FAIT DU JOUR Réforme des retraites : ils manifesteront tout à l’heure, ils disent pourquoi
À l’aube de cette journée de mobilisation intersyndicale contre le projet de réforme des retraites porté par le Gouvernement, syndicalistes et militants politiques gardois témoignent, et expliquent pourquoi ils manifesteront tout à l’heure.
L’occasion aussi de leur donner la parole sur les propositions qu’ils élaborent les uns et les autres, dessinant des alternatives à la réforme gouvernementale. Et, alors que tous les syndicats, CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, CFE-CGC, UNSA et CFTC appellent à manifester, une première depuis plus de dix ans, se dégage de ces témoignages une opposition farouche au projet d’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, et au report progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030. Et tous sont unanimes : la mobilisation promet d’être très suivie.
« C’est la mère de toutes les batailles »
Patrick Lescure, secrétaire de l’union locale CGT du Gard rhodanien : « Pourquoi les tenants de cette réforme sont-ils obligés de mentir ? Olivier Véran (porte-parole du gouvernement, NDLR) parle d’un trou de 150 milliards d’euros à l'horizon 2030, c’est totalement faux. Le COR (Conseil d'orientation des retraites, NDLR) parle d’un hypothétique trou de 10 à 15 milliards en cumulé en 2030. Alors si c’est sérieux et que cette réforme est un besoin vital, qu’on parle avec des arguments vérifiables, on n’a pas besoin d’inventer des bobards. Rien ne justifie une réforme à la hussarde comme celle-là. Cette réforme est criminelle. Quand on regarde les parcours aujourd’hui, très peu pourront faire valoir leurs droits, car on commence plus tard et on finit plus tôt car le problème de l’emploi des seniors n’est toujours pas résolu. Un maximum de gens vont partir avec des décotes. C’est la réforme de trop, il y a un ras-le-bol total. J’en suis à 190 inscrits dans les bus pour Nîmes, il y a à peu près vingt ans qu’on n’a pas envoyé quatre cars à Nîmes. On sent que ça monte très fort, maintenant, il faut que ça suive. »
Cindy Varnier, secrétaire générale de l’union départementale de la CFDT : « Le socle vraiment de notre demande c’est de ne pas repousser l’âge légal de départ à la retraite. Il faut rester à 62 ans, nous n’avons jamais changé de discours sur ce point. Nous sommes contre aussi l’allongement du temps de cotisation. La pénibilité que nous portons constamment n’est pas au rendez-vous. Il y a des sujets qui ont été complètement bafoués. Et puis également l’indemnité retraite ne nous convient pas. On aura une mobilisation du secteur privé car aujourd’hui tout le monde est concerné. On aura les salariés de Merlin Gerin à Alès qui manifesteront le matin et nous rejoindront l’après-midi à Nîmes. On espère aussi voir ceux de Sanofi qui seront à Bagnols le matin. De grandes entreprises seront représentées comme Carrefour. Perrier sera également présent. On sent une réelle mobilisation. »
Louisette Moulas, secrétaire de l’union locale FO de Bagnols : « L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans va pénaliser tout le monde, mais surtout les jeunes et les carrières hachées, et ceux qui commencent tard, qui partiront bien après 64 ans. Pour toutes ces personnes, cette réforme va être très pénalisante. C’est la mère de toutes les batailles, les retraites c’est fondamental dans l’histoire de la classe ouvrière. Et cette réforme n’est pas soutenable quand on connaît la réalité, je vois tous les jours des gens arriver de l’industrie avec des problèmes de santé très importants : comment leur demander de travailler plus longtemps ? C’est vraiment hors-sol tout ça. Ces personnes devront partir avant, donc avec des grosses décotes, et donc de toutes petites retraites. Et pendant ce temps-là, on ne discute pas des milliards d’aides données aux entreprises sans qu’elles n’aient à les justifier. Nous syndicats sommes unis et déterminés autour d’un mot d’ordre : le retrait de la réforme. Il y aura beaucoup de monde ce jeudi, je vois des gens s’organiser pour faire des covoiturages pour aller à Nîmes ensuite, et le nombre de grévistes dans les entreprises va aussi compter. »
Myriam Vermale, co-secrétaire départementale SNUipp FSU : « On s’attend à une grève massive dans le premier degré. On estime à une centaine le nombre d’écoles qui vont rester fermées. Cela représente une école sur cinq dans le Gard. Ce qui met en colère les collègues c’est que cette réforme est justifiée par l’allongement de la durée de vie. Mais la durée de vie en bonne santé ne s’allonge pas et est de 64 ans. Malheureusement cela n’a pas été pris en compte avec notamment des aménagements possibles en fin de carrière. »
