’est pas visible par le public. Dans cette salle, on peut imaginer le stockage et la présence de matériel devant arriver sur scène le moment venu.
Ces deux galeries perpendiculaires situées en sous-sol au centre de l’arène, ont été décapées dans leur quasi-totalité. De nombreuses structures antiques y ont été découvertes (reliquat de murs, puisards ou fosse), ainsi que des lambeaux de sols. Ces vestiges permettent d’avancer des hypothèses de restitution des structures bâties des différents états de construction tels les agrandissements successifs des souterrains. Ils permettent également de comprendre les problèmes récurrents liés à la circulation des eaux tels que les infiltrations depuis la piste ou inondation par la nappe phréatique.
Mais, chose plus importante encore que son ultime rôle… L’étude des souterrains sous la piste et la fouille du sous-sol ont ainsi mis en valeur des étapes d’agrandissements progressifs de ces coulisses au IIe siècle et la présence d’un édifice de spectacle antérieur. Pressenti par l’observation de remplois dans la construction actuelle et les datations 14C des crampons en bois, cet édifice dont il ne reste que des structures en creux et quelques artefacts trouvés en fouille, est daté du début du Ier siècle.
En effet, les archéologues y ont découvert de multiples traces d'aménagements techniques servant à l'organisation des jeux, dont une probable fosse de machinerie, peut-être donc antérieure à l'amphithéâtre dans son état actuel.
Une fosse à machinerie ?
Une très grande fosse rectangulaire (25,80 m. de long, 3 m. de large, 1,50-1,80 m. de profondeur) a été décelée au centre du grand axe ; elle est encadrée par neuf fosses de plan quadrangulaire au sud et probablement autant au nord. Cette fosse recèle des tranchées disposées régulièrement formant un quadrilatère. Du bois y a été prélevé et des datations au radiocarbone seront possibles. Plus de 140 artéfacts en plomb et fer y ont été prélevés dont deux monnaies du début du Ier siècle. Il s’agit donc d’une probable fosse de machinerie axiale, ayant reçu une puissante structure en bois servant à l’utilisation des montes charges pour les cages et les décors au niveau de l’arène.
Un proto amphithéâtre ?
Cet aménagement s’est donc révélé être antérieur au premier état constitué par les maçonneries de la salle cruciforme. Les premiers éléments d’étude suggèrent donc deux hypothèses. Soit cette fosse est contemporaine de l’amphithéâtre actuel et précède plusieurs remaniements marqués par la construction des murs ; soit elle est nettement antérieure aux coulisses et donc à l’amphithéâtre dans son état actuel. Quelques autres indices semblent aller dans ce sens et pourraient suggérer la présence d’un édifice de spectacle plus ancien. Les études post-fouilles permettent d’enrichir ces données scientifiques. "L’ancienne fosse est axée sur le bâtiment quand la nouvelle salle cruciforme ne l’est pas", affirme Richard Pellé.
L’amphithéâtre actuel est construit sur du solide ! Six assises de fondation. Quand on sait qu’une assise représente quatre mètres de profondeur… Les piliers sont donc assis sur quatre mètres mais pas que. La nature du sol est elle aussi importante, un terrain très stable. "Ils ont décaissé sur un mètre pour trouver une roche un peu plus dure, ainsi, ils ont pu monter les piliers jusqu’à une certaine hauteur."
Remploi ?
Dans un amphithéâtre bimillénaire le remploi serait logique. À l’époque de son édification mais aussi plus tardivement lors de diverses restaurations. "On a dû remployer du bois et les agrafes d’un édifice antérieur, c’est sûr, on l’a bien vu. 80 % des agrafes sont liées à du vieux bois, on parle donc de 80 000 à 100 000 crampons réutilisés ! Ce n’est pas quelques planches, c’est beaucoup de bois. Mais nous n’avons aucune idée de comment était fait le premier amphithéâtre. Était-il en bois ? En bois et en pierre ? On n’a plus de trace… On a aussi remployé des blocs entiers, surtout dans les fondations." Entre le nombre d’hypothèse et les certitudes…
Au Musée de la romanité est aussi présentée une pièce dite Linteau aux têtes coupées retrouvée aux arènes. Ce linteau est constitué de deux blocs récupérés en 1809 lors de la démolition de maisons qui encombraient les arches de l’amphithéâtre. Les deux fragments présentent sept têtes coupées très dépouillées, exprimant clairement la mort par leurs yeux clos et leur rictus.
Cependant, à cette époque-là, on ne notait rien car il n’y avait pas d’étude de réalisée. "En effet… Mais on ne sait pas où il a été retrouvé dans les arènes… Il y a de forte chance pour qu’il fasse partie de blocs ayant été remployé au Moyen-Âge mais il n’a rien à voir avec le monument d’origine. Il a dû être découvert ailleurs, vraisemblablement du côté du sanctuaire de la Fontaine."