GARD L’archéologie des carrières révèlent des secrets
Deux sites gardois font partie des recherches de l’Inrap. Le Puech de la Cabane à La Rouvière et le Jal des Moles à Caveirac.
Depuis la nuit des temps, les humains ont extrait différentes roches des couches superficielles de la Terre pour façonner leurs outils, des ustensiles de leur vie quotidienne, comme les meules destinées à moudre les céréales, pour en tirer des colorants, comme l’ocre.
Puis, ils s’en sont servis pour bâtir leurs maisons, divers bâtiments ou infrastructures tels les ponts, aqueducs ou remparts, sans oublier le domaine funéraire avec les stèles, les sarcophages ou les pierres tombales. Très ancienne, donc, l’activité d’extraction s’est développée au fur et à mesure des transformations du cadre de la vie humaine, qu’elle a accompagnée et dont elle témoigne.
Le mot « carrière » vient du latin quadraria, c'est-à-dire « le lieu où l’on met la pierre au carré ». Mais les Gallo-Romains utilisaient un autre terme : lapicidina, du mot lapis, qui signifie « pierre ».
Stricto sensu, le mot carrière ne désigne que les sites d’extraction de pierre à bâtir. Pour les autres matériaux, chacun des lieux dont ils sont extraits porte un nom. Le sable est exploité dans une sablière ou sablonnière, le gravier dans une gravière, l’argile dans une argilière.
Un trait distinctif des carrières pourrait être que l’extraction y serait menée à « ciel ouvert », suivant le procédé le plus simple : d’un côté le front d’attaque ou d’exploitation, de l’autre côté un chemin d’accès. Cependant, au Néolithique, le silex et l’argile ont été extraits grâce à un système de puits et de galeries.
Au-delà de la simple préservation du patrimoine, il s’est rapidement avéré que l’archéologie en carrières aboutissait à une recherche de pointe, du fait qu’elle offre l’accès à de vastes espaces et d’importantes portions du territoire recelant des vestiges de toutes les périodes.
La surveillance systématique de terroirs entiers, dans le cadre du suivi des zones exploitées et de différents programmes de recherche, permet de retrouver tous les vestiges, même les plus ténus. Elle procure aux archéologues des masses d’informations qui, s’assemblant à la façon d’un vaste puzzle diachronique, permettent de restituer l’histoire des sites comme des paysages géographiques et humains sur la très longue durée. L’étude des vallées en particulier permet une approche globale de l’évolution des sociétés au cours du temps.
Dès la fin du XIIe siècle, dans les terrains sédimentaires, l’exploitation a progressé en souterrain pour satisfaire la demande de pierres à bâtir, comme à Paris et à Tours. Suivant les configurations géographiques l’activité extractive se déroule encore aujourd’hui soit sous terre soit à ciel ouvert. Très souvent les raisons du passage en souterrain ont été liées à la nature de l’occupation des terrains au-dessus des carrières.
Juridiquement enfin, les carrières se distinguent des mines par la nature des matériaux qui en sont extraits : tous ceux qui sont destinés à être transformés dans l’industrie (combustibles fossiles, métaux, éléments radioactifs) relèvent des mines ; les roches dures, granulats, sables ou argiles, utilisés dans les travaux publics et la construction, sont du domaine des carrières.
Le premier secteur est régi par le code minier, le second par celui de l’environnement. Pour les mines, c’est l’État, par l’intermédiaire du ministère de l’Industrie, qui accorde les autorisations d’exploiter, généralement sous forme de concessions. Pour les carrières, celles-ci sont délivrées par le Préfet de région.
C’est au hasard de grands travaux, d’aménagement du territoire ou d’extraction, que la plupart des vestiges que nous connaissons aujourd’hui ont pu non seulement être mis au jour, mais aussi et surtout être étudiés dans l’ensemble plus ou moins cohérent d’un site.
Le Puech de la Cabane à La Rouvière
Au Néolithique final, entre 2 800 et 2 400 av. J.-C., les garrigues du Languedoc oriental sont très fréquentées par les populations de la culture de Fontbouisse qui développent un réseau d’agglomérations construites en pierre sèche.
Le village du Puech de la Cabane est installé sur un sommet dominant vallées et plaines, véritable point de contrôle visible à longue distance par les autres communautés humaines.
L’hypothèse d’une position stratégique et symbolique est appuyée par la découverte d’un monolithe, rare dans un habitat du Néolithique final, dans une fosse à paroi construite. Cette stèle ornée d’un visage stylisé est une statue menhir, elle témoigne du statut particulier de ce village.
Le Jal Puech des Moles à Caveirac
Au XVIIIe siècle, l’arrière-pays du littoral languedocien (les garrigues) est transformé pour préparer les terrains (déboisement et épierrage) afin de cultiver vignes et oliviers. Les pierres extraites du sol constituent les murs de limite des champs et sont utilisées pour construire des abris en pierre sèche.
La cabane (appelée capitelle à Nîmes) de la Devèze présente des tracés gravés sur ses parois internes parmi lesquels plusieurs millésimes : 1719 (?), 1731. Son utilisation s’inscrit dans le temps long puisqu’elle est fréquentée jusque dans les années 1980. Les garrigues constituent un chapitre du patrimoine méridional dont l’histoire est en train de s’écrire.