Publié il y a 1 an - Mise à jour le 31.05.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 1520 fois

CENDRAS Harcèlement scolaire : le témoignage engagé du maire, Sylvain André

Atteint d'une malformation de naissance, victime de harcèlement scolaire durant l'adolescence, le maire de Cendras a livré un témoignage personnel poignant en écho au travail mené par le professeur d'histoire-géographie Gilles Roumieux avec ses élèves de 3e du collège Racine. 

Il a "beaucoup hésité" avant de publier son témoignage ce mardi après-midi sur les réseaux sociaux. "Je fais de la politique dans le sens de l'intérêt général. Je travaille sur le collectif. Ma crainte, c'était de faire du "Paris Match" en racontant ma vie", admet Sylvain André, qui a fini par se laisser convaincre sur les conseils de Gilles Roumieux, auteur avec ses élèves de 3e du collège Racine de la brochure "Touche pas à mon camarade" (relire ici).  

"Je me suis dit que donner un bout de vie perso' pouvait faire bouger les choses. C'est aussi un appel à la vigilance des parents, des surveillants de collèges et de lycées", justifie le maire de Cendras qui, dans son écrit, a d'abord apporté son soutien au "travail remarquable" effectué par le professeur d’histoire-géographie avec ses élèves. "Par ce projet, Monsieur Roumieux a donné la parole aux élèves et participe à mettre sur la place publique un sujet dévastateur qui tue et bouleverse des vies", a notamment retranscrit en guise de préambule Sylvain André, au nom de l'association des maires ruraux qu'il préside. 

"L'association des maires ruraux était partenaire des deux premières brochures. Pour celle-ci, j'ai suivi son évolution depuis le début. J'ai eu accès aux premières esquisses. J'aide à populariser la dynamique car ce sont des sujets importants. Le harcèlement scolaire, c'est d'actualité. En tant que maire, on peut être confronté à ça sur la partie école et périscolaire", justifie l'élu auprès d'Objectif Gard

S'il s'est publiquement exprimé sur la question, c'est parce que le harcèlement scolaire est un sujet qui lui tient "particulièrement à cœur", l'ayant touché personnellement dans son enfance, et "avec plus de véhémence" dans sa jeunesse. Il y a 39 ans, le jeune élu communiste naissait avec une malformation au niveau du bras gauche. Le petit Sylvain a grandi et les premières railleries, ou tout au moins des regards interrogatifs, surgissent.

"Être différent, être porteur d’un handicap, c’est de manière générale attirer l’attention, c’est de l’interrogation dans le regard des autres, c’est intriguant, c’est une manière particulière de s’adresser à nous parfois avec beaucoup de maladresse. Être porteur d’un handicap, c’est synonyme pour beaucoup, d’un individu affaibli, c’est une vision d’une personne différente, fragile, qui implique parfois une souffrance du regard des autres et qui complique les relations, plus particulièrement avec le sexe opposé", écrit avec justesse l'élu communautaire d'Alès Agglomération.

Si les premiers "commentaires méchants" sur son physique et son apparence assortis de "surnoms à la con" l'avaient déjà affecté durant l'enfance, son entrée en 6e constitue un basculement vers une violence verbale et physique insoutenable. "Le collège a été pour moi la période la plus difficile où j’ai connu un harcèlement continu d’un élève qui était dans ma classe en 6e. Insultes permanentes, moqueries à tout va, jusqu’à me coincer dans les couloirs pour me frapper", raconte sans fard Sylvain André.

"Tout le monde n'a pas cette chance d’avoir de l’aide au bon moment"

Près de 30 ans après, le nom de son bourreau résonne encore en lui jusqu'à le faire "frissonner". Pourtant, dans son cas précis - certains harcelés ayant connu une issue plus dramatique -, l'histoire s'est bien terminée. Le collégien harceleur a fini par se faire exclure de l'établissement scolaire à la faveur de trois avertissements et d'une intervention salvatrice de M. Benicourt, un surveillant général que le Cendrasien n'oubliera jamais. "Il a été attentif et a fait le job. Il a vu qu'une bande me tournait autour. Il a surveillé de près et a fini par les choper deux fois dans les couloirs en train de me frapper", rejoue-t-il.

S'il est parvenu à sortir de cette "horrible spirale", l'adolescent en construction qu'il était alors le doit aussi à des parents "combatifs" et une force de caractère naturelle. "Je n'ai pas lâché l'affaire. J'ai toujours été un peu militant, j'étais souvent délégué de classe. Mon handicap ne m'a pas démoli. Il m'a plutôt donné de la force pour avancer, porter mes idées, exister, réussir et travailler à l'école", rembobine Sylvain André.

Mais tel qu'il le fait fort justement apprécier, "tout le monde n'a pas cette chance d’avoir de l’aide au bon moment". Et quand certains harcelés ont les ressources mentales pour ne pas fléchir, d'autres s'écroulent sous le poids des moqueries, s'isolent, jusqu'à envisager le pire en tentant de mettre fin à leurs jours, à l'image de Jonathan Destin à qui l'ouvrage de Gilles Roumieux et ses élèves est en partie dédié. 

"On ne peut pas mettre les enfants sous cloche"

"Il ne faut surtout pas dire que ce sont "des conneries de gamins", "que jeunesse se fasse", que "ce n'est pas bien grave". Il ne faut pas banaliser ces choses-là. Ça peut traumatiser des vies. Il y en a chez qui ça a laissé des traces indélébiles", analyse le président de l'association des maires ruraux, dont le témoignage de le veille suscite déjà des réactions positives. 

Certaines, émanant bien souvent de parents d'élèves, sont teintées d'angoisse. "Il ne faut pas que les parents tombent dans l'inquiétude absolue. Tout le monde n'est pas harcelé à l'école. De toute façon on ne peut pas mettre les enfants sous cloche", rétorque l'élu à ce sujet. Le dernier milite pour que le corps enseignant et le personnel au contact des élèves soient mieux "formés sur ces questions-là".

Surtout ceux qui évoluent dans des collèges. "C'est souvent la période la plus dure selon moi. C'est un âge où on se cherche, on veut faire l'intéressant et on peut être méchant sans le vouloir", raisonne l'édile cendrasien. Et d'ajouter, en guise de conclusion : "Quand ça va trop loin, une exclusion peut s'avérer salvatrice. Il faut aussi qu'il y ait une explication au sein de la classe de ce qu'est le harcèlement et les dégâts qu'il peut causer. Il faut toujours en parler et ne pas le passer sous silence."

Corentin Migoule

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