FAIT DU JOUR Franck Proust, président de Nîmes métropole : « Faire entrer Nîmes dans le XXIe siècle »
Samedi fin de journée, dans un hôtel du centre de Porto (Portugal), le président de Nîmes métropole accepte pour la première fois depuis la décision de la Cour de cassation dans l'affaire de la Senim de s’exprimer et de répondre à nos questions. Toutes nos questions sur cette décision qui lui permet de rester aux manettes de Nîmes métropole, des projets qu’il poursuit et veut mettre en route. Mais aussi sur l’affaire Flandin et sa relation particulière avec le maire de Nîmes. Interview.
Objectif Gard : Après la décision de la Cour de cassation, dans quel état d’esprit êtes-vous quelques jours après ?
Franck Proust : L’état d’esprit n’a pas changé. J’ai travaillé sans m’arrêter y compris le matin de la décision. J’essaie depuis que cette responsabilité m’a été confiée en 2020 de porter une ambition et de répondre aux défis du territoire à travers la présidence de l’Agglomération, de mettre à profit mon retour d’expérience. Nîmes métropole a des enjeux immenses aujourd’hui, à la fois sur les transports, la sécurité des biens et des personnes, le développement économique. Nous sommes plus que jamais au travail.
Quel bilan faites-vous trois ans après votre arrivée ?
Je l’ai dit lors du vote du budget, à mi-mandat, on a un bilan. Un bilan et des perspectives tracées. On a acheté du foncier économique au sud de Saint-Gilles en adéquation avec les besoins de la Sécurité civile. Nous venons de lancer l’appel à projet sur Magna Porta. On avance sur un projet très intéressant au Mas Larrier. Des entreprises se sont installées depuis trois ans : Soprema, Virbac et d’autres, déjà là, qui se sont renforcées. Je pense à Pack Solution, Amozan. Je pourrais vous en citer plusieurs. J’aime ce mélange vertueux entre nouvelles entreprises et des entreprises existantes qui se développent.
Crise covid, aujourd’hui inflation, crise économique. Un contexte et des contraintes nombreuses…
C’est vrai. Je voudrais aussi saluer le travail de la préfète avec son atelier des solutions. On fait face comme vous le savez à la problématique des compensations environnementales. Les services travaillent avec l’État à des propositions pour nous permettre d’avancer sans trop de contraintes. Je peux dire raisonnablement que nous sommes en train de surmonter le manque de foncier sur le territoire. Concernant les transports, on renouvelle la flotte. On va installer des navettes sur Leins Gardonnenque. On travaille sur la complémentarité via les plateformes multimodales. Je veux miser aussi sur le transport doux. Avec le maire de Nîmes, on est d’accord sur le principe des stations de vélos en libre-service dans la ville. On va commencer à travailler les schémas d’installation d’ici la fin de l’année. Et positionner les premières stations en 2024. Je crois nécessaire de faire entrer Nîmes dans le XXIe siècle. Le vélo, les nouvelles technologies. La mixité en termes de transport urbain. Voilà le meilleur cocktail.
Où en êtes-vous sur le prochain marché de transport. Quel est le cap fixé ?
Sans rentrer dans le détail, ma philosophie depuis le début, c’est non au transport subi, oui au transport choisi. Il faut que les gens aient envie et le goût de prendre les transports collectifs. Pour cela, il faut des horaires adaptées et un transport sûr. Que les habitants ne se posent plus de questions : les transports collectifs c’est mieux que la voiture. Vous le voyez, je suis aussi pragmatique, les étaliers des halles sont embêtés par la fermeture du parking. Les commerces de la Coupole sont aussi impactés. Je mets en place des navettes gratuites. Il faut donc des bus plus performants, plus de bus. J’attends donc du nouveau délégataire, une offre qui puisse répondre à ces attentes. Sans oublier une meilleure protection des investissements de l’Agglomération avec une maintenance plus efficace du matériel roulant. Il nous faut retrouver aussi un dialogue soutenu. Je voudrais aussi dire que j’ai un œil attentif sur les conditions de travail des chauffeurs qui subissent au quotidien des menaces physiques, des menaces verbales. Il faut donc une approche globale et transversale. On doit se poser toutes les questions.
