NÎMES Le castellum aquae, une rareté un peu dissimulée...
Il n'est pas bien haut, il est un peu retiré des balades touristiques mais son histoire fait de lui quelque chose de quasi unique. Voici le castellum aquae, le château d'eau qui répartissait le précieux liquide qui arrivait via le Pont du Gard jusqu'à la Nîmes romaine.
Certes, ce que l'on peut voir en allant devant le castellum n'est pas grandiloquent mais sa rareté fait de lui l'un des rares exemplaires encore visibles d'une telle construction. Hormis Pompéi, peut d'édifices comparables sont encore debout, 2 000 ans après leur construction. Pièce on ne peut plus pratique muée en perle rare antique, ce château d'eau nous permet aujourd'hui de comparer 2 000 ans d'histoire et on peut dire, en le voyant, que nous n'avons pas énormément avancés de ce côté.
En effet et à partir de ce bassin circulaire taillé dans le rocher avec des mensurations honnêtes mais pas disproportionnées, 5.90m de diamètre, 1.40m de profondeur, l'édifice servait à la distribution d'eau. On y voit le négatif des canalisations en plomb qui acheminaient l'eau vers les fontaines publiques et les différents quartiers de la cité. Les trous restants visibles en surface sont l'empreinte de ces canalisations qui partaient en étoile pour répartir l'eau aux Nîmois d'alors.
Cet apport supplémentaire en eau contribua à asseoir le prestige de Nîmes, à lui apporter confort et art de vivre à la romaine. La construction du castellum aquae et du Pont du Gard, datée du milieu du Ier siècle de notre ère, montre que la ville a continué à se développer après la forte impulsion de l'époque d'Auguste. En complétant les basses eaux de la source de la Fontaine en période de sécheresse, il permettait d'assurer la sécurité de l'approvisionnement et facilitait l'évacuation des eaux usées de l'est de la ville.
À l'origine l'ensemble, limité par un mur recouvert d'enduits peints représentant une scène aquatique, était inclus dans un édifice carré à colonnade couvert de tuiles. Les eaux en provenance de la source d'Eure, à Uzès, arrivaient obliquement dans le bassin par une ouverture presque carrée. Une vanne munie d'un cabestan permettait de régler le débit. Six trous carrés ménagés dans la dalle surplombant le canal permettaient à une grille d’arrêter d’éventuelles intrusions.
Des canalisations en plomb s'adaptaient aux dix orifices circulaires disposés en éventail visibles actuellement sur le mur du bassin. Regroupées par paires, elles étaient amenées par cinq conduits maçonnés, couverts de dalles vers les différents quartiers de la ville.
Le trop-plein partait vers le réseau d'égouts contribuant ainsi à l'assainissement de la ville. On n'a pas trouvé de dispositif permettant de hiérarchiser la distribution de l'eau comme à Pompéi (d'abord les fontaines, puis les établissements publics enfin les particuliers). Par contre, on a retrouvé de nombreuses monnaies qui laissent supposer que l’édifice a pu jouer un rôle cultuel.
On put ainsi édifier de nouveaux thermes entre le forum et la porte Auguste. Certains tronçons de l'aqueduc abandonné furent réutilisés en caves, en citernes, voire en fosses d'aisances. Le castellum était encore connu au 17e siècle et il fut, semble-t-il, remblayé lors de la construction de la citadelle en 1688 et ne fut redécouvert qu'en 1844 par un particulier qui entreprit aussitôt de le mettre au jour. Connu par les textes, ce type d'édifice n'avait jamais été observé encore en Europe. Il fut racheté par la ville et l'État et classé monument historique.