FAIT DU JOUR Michel Tournayre ou la passion et la transmission de la truffe

Michel Tournayre avec ses filles, en train de trier les truffes.
- photo Marie MeunierDès le plus jeune âge, Michel Tournayre allait truffer avec son grand-père dans la garrigue. La passion pour le diamant noir ne l'a jamais quitté. Aujourd'hui, il prépare la transmission de l'affaire familiale à ses filles, Margot et Lucie, qui incarnent la quatrième génération.
Quand on entre à l'intérieur de la boutique des Truffières d'Uzès, des effluves de truffes chatouillent nos narines. "Et encore, cette année, ça ne sent rien. D'habitude les casiers sont plein, là, il y en a beaucoup moins", lance Michel Tournayre. Alors que le champignon est censé entrer dans sa période haute, les récoltes ne sont pas au rendez-vous. Est-ce dû aux 110 jours sans pluie entre fin avril et mi-août 2022 ? Aux fréquentes pluies de novembre et décembre et à l'importante humidité des sols ? N'empêche que la production des Truffières d'Uzès est en baisse de 50 % là où il a arrosé, et de 100 % là où cela n'a pas été le cas. "Cette année sera compliquée niveau business, mais riche en enseignements pour la recherche. Quand on rencontre une saison plus difficile, il faut diversifier son approche", lâche-t-il.
Alors cette année, le trufficulteur développe les visites tous les samedis après-midi de ses 16 hectares de truffières. Il propose même des immersions ouvertes à six personnes au maximum à la demi-journée où les participants vont truffer, puis brossent, étrillent et dégustent les champignons. Le domaine familial est ouvert aux visites depuis les années 90, époque où la trufficulture était très confidentielle. "Mon grand-père et mon père n'ont jamais caché. Avec eux, j'ai appris que le seul moyen de développer un produit, c'était d'en parler", assure Michel Tournayre. Depuis la semaine dernière, le restaurant gastronomique éphémère des Truffières a aussi rouvert ses portes le temps de douze soirées. Depuis dix années, c'est le chef Jean-Yves Piccinali qui est aux fourneaux.
Des années de recherches, d'évolutions techniques...
Et les Truffières d'Uzès vont continuer à se développer. Margot, la fille benjamine, suit actuellement un brevet professionnel d'éducateur canin. Plus tard, elle aimerait bâtir un pôle canin au sein de l'exploitation en proposant du dressage de chiens et en faisant une lignée de chiens truffiers. Lucie, l'aînée, s'occupe de développer l'aspect évènementiel. Bientôt leur père leur laissera les rênes. Ce sera la quatrième génération.
À l'origine, l'exploitation se nommait le Mas du Moulin de la Flesque. La famille Tournayre y cultivait vignes, céréales, arbres fruitiers et cultures maraîchères. C'est René, le père de Michel Tournayre, qui a commencé à planter des arbres truffiers dans les années 70. En 1991, une bactérie (la fusariose) détruit la totalité des aspergeraies. Le fils décide alors de se consacrer à 100 % à la trufficulture, malgré les inquiétudes d'un patriarche qui craint la réputation aléatoire du diamant noir. Un peu plus tard, Michel crée même l'arboretum, une truffière où on trouve les 13 essences d'arbres truffiers (chênes, tilleuls, noisetiers de Turquie, pins noirs...). En 2010, l'exploitation est renommée Les Truffières d'Uzès.
"Dans chaque truffière, on retrouve toutes les techniques : taille, sol, gestion de l'enherbement... Il n'y a aucun intrant", atteste Michel Tournayre. Tout est méticuleusement consigné. Les connaissances, les évolutions techniques ont beaucoup progressé. Il entrevoit désormais le modèle qui est le plus favorable au développement de la Tuber melanosporum.
La transmission, "l'ADN des paysans"
L'Uzétien veut maintenant aboutir le projet qu'il avait imaginé dans son mémoire de fin d'étude. Il aimerait que les visiteurs puissent découvrir les truffières, selon une approche botanique et grâce à des panneaux pédagogiques : "On veut faire un musée à ciel ouvert, comme un conservatoire de la truffe. J'ai aussi toute la bibliographie de la truffe depuis la fin du XVIIIe siècle qu'on veut mettre en avant." Il espère que cette nouvelle dynamique sera prête pour l'été 2024. Sans cette dimension pédagogique, il ne pense pas que ses filles reprendraient la gestion. Au quotidien, il leur transmet ce qu'il a appris, car c'est dans "l'ADN des paysans."
Au-delà de l'exploitation familiale, Michel Tournayre est devenu une figure incontournable de la trufficulture. Il a d'abord été président du syndicat des trufficulteurs gardois pendant une dizaine d'années dans les années 90, puis président à échelle de la région Languedoc-Roussillon. Il a pu compter sur le soutien de Georges Frêche pour relancer la trufficulture : "Sous son mandat, on a planté 750 hectares d'arbres truffiers."
"Avec la truffe, le plus important ce n'est pas d'attendre mais de savoir attendre"
Après, il a présidé pendant sept ans la fédération française des trufficulteurs (FFT) et s'apprête maintenant à laisser son siège à la tête du GETT (Groupement européen de la truffe et de la trufficulture). Mais avant d'arrêter, il veut le restructurer et le professionnaliser pour pouvoir peser dans les discussions, notamment dans la lutte contre les arômes. En juillet 2022, Michel Tournayre a été promu au grade de Chevalier de la légion d'honneur. Il était en Espagne, sur un bateau en pleine mer avec un ami quand il l'a appris. "Mon père et mon grand-père auraient beaucoup apprécié", souffle-t-il avec pudeur, sans s'étendre sur le sujet.
L'Uzétien quitte son dernier mandat pour se concentrer sur la transmission à ses filles. Tous trois continuent chaque matin - quand la météo le permet - à caver avec les chiens, picon à la main pour gratter la terre. Ils vendent ensuite le fruit de leur récolte en direct à la boutique. "C'est une relation symbiotique que j'entretiens avec la truffe, avec les arbres, la nature. Mon grand-père avait un proverbe : "Avec la truffe, le plus important ce n'est pas d'attendre mais de savoir attendre"." Il conclut : "Un jour, on m'avait demandé quel était mon plus grand souhait, j'avais répondu percer le secret de production de la truffe. Et pour ma plus grande peur, j'avais répondu la même chose."
Une gestion de l'eau raisonnée
Aux Truffières d'Uzès, quinze arbres sont équipés de sondes (de quatre types différents). Elles permettent de mesurer la température, l'hydrométrie et donc d'arroser juste ce qu'il faut en fonction de l'état du sol. Le système d'arrosage n'a pas de fuite et fonctionne en microaspersion. "On dépense deux fois moins d'eau qu'avant", assure Michel Tournayre qui revendique une approche raisonnée. En 5-6 ans, il a replanté une dizaine d'hectares supplémentaires. Avec son grand-père et son père, il estime que plus de 20 000 arbres ont été plantés. Il y a plusieurs année, son père avait aussi participé à un programme de reboisement après un important incendie. 11 000 cèdres avaient été plantés.
Les visiteurs peuvent aussi découvrir les Truffières d'Uzès lors du week-end de la truffe d'Uzès. Plus d'informations sur le site Internet en cliquant ici.
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