La troisième voie se fera. Je prendrai mes responsabilités s’il le faut.
Franck Proust, président de Nîmes métropole
Le sujet sur lequel vous rencontrez peut-être le plus de difficulté, c’est la construction de la troisième voie à la gare Nîmes-Pont du Gard. Vous restez optimiste ?
La troisième voie se fera. Je prendrai mes responsabilités s’il le faut. Nous avons co-financé une étude pour regarder comment améliorer la situation. Il y a un dysfonctionnement, indéniablement. Le principe d’un TER, ce n’est pas d’attendre l’arrivée du TGV, je le comprends. J’ai des témoignages chaque semaine sur des habitants du territoire qui se plaignent, à juste titre, d’attendre trop longtemps avant qu’un TER arrive pour ramener au centre de Nîmes. On ne peut pas avoir cette gare à Manduel, qui est un nœud ferroviaire, et subir cette situation encore longtemps. Comme à Avignon, notre ville voisine, on doit pouvoir traverser le quai et prendre une navette pour arriver au centre-ville de Nîmes en 10 minutes. À terme, on sera obligé de rattacher cette 3e voie à quai. Quand j’entends que cette gare n’était pas utile, j’ai envie de répondre que l’objectif que l’on avait avec Jean-Paul Fournier, le maire de Nîmes, s’est réalisé. Et heureusement pour les Nîmois. Si l’on n’avait pas eu cette gare, on aurait vu passer comme les vaches, les trains de Valence en direction de la gare de Montpellier Sud de France sans s’arrêter. Et puis, arrêtons un peu ! Cette gare, elle profite à tout le monde, à tous les Gardois. Je pense à nos amis Alésiens comme ceux de la Gardonnenque ou encore d’Uzès, c'est impossible pour eux. Sans la troisième voie, ils sont encore davantage éloignés de Paris.
Est-ce aussi la raison pour laquelle Magna Porta souffre ?
Je pense en effet que cela nuit à la viabilité économique de Magna Porta. Cette gare ne peut pas rester indéfiniment seule avec rien autour. Entre Nîmes-Pont du Gard et Nîmes-Centre, on peut ensemble créer un mode de transport collectif qui pourrait même passer par Redessan, Manduel, etc. Ainsi, c’est un transport collectif alternatif et supplémentaire que l’on proposerait aux habitants qui renforcerait notre volonté de laisser sa voiture en dehors des centres-villes. On ne peut pas être pour l’environnement et ne pas prendre en compte cette réalité.
Vous aviez pour ambition lors de votre arrivée à Nîmes métropole de créer une police des transports. Depuis, Gérald Darmanin semble vous avoir devancé pour Nîmes. Où en est-on ?
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, m’a dit qu’il y aurait une police des transports en 2024 à Nîmes. En lien aussi avec les Jeux Olympiques de Paris en 2024. J’attends les détails. On devrait bénéficier d’un effectif de 12 policiers qui pourrait monter en puissance. En attendant, moi je travaille avec le monde associatif car je voudrais dans la prochaine délégation, le retour des médiateurs. Des médiateurs issus des quartiers populaires de Nîmes. Mais aussi des villages de l’Agglomération. Il faut que le civisme soit partagé avec tout le monde. Ceux qui jettent des projectiles, ceux qui empêchent la sérénité, ils pénalisent leurs parents, leurs grands-parents. On a un vrai travail de prévention à opérer mais aussi de répression quand tout cela va trop loin.
