LES ANGLES Les Amis de la Combe Chazet veulent préserver leur "parenthèse enchantée"
Beaucoup d'Anglois se rendent à la Combe Chazet pour se promener. Ce coin de garrigues était particulièrement prisé lors du premier confinement, offrant une "parenthèse enchantée" entre la bande urbaine et le vieux village. Depuis un mois et demi, un collectif est en train de se structurer pour préserver ce lieu sur lequel est prévu un projet immobilier de 80 logements (dont une soixantaine en habitat collectif et une vingtaine de maisons individuelles) et une maison médicale répartis sur trois hectares.
Il y a quelques jours, le collectif "Les Amis de la Combe Chazet" a lancé une pétition en ligne qui a recueilli près de 400 signatures pour protéger cet espace naturel. À l'origine de ce mouvement, il y a Aurélie Tetot, Angloise passionnée de nature. Alors qu'elle se promenait comme à son habitude dans ce lieu-dit, elle a repéré un panneau affichant un arrêté du maire. Dessus il est indiqué qu'une enquête publique est en cours, relative à la désaffectation par aliénation de l'ancien chemin militaire, traversant la Combe Chazet.
Alors pourquoi créer une pétition opposée à l'aliénation de ce chemin rural ? Parce que la procédure (ouverte jusqu'à mercredi 9 juin) rendrait possible la vente à un acteur privé d'un chemin au départ affecté à l'usage public. Pour le collectif, cela ne laisse aucun doute : c'est le préambule à un futur projet immobilier.
Les Angles ne compte que 9,2% de logements sociaux
Petit retour en arrière pour bien comprendre... Il faut savoir que la commune des Angles est carencée en logements sociaux. "La commune ne compte que 9,2% de logements sociaux. Il en manque plus de 700 (pour atteindre les 25% réglementaires imposés par la loi SRU, ndlr)", contextualise Patrice Aubard, élu de la majorité angloise opposé au projet et qui a déjà fait entendre sa voix lors des derniers conseils municipaux. Ce déficit en logements sociaux, la commune le paye cher (plus de 300 000 € par an).
C'est pourquoi, en 2017, pour élaborer son plan local d'urbanisme (PLU), la municipalité a évoqué des lieux possibles d'implantation pour résorber le manque de logements sociaux. Deux orientations d'aménagement et de programmation (OAP) ont été dirigées vers la Combe Chazet et Font d'Irac.
Le PLU finalement adopté, le lieu-dit de la Combe Chazet y figure donc comme une "des dernières poches d'urbanisation future à vocation d'habitat". Mais il est indiqué que les constructions devront prendre en compte la particularité de la zone. Seule 50% de la surface (soit 3,5 hectares) est constructible. Il apparaît aussi nécessaire de préserver les affleurements rocheux tout en respectant une distance de 75 m entre les habitats et la route nationale en double voie qui passe en contre-bas, pour limiter les nuisances sonores, visuelles et de pollution.
Côté avantages, les logements en R+2 maximum ne seraient pas ou peu visibles depuis la route nationale tout en étant proches. Les réseaux d'eaux usées sont déjà effectifs et la quasi-totalité de la zone est sous la maîtrise financière communale.
"On ira se promener où ensuite ? Sur le carrefour de Leclerc ?"
Tout cela, le collectif l'entend mais pour ses membres, urbaniser ce magnifique paysage, qui plus est la dernière zone de garrigue au coeur de la ville, est dommageable. "On ira se promener où ensuite ? Sur le carrefour de Leclerc ?", ironise Faiza Mokedem, membre du collectif habitant depuis neuf mois aux Angles. Tel une preuve vivante de ce qu'elle avance, un groupe de randonneurs venus d'Angers et Nantes s'engage sur le chemin. "On passe ici car c'est le tracé Urbain V", nous lancent-ils. La Combe Chazet est traversée aussi par l'itinéraire du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Itinéraire que le maire affirme vouloir conserver, mais cela ne convainc pas Faiza Mokedem : "Beaucoup d'efforts ont été faits pour embellir le vieux village. Le four banal a été remis au goût du jour... Tout ça pour créer un ghetto ici." Quand elle dit "ghetto", elle veut signifier que le projet de la mairie n'intègre pas assez de mixité sociale. Patrick Bruneteaux, son compagnon, sociologue au CNRS, la rejoint : "Quand on a dans une concentration de personnes de même milieu social, il y a un sentiment de stigmatisation. Et cela entraîne souvent de l'autodégradation dans le quartier. [...]" D'après le maire, le projet comprendrait 30% de logements privés et 70% de logements sociaux.