Emmanuel Bois, secrétaire départemental FSU : « Cette réforme, ce n’est pas du progrès social mais pour économiser à très court terme. Si ça passe dès le 1er septembre, c’est autant de retraites en moins à payer avec le budget de l’État. »
« Une réforme inutile et injustifiée, et en plus, injuste »
Arnaud Bord, premier secrétaire fédéral du Parti socialiste du Gard : « Je manifesterai avec tous mes camarades PS, et aussi avec ma casquette de syndiqué CGT. Mon positionnement est clair : cette réforme est inutile et injustifiée, et en plus, injuste. Au-delà, au vu de la temporalité qu’il a choisi, le président de la République est à la limite de la provocation vis-à-vis des Français, dans une période très compliquée. On sort de l’épidémie, il y a l’inflation… Il n’y avait pas d’urgence en plus. Nous, on n’aurait pas touché aux retraites, ou alors pour rendre justice à ce qu’avait fait François Hollande, la reconnaissance des carrières longues et de la pénibilité, qu’Emmanuel Macron a enlevé dès qu’il est arrivé à l’Élysée. Il faut trouver un autre équilibre, engraisser les actionnaires et faire payer les salariés, c’est une injustice manifeste. Je craignais la résignation des Français, mais les premières informations qui remontent montrent qu’il y aura une mobilisation très importante ce jeudi. Ça faisait quelque temps qu’on n’arrivait plus à remplir les bus, là on manque de places. »
Nicolas Pellegrini, coordinateur du groupe des jeunes Insoumis de Nîmes : « C’est une réforme profondément inégalitaire, qui va renforcer des inégalités déjà présentes dans la société, et très brutale car elle oppose les gens entre eux. Elle est injuste car elle va pénaliser les carrières hachées, notamment les femmes. Et elle va mécaniquement créer du chômage, plus les gens restent longtemps sur le marché du travail, moins les jeunes vont pouvoir y rentrer. Je vais aussi manifester contre l’inutilité de cette réforme, justifiée par un prétendu déficit du système qui n’existe pas selon le Conseil d’orientation des retraites, qui est un service de Matignon. On pourrait taxer de 2 % les revenus des 40 milliardaires français, payer les femmes comme les hommes, on aurait largement de quoi financer ce prétendu déficit. Il y aura vraiment un mouvement de masse ce jeudi, je m’attends à un raz-de-marée. »
La section alésienne du Parti communiste français (PCF) juge « brutal » le projet de recul de l’âge de départ en retraite à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation à 43 ans. « La voie du progrès, c’est la création d’emplois, l’augmentation des salaires et la formation », écrit la section alésienne dans un tract qu’elle distribuera dans la rue ce jeudi. Face à cette réforme jugée « inacceptable » à bien des égards, le PCF ne manque pas de propositions pour financer un droit à la retraite à 60 ans avec une pension à taux plein. Son « projet », lequel se veut plus « juste », repose sur la prise en compte de la pénibilité et des « carrières longues ». S’il était au pouvoir, le PCF alésien ferait « cotiser les revenus financiers » des entreprises, « modulerait » les cotisations patronales pour « favoriser les salaires » et « imposerait l’égalité salariale ». « Au-delà des chiffres qu’avance le COR, c’est surtout un choix de société. Est-ce que tout le monde accepte de cotiser 0,2 % de plus pour dégager du temps libre et faire autre chose de sa vie ? », interroge Giovanni Di Francesco, secrétaire de la section alésienne du PCF. L’élu d’opposition Jean-Michel Suau ne dit guère autre chose en louant « la place des aînés dans la vie sociale, associative et politique ». Le tandem communiste réfute par ailleurs les comparaisons avec les pays voisins où, dans la grande majorité des cas, l’âge de départ à la retraite est déjà fixé au-delà de 65 ans. « On nous parle du fait qu’en Allemagne ce sera bientôt 67 ans. Soit ! Mais là-bas le taux de pauvreté des retraités est de 22 % contre 9 % chez nous. Ça dépend ce qu’on veut pour nos concitoyens », conclut le secrétaire de section.
Quatre manifestations sont prévues dans le Gard ce jeudi
Le cortège d'élancera à 10 heures de la sous-préfecture à Alès, à 10 heures aussi devant la mairie du Vigan. À Bagnols, ce sera à 10h30 au monument aux morts de la place Urbain-Richard, et à Nîmes, le point de rendez-vous est au Taureau, sur l'avenue Jean-Jaurès, à 14h30.