ALÈS Une vingtaine d'entrepreneurs sensibilisée aux contentieux en droit du travail
Ce mercredi matin, à l'initiative du réseau Gard Entreprises, une grosse vingtaine d'entrepreneurs du bassin alésien a été sensibilisée aux contentieux en droit du travail par l'avocat Vincent Vinot et Jean-François Aparicio, nouveau président du conseil des Prud'hommes d'Alès.
La thématique du jour proposée par le réseau Gard Entreprises à ses adhérents a suscité une attention particulière chez ces derniers. Tôt ce mercredi matin, une grosse vingtaine d'entre eux a investi une salle de cours du CFA BTP Gard de Méjannes-les-Alès pour recevoir les précieux conseils en matière de droit du travail de la bouche de Jean-François Aparicio, nouveau président du conseil des Prud'hommes d'Alès, suivis de ceux prodigués par l'avocat nîmois Vincent Vinot.
"Le but, c’est qu’à l’issue de ce focus synthétique, vous ayez une idée plus précise du fonctionnement de la juridiction alésienne", a embrayé le premier nommé. Gestionnaire d'Ehpad, celui qui avait jadis une société de terrassement à Saint-Jean-de-Serres a d'abord brassé large, rappelant que le territoire national compte pas moins de 209 conseils des Prud’hommes. "En Polynésie, on appelle ça un tribunal du travail", a indiqué Jean-François Aparicio, lequel estime que l'intitulé mériterait d'être adopté "partout en France".
Après quoi, le président du conseil des Prud'hommes a rappelé le fonctionnement de la juridiction alésienne qui compte 36 conseillers, "de nombreux postes vacants", un collège salariés et un collège employeurs comprenant le même nombre de membres selon un principe paritaire. En 2022, 197 affaires ont été traitées par l'institution alésienne où la durée moyenne d'une procédure est plus courte (12 mois) que dans le reste du pays (la moyenne nationale se situe autour de 18 mois).
Par ailleurs, la pertinence des décisions des conseillers prud'homaux alésiens, lesquels ne sont pas des magistrats professionnels, est saluée par un taux de confirmation par la cour d’appel proche de 90 %. À chaque procédure juridique ouverte par l'une des deux parties -les salariés étant majoritairement à l'initiave -, la première étape est le passage par le bureau de conciliation d’orientation et d'orientation (BCO) des Prud'hommes. Lors d'une audience à huis clos, "on s’attache à trouver une issue à l’amiable au contentieux". Mais pour la juridiction alésienne, les conciliations ne représentent que 8 % des cas traités.
Dans 92 % des cas restants, l’affaire est mise en état. "La partie en demande de résolution de litige argumente sa demande avec des pièces à fournir. On fixe un calendrier précis et on fait la même chose pour la partie en défense", prévient Jean-François Aparicio, qui estime la durée de cette procédure à quatre à cinq mois. La dernière étape n'est autre que celle du bureau de jugement au cours de laquelle deux conseillers employeurs et deux conseillers salariés tranchent le litige.
"Nous ne sommes pas là pour sauver une entreprise défaillante"
"Si un jour vous êtes confrontés à ça, essayez d’être présents le jour du jugement. C'est apprécié par les magistrats. Les salariés le sont à 99 %, car c’est souvent l’histoire de leur vie qui se joue", a exposé le gestionnaire d'Ehpad aux entrepreneurs alésiens. Et d'ajouter : "À la fin des plaidoiries, le conseil peut vous poser des questions. Restez digne, sobre, ne regardez pas l’avocat de la partie adverse qui aura peut-être tenu un discours déplaisant à vos yeux."
Au terme de l'audience, chaque partie doit encore patienter trois mois pour connaître le verdict. "Quand on aborde le litige, on doit se plonger dans notre recueil de déontologie et d’éthique. Il ne faut pas attendre de miracle des conseillers employeurs. Nous ne sommes pas là pour sauver une entreprise défaillante ou qui n’a pas respecté le droit du travail", a prévenu Jean-François Aparicio.
Son propos a aussitôt été complété par celui de l'avocat nîmois Vincent Vinot, lequel s'est attaqué aux subtilités du système qui, contrairement aux idées reçues, semble bien souvent favorable au salarié, à condition que celui-ci connaisse sur le bout des doigts ses droits. "Certains employeurs ont recours aux pointeuses horaires dans leur entreprise. Bien souvent cet outil est utilisé pour surveiller les éventuels retards des salariés. Mais a contrario, si un employé arrive tous les jours avec 30 minutes d'avance et qu'il décide de réclamer ses heures supplémentaires, ça peut vous coûter cher", a-t-il notamment énoncé.
"Ça peut couler une boîte !"
L'employeur est susceptible de perdre encore plus gros dans le cas d'une faute dîte "inexcusable". Pour illustrer ses dires, Vincent Vinot a alors brandi un exemple concret : "Dans le cas d’un salarié en arrêt maladie pour un an après une mauvaise chute sur son lieu de travail, si l’employeur n’a pas mis tout en œuvre pour éviter l’accident, il sera sanctionné. S’il n’est pas assuré pour faute inexcusable, le salarié peut réclamer l’indemnisation de l’intégralité des préjudices subis", en plus d'une rente versée par la Sécurité sociale.
Prenant l'exemple d'une rente de l'ordre de 35 % du salaire perçu, l'avocat indique que l’employeur reconnu coupable d'une faute inexcusable sera contraint de payer la majoration de la rente. "On calcule la rémunération, on multiplie par 35 % et on prend en compte la durée de vie théorique du salarié. Coût total de l'opération : 200 000 euros à la charge de l’employeur. Ça peut couler une boîte !", a fort justement insisté l'avocat, suscitant au passage l'effroi chez la plupart des entrepreneurs présents.
Les certificats de complaisance dans le viseur des employeurs
Ces derniers allaient encore voir le ciel leur tomber sur la tête quand Vincent Vinot y allait de son nouveau cas concret. En février dernier, la cour de cassation a donné raison à un agent de la RATP, révoqué pour avoir participé à des compétitions de badminton pendant son arrêt maladie. La juridiction a en effet estimé que "l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt".
De quoi hérisser les poils d'un entrepreneur bien connu de la capitale des Cévennes, qui se demande de quelle manière il pourrait contrer "les certificats médicaux de complaisance" délivrés par certains médecins lorsqu'il est "sûr que le salarié ment". Ce à quoi Vincent Vinot a répondu : "Allez déposer plainte à l’Ordre des médecins. Mais c’est à double tranchant !" En effet, si l'employeur mandate un médecin afin qu'il réalise un contrôle médical et que ce dernier constate la véritable pathologie du salarié, "ça met l’employeur en mauvaise posture avant son éventuel passage devant le conseil des Prud’hommes". En guise de conclusion, le tandem Vinot-Aparicio se fendait d'une dernière recommandation : "Anticipez en permanence. Le risque zéro n’existe pas, mais vous êtes le responsable de l’activité de l'entreprise. Prévoyez, organisez et assurez-vous !"