GARD RHODANIEN Quelles espèces peuplent les vignobles des Côtes-du-Rhône ?
En 2021, plus de 500 nichoirs à mésanges et abris à chauves-souris ont été installés dans les terres des vignerons coopérateurs de Maison Sinnae. Un an plus tard, l'heure est au bilan. Ces animaux ont-ils colonisé ces aménagements ? Plus globalement, quelles espèces retrouve-t-on dans les vignobles Côtes-du-Rhône ? Éléments de réponse.
Maison Sinnae prend part à l'Observatoire agricole de la biodiversité (OAB), un projet de recherche national où les agriculteurs récupèrent eux-mêmes les données. L'idée étant de sortir du préjugé "agriculteur-pollueur et de voir ce qu'il en est vraiment en termes de biodiversité dans les vignobles", explique Lucile Chedorge, animatrice "Démarche paysagère environnementale" au syndicat des Côtes-du-Rhône. En 2021, 75 domaines viticoles des Côtes-du-Rhône ont participé à la démarche.
Cette année-là, des appareils enregistreurs ont été posés deux nuits en juin et septembre à proximité dans 39 parcelles de vignes Côtes-du-Rhône pour capter les sons des chauves-souris. Et ainsi savoir s'il y en a et quelles espèces en particulier. Celles qu'on entend le plus de manière certaine sont la noctule de Leisler et le grand Rhinolophe. On suppose aussi qu'il y a la pipistrelle commune, dont le cri est difficilement identifiable sur le logiciel mais a été recensé presque 30 000 fois.
Une espèce insectivore capable de préserver les parcelles des maladies
Parmi ces 39 parcelles écoutées, six font partie de Maison Sinnae : "Ici, on n'a pas retrouvé exactement les mêmes choses. La pipistrelle commune est présente. Ce qu'on a le plus entendu, c'est le Molosse de Cestoni (16 fois), la noctule commune (15 fois), le grand Rhinolophe (7 fois)", liste Lucile Chedorge, qui ajoute : "Avant de faire cette étude, je ne pensais pas qu'il y aurait autant de chauves-souris détectées. C'est plutôt réconfortant sur les équilibres."
Avoir de nombreuses espèces dans les vignobles, c'est rassurant sur les pratiques des agriculteurs. Mais le raisonnement va dans les deux sens. Ces animaux insectivores vont se nourrir des petites bêtes qui créent parfois des maladies sur les vignes et les raisins. Plusieurs coopérateurs de Maison Sinnae sont touchés par le ver de grappe : un papillon qui pond dans les grappes de raisins. Une fois éclos, ses oeufs favorisent la pourriture des fruits.
Pour éviter de traiter leurs vignes contre ce problème, certains vignerons ont donc choisi d'installer des abris à chauves-souris pour les inciter à s'installer et pour qu'elles se nourrissent des nuisibles. Grâce à l'écholocation (sorte de sonar interne, inaudible à l'oreille humaine, NDLR), les chauves-souris arrivent à repérer leurs proies : "Elles sont à une dizaine de cris par seconde qui s'accélère entre 40 et 50 cris quand elles ont détecté une proie et qu'elles veulent mieux la localiser", détaille Lucile Chedorge. C'est pour ça que les couloirs de haies vont beaucoup les aider à se repérer.
"Très rapidement, des populations de mésanges se sont installées"
L'autre espèce utile aux viticulteurs, c'est la mésange. Selon Brice Le Maire, gérant d'Agrinichoir, elle peut faire jusqu'à "900 allers-retours dans la journée pour se nourrir". C'est lui qui a installé, en 2021, 500 nichoirs à mésanges et abris à chauves-souris dans les vignobles de Maison Sinnae, répartis au total sur dix communes. Ils se cumulent aux 150 déjà installés en 2019 et 2020. Grâce à sa caméra endoscopique, Brice Le Maire estime le taux moyen d'occupation des nichoirs par les mésanges à 22,5%. Un chiffre qui devrait augmenter dans les prochaines années, mais qui a déjà permis que ces oiseaux consomment 1,1 tonne d'insectes cette année.
Il faudra attendre encore quelques temps pour avoir le recul nécessaire et voir le véritable impact de ces installations. Frédéric Bertolo, un des vignerons coopérateurs, a commencé à travailler avec Brice Le Maire, il y a deux ans, et dispose de nichoirs et d'abris sur une parcelle de deux hectares. Le vigneron avait envie d'avoir un suivi, et de voir s'il y avait une évolution positive : "Très rapidement, des populations de mésanges se sont installées. Pour les chauves-souris, c'est un peu plus mitigé. Il faut dire que les abris ne sont pour elles qu'un lieu de passage."
Difficile pour lui de juger si la présence de ces deux espèces a eu un effet bénéfique pour sa vigne. Il utilise déjà la technique de la confusion sexuelle pour limiter la prolifération de ces insectes nuisibles, il a aussi pas mal de parcelles enherbées. "Mais si les mésanges reviennent, c'est qu'il y a de la biodiversité. S'il n'y en avait pas eu, ça m'aurait un peu travaillé. Ça me conforte dans la position de travail que j'ai prise. D'autant que je suis en pleine conversion en bio", conclut Frédéric Bertolo.
Marie Meunier