Un mot sur la protection des biens et des personnes. Vous avez réussi votre pari : faire financer à moitié votre programme de prévention des inondations par l’État…
C’est 130 millions sur six ans avec un gros chantier et des appels d’offres remis pour ces chantiers spectaculaires et invisibles pour les habitants qui vont démarrer à l’aide d’un tunnelier qui va agrandir le cadereau d’Uzès. Après les épisodes dramatiques que notre ville a connus, mais je pense aussi à des communes de l’Agglomération touchées particulièrement, la réduction du risque inondation est une priorité absolue. Il y a une vraie volonté avec l'établissement public territorial de bassin (EPTB) Vistre Vistrenque d’accélérer et ne pas perdre de temps sur le programme Papi3. La protection des biens et des personnes, c’est le défi des prochaines années à Nîmes. Mais je vais plus loin. J’ai demandé de travailler sur un processus de récupération des eaux usées. On est sur un territoire où beaucoup d’eau tombe à l’automne et à partir du printemps, on doit subir les problématiques de sècheresse. On doit travailler pour que l’eau qui tombe dans les bassins de rétention soit réinjectée dans les nappes phréatiques. On doit probablement élargir les bassins de rétention pour mieux capter cette eau et avoir des réserves souterraines lors des pics de sècheresse.
Vous êtes à Porto à l’occasion de l’inauguration officielle de la nouvelle ligne entre Nîmes et le Portugal. Vous êtes satisfait des premiers retours ?
Le bilan on l’a vu sur Édinbourg et Dublin, ouvrir une ligne c’est bien, la travailler c’est mieux. Cela permet d’asseoir dans la durée les échanges culturels et économiques. Le marketing territorial fait donc partie nécessairement de l’impulsion à donner. Vous l’avez vu, nous avons rencontré ici des influenceurs, les offices de tourisme, la Mairie de Porto. Tout cela afin d’optimiser les flux entrants. On est bien content d’enregistrer des flux entrants supérieurs au flux sortants pour le moment, pourvu que cela dure. Maintenant, faut que les gens viennent chez nous et consomment. Hôtel, taxi, restaurants, boutiques sur l’ensemble du territoire. Depuis le 26 mars, jour de lancement de la ligne Nîmes-Porto, on a un taux de remplissage de 88% avec 55% flux entrants. C’est rassurant et on est dans le vrai. Il y aura cette année 300 000 billets à la vente sur l’aéroport de Nîmes. Dans une trajectoire de 4 à 5 ans, on doit pouvoir atteindre les 400 000 voyageurs.
Le 17 avril prochain, le projet Nemausus passe devant la Commission européenne
Franck Proust, président de Nîmes métropole
Mais les lignes commerciales ne sont qu’un maillon de la chaîne…
Depuis le début, je le dis : l’aéroport est un équipement stratégique en termes d’aménagement du territoire, mais c’est aussi un accélérateur économique. Le 17 avril prochain, le projet Nemausus passe devant la Commission européenne pour le futur hub européen. Le bâtiment B46 qui va être un centre d’innovation et de recherche de la Sécurité civile sera inauguré par le ministre de l’Intérieur en juin prochain. Sur le volet formation, on a aussi Icare, Mermoz, d’Alzon. Et une grande entreprise de formation canadienne qui arrive à l’automne. On a de la formation, de l’industrie, de la recherche et de l’innovation. Une plateforme régionale avec 3 000 à 4 000 emplois à terme. On est dans le concret et il n’y a que cela qui m’intéresse !
On parle beaucoup de votre gouvernance qui laisse une place certaine à vos alliés mais aussi à votre opposition. Comment se traduit-elle concrètement ?
C’est l’expérience, honnêtement. 33 ans de vie politique derrière soi, on sait que travailler seul, ça ne marche pas. Je ne cache jamais rien. Ni les bons ni les mauvais moments. C’est un retour d’expérience. Adjoint au maire, conseiller départemental, parlementaire européen, président de délégation. Quand on regarde mon parcours, tout le monde a pu noter ma volonté de travailler. Mais aussi, mon souhait du dialogue avec tout le monde. L’écoute, c’est essentiel. Je ne partage pas les idées de tout le monde mais c’est important d’avoir une capacité à prendre en compte les avis contraires exprimés. Je ne supporte pas les critiques des politiques car on oublie le dévouement et être dans l’opposition, ce n’est jamais simple. Intrinsèquement, quand quelqu’un avance une idée, il pense que c’est la meilleure. J’ai été éduqué dans le sport collectif plus jeune, à l’implication et la place essentielle de tous. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. À l’échelon local, le positionnement politique est important mais l’intérêt du territoire dépasse tous les clivages.
Êtes-vous toujours à l’aise chez les Républicains ?