Le collectif s'inquiète aussi des autres nuisances que les futurs habitants pourraient subir : "Quelle image renvoie-t-on à ces gens qui vont respirer de la pollution, entendre la circulation. On est dans une commune riche, il faut proposer autre chose." Patrice Aubard verrait davantage un travail sur la rénovation des bâtiments existants plutôt que d'artificialiser encore des sols. Comme il le rappelle, selon l'Insee, la commune comptabilisait 392 logements vacants en 2017. Il pense aussi à l'ancien terrain d'Intermarché qui pourrait peut-être reclassé pour accueillir de l'habitat.
Privilégier la rénovation urbaine pour ne pas recourir à l'artificialisation des sols
Le renouvellement urbain, c'est aussi le levier que préconise le commissaire enquêteur dans ses conclusions sur le PLU. Pour lui, une hypothèse de croissance moins ambitieuse de 0,7% par an "permettrait d'éviter l'étalement urbain" et correspondrait davantage au plan Biodiversité de juillet 2018 du Gouvernement.
Le collectif, composé de plusieurs riverains, défend aussi le cadre de vie ou encore l'aspect environnemental du projet. Le naturaliste Alain Camard, présent sur place il y a quelques jours, est en train d'étudier les espèces remarquables des lieux. Mais on peut déjà lire dans le PLU de la commune qu'aucune espèce d'arbres ou de plantes protégée n'a été recensée sur site.
Logements : "On ne sait plus où mettre les gens qui font des demandes"
Contacté le maire des Angles, Jean-Louis Banino affirme que pour l'heure, le projet n'en est qu'au stade de l'étude. Même si déjà beaucoup de bailleurs sociaux sont intéressés. Mais il assure qu'il "veut quelque chose de joli, pas une barre d'immeuble" et "protéger au maximum la garrigue".
Il comprend bien les arguments avancés par le collectif mais rappelle combien la commune manque de logements : "On ne sait plus où mettre les gens qui font des demandes. On a ici un terrain entièrement municipal. On s'est dit qu'il faudrait faire quelque chose à cet endroit-là. C'était déjà dans mon programme pour les municipales. Personne n'a bronché et là, tout le monde se réveille."
Il ajoute : "On a encore des terrains disponibles tout autour des Angles pour prendre l'air, marcher ou promener le chien. C'est vrai qu'on a beaucoup construit ces derniers temps aux Angles. On a peut-être été trop loin. Maintenant, je l'ai dit au préfet : c'est stop. Depuis 7-8 ans, on a dû construire 500 ou 600 logements et on en manque encore..." L'édile encourage vivement le collectif à venir le rencontrer et se dit "ouvert à toute discussion".
Alors que plus de 70% des Gardois sont éligibles au logement social, leur construction peine à décoller. En 2020, seulement 850 nouveaux logements sociaux ont été financés. Pourtant la demande est très élevée. En 2019, il fallait compter en moyenne cinq demandes pour une attribution de logement social dans le Grand Avignon gardois. Et encore, ce n'est pas la zone où il y a le plus de tensions... Dans la communauté de commune Terre de Camargue, c'était de l'ordre de 16,1 demandes pour une attribution. Faut-il pour autant construire massivement pour combler les déficits et bétonner les pans de nature encore vierges au moment où la préservation de l'environnement apparaît aussi comme un enjeu majeur des prochaines années ? La question se pose...
Marie Meunier
Un autre collectif s'est monté à côté, à Villeneuve-lez-Avignon, pour protéger le vallon des Chèvres : https://www.objectifgard.com/2021/05/28/fait-du-jour-debroussaillage-et-futur-projet-immobilier-le-vallon-des-chevres-au-coeur-des-interrogations/