FAIT DU JOUR Le Groupe Perret, la diversification pour engrais
Entreprise familiale bagnolaise comptant plus d’un siècle d’histoire, le groupe Perret, spécialisé dans l’agrofourniture, a spectaculairement grandi depuis un peu plus d’une décennie. Le secret du patron, Bernard Perret ? La diversification.
L’histoire officielle retient 1896, « mais on identifie mal la date réelle du début de l’entreprise, c’est entre 1893 et 1900, donc nous avons pris 1896 pour être médians », glisse le patron, quatrième génération de Perret à la tête du groupe éponyme. Ce dont on est sûr en revanche, c’est l’implantation de l’époque, avenue du Port à Bagnols, depuis devenue avenue de l’Europe. L’entreprise, qui fournit alors les produits consommables de l’agriculture aux déjà nombreux viticulteurs du coin, y restera jusqu’en 1999, date de la construction de son nouveau siège à Tresques, en bordure de la N86.
Notre richesse, ce sont nos 120 technico-commerciaux tous les jours en cultures
Tout roule jusqu’au début des années 2000, et l’entreprise dirigée depuis 1985 par Bernard Perret vit avec ses clients fidèles, majoritairement des viticulteurs de la vallée du Rhône. Seulement, en 2003, une crise d’une rare violence touche les vignerons. Elle durera jusqu’à 2009, et laissera nombre de caves coopératives et d’exploitations viticoles sur le carreau. Conséquence, « notre chiffre d’affaires a fortement baissé », rejoue Bernard Perret. Les vignerons n’ont plus les moyens de traiter leurs vignes autant qu’avant la crise, et le groupe Perret sent la différence. « Parallèlement, des surfaces disparaissaient », ajoute le chef d’entreprise, qui comprend alors que la situation devient plus structurelle que conjoncturelle.
Alors il réfléchit à se diversifier, en misant sur « la richesse de (son) groupe : bien connaître les agriculteurs, être très proches d’eux ». Il décide donc d’élargir son offre en valorisant ses points forts et profite d’une opportunité pour racheter Aquadoc, une entreprise héraultaise spécialisée dans l’irrigation, dont il élargit le marché au terrain de jeu du Groupe Perret. « C’était plus facile si c’était quelqu’un du groupe qui les introduisait », glisse Bernard Perret. Et ça marche : entre 2009 et 2022, le chiffre d’affaires de la filiale a été multiplié par quatre pour atteindre 17 millions d’euros cette année. Depuis, le groupe Perret a racheté d’autres structures dans l’irrigation, et la branche pèse désormais 27 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Lancé, Bernard Perret ne s’arrête pas en si bon chemin et se diversifie à nouveau, cette fois dans le matériel de cave. Il s’allie avec un spécialiste du secteur pour monter de toutes pièces une filiale, Viséa, il y a dix ans, qui dégage depuis 7 millions de chiffre d’affaires annuel avant sa fusion avec Couturier, une entreprise vauclusienne vieille de 200 ans rachetée en 2020 pour devenir « le leader en matériel de cave des côtes du Rhône septentrionales à la Camargue en passant par la Provence, avec 14 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel », revendique le dirigeant.
Dernier axe de diversification, le machinisme agricole. Le groupe Perret a ainsi mis la main sur le fabricant Chabas, référence dans le matériel de pulvérisation dans toute la France, puis sur les distributeurs Andreux et Chabas Sud-Ouest en 2020. Cette branche pèse désormais 12 millions d’euros de chiffre d’affaires.
La cinquième génération arrive
Au fil de cette diversification, l'entreprise a aussi fait son trou, en plus de la vigne, dans le riz, l’arboriculture et le maraîchage, et pèse désormais 240 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour plus de 570 salariés répartis sur 60 sites, de l’Isère au Tarn-et-Garonne, à la Côte d’Azur et même la Corse. « Au départ, j’étais le treizième salarié de l’entreprise et nous réalisions l’équivalent de quatre millions d’euros de chiffre d’affaires », précise Bernard Perret, comme pour mesurer le chemin parcouru en 37 ans. « Mais ce ne sont que des chiffres, c’est le parcours qui me passionne, avec cette année encore quatre opérations de croissance externe », rajoute le chef d’entreprise, qui s’est taillé une réputation d’acteur gourmand mais correct dans le secteur.
Il faut dire qu’il se fait fort de « gérer les rachats comme une transmission en maintenant les valeurs des entreprises qui sont le plus souvent patrimoniales, familiales ». Comme la sienne, en somme. Une entreprise témoin des évolutions de l’agriculture, où on utilise moins de produits mais plus de conseils, et où la technologie s’est invitée. « À l’époque de mon père, on n’avait pas de technico-commerciaux mais on avait des produits miracles, rejoue-t-il. Aujourd’hui, les produits naturels sont moins efficaces, donc il faut accompagner l’agriculteur pour lui faire utiliser les produits au bon moment et dans les bonnes conditions. »
Désormais, l’entreprise recrute des technico-commerciaux le plus souvent au niveau ingénieur agronome. Dans les exploitations, on retrouve de plus en plus de stations météo connectées et même des drones. « Aujourd’hui, le développement technologique est freiné par le niveau de coût sur l’exploitation, commente Bernard Perret. Cependant, la technologie arrive à grands pas. » Ce qui n’a pas changé, en revanche, c’est la proximité avec les agriculteurs. « Notre richesse, ce sont nos 120 technico-commerciaux tous les jours en cultures », souligne le patron.
Un patron passionné mais qui, à 63 ans, se prépare doucement à passer la main au benjamin de ses quatre fils, diplômé d’école de commerce, qui doit reprendre le flambeau d’ici trois ou quatre ans. Alors il s’est mis en tête de préparer le terrain, en structurant au mieux l’entreprise. « Je n’ai jamais pris le temps de me poser pour le faire avec des postes support », explique-t-il, ravi de « voir la cinquième génération arriver ».
Cet article est issu du magazine Objectif Gard, numéro 51 sorti le 14 octobre 2022. Vous pouvez le découvrir dans son intégralité en cliquant sur la Une :