Je me sens à l’aise. C’est plus la forme que le fond qui peut me gêner parfois. Quand on appartient à une famille politique, on se doit de suivre la position de la majorité du parti. Dans un bureau, dans un comité de direction, on peut avoir des divergences. Mais faut se rallier à l’option de la majorité. Les divergences de vues parfois dans notre famille politique prennent le pas sur l’intérêt général du parti. C’est regrettable. Il est évident qu’il nous faut un leader rapidement, c’est dans notre ADN.
Est-ce que ce leader pourrait être le député Aurélien Pradié qui s’est illustré notamment durant la séquence sur la réforme des retraites ?
Je le connais parfaitement. Je l’apprécie et je l’écoute. Mais à un moment donné, c’est compliqué d’être député, d’appartenir à un groupe et d’aller à l’encontre de la décision collégiale. On n’est pas suffisamment nombreux pour se permettre des coups d’éclat. Sur la réforme des retraites, lors de la présidentielle, on prônait la retraite à 65 ans. On peut dire qu’il y a un problème de forme sur cette réforme mais pas sur le fond. Sur la pyramide des âges, c’était une variable non négociable. On aurait pu avoir un débat sur un mode de fonctionnement par répartition et par capitalisation. Pourquoi pas. Mais on fait comment avec des ménages qui ne s’en sortent pas déjà aujourd’hui ? On ne peut pas vouloir un système à 100% par répartition, surtout quand on est passé de 4 actifs à 1,7 actifs aujourd’hui, et ne pas prendre en compte la donnée essentielle : comment on finance ?
Un lien indéfectible avec le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier
Durant ce voyage presse à Porto, on vous a vu proche, voire très proche de Jean-Paul Fournier. Un maire de Nîmes qui était à vos côtés au moment de la publication de la décision de la Cour de cassation. Positive ou négative, il voulait être avec vous…
33 ans c’est une vie longue. J’ai pour cet homme de l’amitié, de l’affection, au-delà même de la politique. J’ai un profond respect, une fierté de l’avoir accompagné durant toutes ces années. On n’est pas d’accord sur tout. Mais vous n’entendrez jamais une divergence entre lui et moi. Même si des gens essaient de semer des grains de sable… On a vécu ensemble des bons comme des mauvais moments. Il y a un lien très fort entre lui et moi. Vous savez, durant sa période de convalescence, il y a quelques années, ce fut un moment très difficile pour moi. Nous n’étions pas très nombreux à son chevet. Même si j’étais maire par intérim. Ce lien indéfectible, personne ne pourra nous l’enlever. Quand tout le monde avait déjà tout anticipé, il ne voulait pas accepter, il m’a toujours soutenu. Il a toujours été là. Jean-Paul (Fournier) souhaitait être à mes côtés, quelle que soit la décision. Cela fait partie de notre vie commune. On est, je peux dire, comme un vieux couple. Il est à présent rassuré que je sois là et bien là.
Comment avez-vous vécu l’épisode politique autour du désormais ex-adjoint aux travaux, Richard Flandin ?
C’est compliqué parce qu’il y avait tout un mélange. Richard (Flandin) est un des amis fidèles de Jean-Paul Fournier. Le maire est un affectif. Il l'a fait aussi par obligation mais pas de gaité de cœur, je peux vous le dire. J’espère du fond du cœur que tout cela va se résoudre du mieux possible. Je ne m’exprimerai pas sur ce sujet car il faut toujours éviter des conclusions hâtives. Je suis bien placé pour le savoir…
Cette affaire c’est aussi la démonstration que faire de la politique c’est de plus en plus difficile. Et le poison de la suspicion est redoutable non ?
Il suffit de voir le nombre de démission de maires. Il faut faire attention à tout. Cela devient de plus en plus compliqué. J’en discute avec la nouvelle génération, on aura de plus en plus de mal à voir des hommes et des femmes s’investir en politique. On reproche aux politiques de ne vivre que de politique, mais quand vous avez un métier, il faut être très vigilant dans votre vie politique. Sans compter les sacrifices de la vie personnelle. Cet équilibre est très difficile à atteindre.
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