L'an dernier, nous posions la question : le village de Vallabrègues gagnera-t-il sa place au Festival In d'Avignon ? Un défi que s'était fixé le maire, Jean-Marie Gilles. Il imaginait même une scène non pas installée sur les berges, mais sur le plan d'eau. "Nous pourrions faire venir le public depuis Avignon en bateau, jusqu'à notre halte nautique. Puis, il rejoindrait à pied le lac, il y a à peine 200 mètres à faire. Et les personnes pourraient se restaurer au camping Lou Vincen, juste à côté ou sur le cours Lafayette." Le premier édile vallabréguant avait tout prévu, jusqu'à la transformation de la salle de la Calade en espace de répétitions ou en loges, dédiée aux professionnels. 

Force est de constater qu'il a eu raison d'y croire, car effectivement le village du Coulobre accueillera un spectacle du Festival In d'Avignon cet été, à l'occasion de sa 77e édition, désormais sous la direction de Tiago Rodriguez. Il s'agit de la pièce L'Addition(*) signée du metteur en scène britannique et directeur artistique du collectif Forced Entertainment, Tim Etchells. Une pièce qui ne sera toutefois pas jouée sur le plan d'eau, mais dans les arènes de la commune.

"Il ne faut pas fermer la porte pour toujours, mais il faut aussi prendre en compte la proposition artistique. Le spectacle de L'Addition, s'il est léger techniquement, est plutôt pensé pour des espaces proches de ce que peut être une salle polyvalente ou un plein-air comme des arènes", indique Pierre Gendronneau, directeur délégué du Festival d'Avignon.

Et le même de poursuivre : "Cela dit, ça nous tenait vraiment à coeur de jouer dans les arènes de Vallabrègues. Nous savons que Vallabrègues est le plus provençal des villages gardois, qui a cette culture taurine. C'est important pour le Festival d'Avignon de prendre en compte dans quel contexte il se déploie et l'ensemble des cultures locales et régionales. Donc jouer dans les arènes de Vallabrègues, c'est aussi faire un signe vis-à-vis de cette partie de la culture locale. Nous allons vivre une véritable rencontre entre culture taurine et humour anglais avec cette proposition artistique que nous y amenons."

Ce spectacle est inscrit dans le cadre du projet Itinérance, une production déléguée du Festival d'Avignon. Il ne sera pas seulement joué dans les arènes de Vallabrègues (le 19 juillet 2023 à 20h), mais aussi et en ce qui concerne le Gard, au complexe sportif Jean-Galia à Rochefort-du-Gard (le 17 juillet à 20h), dans les arènes Robert-Garlando à Roquemaure (le 21 juillet à 20h), dans la cour du château d'Aramon (le 22 juillet à 20h) et celle du château de Saze (le 25 juillet à 20h).

Ce qui fait cinq dates contre deux l'an passé. "Par ailleurs, Itinérance se poursuivra sur le reste de l'année, au niveau national, régional mais aussi local, pour les communes qui auraient voulu l'accueillir dès cet été 2023, mais ne pouvaient pas le faire pour des questions de calendrier", précise Pierre Gendronneau. 

"Le territoire du Festival d'Avignon ne s'arrête pas avec un bras du Rhône"

Par ces délocalisations, le Festival In d'Avignon marque son ancrage sur le territoire au niveau régional "qui ne s'arrête pas avec un bras du Rhône." Très vite Pierre Gendronneau pose sur la table quelques chiffres venant justifier ses propos. "Le public du Festival d'Avignon est majoritairement un public local, plus de 40 % des spectateurs sont situés dans un périmètre de moins de 80 kilomètres à la ronde. Et parmi eux, évidemment, il y a des Gardois." Si les faire venir dans la Cité des Papes est essentiel, l'inverse est vrai aussi à travers ce projet Itinérance. "Nous voulons aller au plus près des populations et dire aux habitants de ces villages que le Festival d'Avignon leur appartient aussi." 

Quant aux communes gardoises - rappelons que Vallabrègues est la seule du département située sur la rive gauche du Rhône -, l'enjeu est bien évidemment touristique et donc économique. "Cela permet de faire connaître nos villages et pour nous, plus particulièrement, cela pourrait donner un nouvel élan à notre festival de la vannerie (les 12 et 13 août, NDLR)", commente le maire de Vallabrègues, Jean-Marie Gilles. Ce dernier espère voir ce partenariat se pérenniser, "avec l'accueil de spectacles sur plusieurs jours." Un partenariat qui repose sur le financement des coûts artistiques, d'accueil du public, de sécurité des spectacles par le Festival d'Avignon, et la mise à disposition de lieu d'accueil par les municipalités.

Pour une commune telle qu'Aramon, plus connue pour son tissu industriel que ses actions culturelles, "la venue du Festival permet de changer notre image", lance Frédérique Louvard-Hilaire, adjointe au maire, déléguée à la Culture et au Patrimoine. C'est la troisième fois que la ville est sélectionnée par le Festival In d'Avignon dans le cadre de son programme Itinérance.

"Bien que nous soyons voisins avec Avignon, très peu d'Aramonais se rendent au Festival In, mais le fait qu'il vienne à eux change la vision des choses, ça le rend plus accessible. On nous demande de plus en plus de places", explique l'adjointe au maire. Là aussi l'ambition est de faire perdurer ce partenariat, et au-delà de cet événement prestigieux de renommée internationale, de faire vivre la culture sur le territoire, d'abord grâce aux associations déjà très actives, mais en s'associant aussi au Festival du polar de Villeneuve-lez-Avignon, à la Chartreuse...

Deux pièces présentées en espace naturel à Pujaut

S'ajoutent, et c'est une nouveauté pour le Festival In d'Avignon, deux spectacles joués en espace naturel. C'est la commune de Pujaut qui a été sélectionnée pour cette première, le plateau du Pelatier plus précisément. Les spectateurs y découvriront Paysages Partagés, sept pièces entre champs et forêts du 7 au 16 juillet et Que ma joie demeure du 17 au 24 juillet. Des spectacles de 7h et 6h qui entremêlent théâtre et balade en pleine nature.

>> Retrouvez toute la programmation de la 77e édition du Festival d'Avignon en cliquant ici.

*Deux interprètes entrent en scène et tentent de nous décrire une scène, « la scène » : un client commande un verre, le serveur arrive. Et là, c’est le drame. Jouée et rejouée, entre flots de paroles et silence absolu, « la scène » bascule. Spirale cauchemardesque ? Farce grotesque ? Les rôles et les rapports de force s’inversent, à ne plus savoir qui est la victime et le bourreau ou le maître et l’esclave. En cuisine, le metteur en scène britannique et directeur artistique de Forced Entertainment, Tim Etchells, nous concocte une performance aussi drôle qu’explosive, savamment exécutée par le duo de performeurs Bert & Nasi. Tous trois s’amusent à bousculer les mécanismes du théâtre autant que les relations de pouvoir, pour savoir qui va payer l’addition.