Publié il y a 2 h - Mise à jour le 12.12.2024 - Thierry Allard - 3 min  - vu 39 fois

PONT DU GARD La précarité énergétique, « au croisement des crises »

Les acteurs régionaux de la lutte contre la précarité énergétique avaient rendez-vous au Pont du Gard ce mardi

- Thierry Allard

La Journée régionale des acteurs de la lutte contre la précarité énergétique se tenait ce mardi au Pont du Gard. L’occasion de faire un zoom sur ce phénomène qui n’épargne pas le Gard, loin s’en faut.

Les températures baissent, et pour une bonne partie des Gardois, ça signifie qu’il va faire froid, voire très froid, aussi chez eux. Soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de se chauffer, soit parce que leur logement est très mal isolé, soit les deux à la fois. « 15 % des Gardois sont en précarité énergétique », pose le vice-président du Conseil départemental délégué à l’Habitat, au logement et à la rénovation urbaine, Christian Bastid. Un chiffre plus élevé que la moyenne nationale, à 11,6 %. Et, rappelle le préfet Jérôme Bonet, « l’année dernière, 26 % des gardois ont souffert du froid. »

Parmi ces personnes, Huguette*. Cette retraitée alésienne a connu le cauchemar de la précarité énergétique. Elle raconte, dans un témoignage vidéo projeté en ouverture de l’événement, « le radiateur de la cuisine qui ne fonctionne plus, celui de la chambre non plus, remplacé par un appareil électrique », les fenêtres en mauvais état, les ventilations inopérantes, le changement de bailleur qui n’arrangera rien à sa situation. Elle fera appel au Service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie, un dispositif qui permet d’effectuer un diagnostic. Un conseiller de l’Agence départementale de l’habitat et du logement (ADHL) est donc venu chez Huguette, « et il m’a enlevé tous mes doutes, il a tout vu », raconte-elle. Depuis, la retraitée a obtenu un autre appartement, rénové, où elle « sera bien ».

« C’est une réalité, nous rencontrons régulièrement des gens en difficultés », admet Christian Bastid, la précarité énergétique étant « au croisement des crises énergétique, sociale, climatique, du logement. » La précarité énergétique, aux nombreuses conséquences, notamment sur « la cohésion » sociale, estime l’élu, mais aussi sur la santé, entre les canicules l’été et le grand froid l’hiver, qui voit « des intoxications au monoxyde de carbone, des incendies, la précarité énergétique tue parfois », souligne Christian Bastid.

Construire et rénover

Comme le mal logement en général, qui concerne « environ 15 000 gardois qui vivent dans des habitats insalubres », pose le préfet d’un département dont la moitié des logements ont été construits avant 1975. La précarité énergétique ne peut pas non plus être déconnectée d’autres phénomènes, comme la pénurie de logements sociaux. « On ne peut pas parler de la précarité énergétique sans aborder celle de l’accès au logement, dans le Gard nous avons initié des démarches pour trouver des solutions à notre déficit de production de logements sociaux », avance le préfet. Car « le gouvernement disait qu’il fallait construire 250 000 logements sociaux en trois ans, nous en sommes à peine à la moitié », regrettera plus tard le sénateur Denis Bouad, longtemps président du bailleur social Habitat du Gard, qui répète qu’il faut « un plan Marshall sur le logement. »

Notamment sur la rénovation. « En Occitanie, il y a 3,6 millions de logements, dont 10 % sont très énergivores, classés F ou G, ce qui représente 300 000 logements, dont 26 000 dans le Gard », pose Nicolas Rasson, directeur de l’aménagement à la DREAL Occitanie. L’État, via l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), apporte des financements pour la rénovation. « Nous sommes passés de 120 millions d’euros en 2023 à 320 millions d’euros d’aides aujourd’hui », précise Nicolas Rasson, et ce malgré la diminution d’un milliard d’euros des crédits destinés au sujet par le gouvernement en 2024. En tout, « nous en sommes à 50 à 60 000 logements aidés en Occitanie, et 5 à 6 000 par an en rénovation globale, ce n’est pas rien », rajoute-il.

Autre levier à actionner : l’accès à l’emploi. « Il nous faut répondre à un paradoxe, un taux de chômage élevé et des entreprises qui ont du mal à recruter », affirme Jérôme Bonet, qui considère que les différents leviers doivent être actionnés ensemble « pour donner de la cohérence à ces politiques publiques. » De son côté, le Département a créé un nouvel établissement public début 2023, l’Agence départementale de l’habitat et du logement, notamment « pour intervenir dans la lutte contre la précarité énergétique, proposer sur le terrain un accompagnement social et technique et des aides », développe Christian Bastid, qui préside cette agence. Une structure « qu’on ne trouve nulle part ailleurs en France », affirme l’élu départemental.

Une partie de la solution se trouve donc en local. Mais pour Christian Bastid, il faut, outre relancer la production de logements, « une régulation du marché de l’énergie à l’échelle européenne pour empêcher la spéculation, et une politique de sobriété couplée à un développement massif des énergies renouvelables. Ce sont des investissements, mais qui réduisent à terme les dépenses sociales et environnementales. »

* le prénom a été modifié.

Thierry Allard

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