FAIT DU JOUR En France depuis 20 ans, l'Anglais Peter Loud n'obtient pas de titre de séjour

Citoyen britannique, Peter Loud vit en France depuis la fin 2007
- François DesmeuresAlors qu'il aurait dû bénéficier, depuis le Brexit, d'un titre de séjour quasi automatique de dix ans pour continuer à vivre en France, Peter Loud n'obtient que des récépissés - dans le meilleur des cas - au fil de ses visites à la préfecture. Si la situation devrait se débloquer, selon la préfecture, il est pour l'instant sans possibilité de travailler et dans une impasse financière, qui menace sa vie à Anduze et affecte sa vie de couple.
Peter Loud a débarqué dans le Gard en 2001, dans les premiers avions Ryanair qui ont atterri sur le tarmac nîmois. "J'étais motard, j'habitais Londres, mais j'avais envie de faire les Pyrénées, les Alpes... Alors j'ai passé un marché avec un hôtel de Nîmes, pour laisser ma moto sur place. Et je faisais des aller-retour en avion." Au passage, Peter Loud tombe amoureux de la préfecture du Gard. Au sens géographique de la cité...
S'il a une belle situation à Londres, et qu'il est même marié, Peter ne se sentait "pas trop en liberté. En 2003, j'ai loué un appartement à côté de la Maison Carrée. Et j'ai monté un business avec le Royaume-Uni, en aidant les Anglais qui voulaient acheter en France." Peter rencontre une Anduzienne, Pascale, et se met en couple avec elle entre 2004 et 2005. "Mon idée était déjà de quitter la Grande-Bretragne." Ce qui prend un peu de temps. Mais Pascale vit un drame familial et Peter vient vraiment s'installer à plein temps en France fin 2007, à Saint-Martin-de-Lansuscle.
S'il retourne travailler en Angleterre, entre 2012 et 2014, Peter Loud s'est implanté en Lozère, rénovant un mas en schistes, puis à Anduze. Quand survient le Brexit, en 2016, pour lequel Peter n'a pas pu remonter voter. Mais, en 2016, cela fait déjà deux ans que la Sécurité sociale a fourni une Carte vitale à celui réside et travaille en France.
"Du jour au lendemain, le service juridique a exigé un titre de séjour"
Les Britanniques, qui ont vécu cinq ans en France dans les dix années qui précèdent 2021, doivent effectuer une demande en ligne avant le 4 octobre 2021 afin d'obtenir un titre de séjour de dix ans. Peter assure l'avoir fait en mais 2021. "Mais c'est vrai que mon dossier est parti... mais que je n'ai pas eu de confirmation."
Peter Loud poursuit donc sa vie sans malice, et se fait embaucher à La Poste. Jusqu'au 3 octobre 2021 : "Du jour au lendemain, le service juridique a exigé un titre de séjour." Et Peter n'en a pas de nouvelles. Mais ne s'attendait au couperet réglementaire, et à l'arrêt de travail immédiat. "Et il n'est pas possible d'appeler la préfecture, se désole-t-il, on tombe, des fois, sur quelqu'un qui ne nous passe personne. On n'a pas de contact, il faut être convoqué."
En 2022, Peter Loud se résout à envoyer un courrier, "pour demander où est mon dossier ? La préfecture m'a alors envoyé un titre de séjour "normal", mais pas lié au Brexit !" Soit, un an d'autorisation. Difficile, dans ces conditions, de se projeter sur une vie professionnelle. "J'ai écrit une attestation sur l'honneur pour dire que j'avais fait la demande. Je pensais que la Cate vitale voulait quand même dire que j'étais résident !"
"Un récépissé sur lequel il est écrit "célibataire" alors que je suis pacsé"
Le Britannique constitue un nouveau dossier en février 2023. "Au mois de septembre, je reçois finalement une convocation pour le 5 décembre à la préfecture." Il paie 75 € pour n'obtenir qu'un récépissé, "sur lequel il est écrit "célibataire" alors que je suis pacsé avec Pascale". La validité ne court que jusqu'au 5 mai 2024. "Mais on me dit que le titre de séjour va suivre."
Mai en mai dernier, toujours rien. Après un envoi en recommandé avec accusé de réception, "un SMS me demande de prendre rendez-vous avec la préfecture. Je pensais que c'était pour récupérer quelque chose..." On est en juillet. Au guichet, "la dame me demande mon passeport, je paie 225 € et elle me donne le bon de livraison du titre de séjour." Validité : jusqu'au 11 décembre 2024. Donc, une nouvelle fois, sans que son dossier n'entre dans le champ des accords liés à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
"Je dis "il y a une erreur". La dame me répond : "Tout est bon pour moi". Elle est partie voir son supérieur, qui revient et me dit qu'on ne peut rien y faire. Pourtant, il est bien écrit sur la carte qu'elle a été fabriquée le 12 décembre 2023. Soit une semaine après que j'ai eu le récépissé, mais personne ne m'en avait informé !" Peter Loud râle, mais "on m'a dit si je n'acceptais pas ça, mon dossier risquait de tomber à l'eau".
À l'expiration, en décembre, dernier, de rage, Peter Loud est allé déposer une lettre, telle une bouteille à la mer, dans la boîte aux lettres de la préfecture. Puis, il est allé voir la maire d'Anduze pour obtenir un appui. "Derrière moi, il y a aussi Pascale, qui ne comprend plus." Le coup de fil de Geneviève Blanc à la préfecture a, semble-t-il, permis une accélération du dossier. Mais le 4 mars, France Travail menace de le désinscrire.
La préfecture promet un issue favorable
Nouvelle demande de récépissé, avec promesse de titre de dix ans. Peter Loud est reparti faire la queue à la préfecture, le 7 avril dernier, avec l'indulgence de la conseillère de France Travail, qui lui a laissé un délai. Il a refait des photos sur place, pour 8 €, "alors qu'ils les avaient déjà", affime-t-il, exaspéré. "On m'a donné un récépissé de six mois. Pourquoi ? Alors qu'au téléphone, le 17 mars, on m'a dit que le titre de séjour serait édité d'ici un mois et six semaines ?"
Aux dernières nouvelles, la préfecture du Gard confirme à Objectif Gard que le document devrait arriver prochainement, et serait valable dix ans (lire encadré ci-dessous). Mais Peter Loud, sans travail depuis trois ans, est usé. Et sa vie à Anduze avec lui. "Le 7 avril, je suis rentré et j'ai pleuré. Une agence d'intérim veut m'embaucher, mais pas si mon autorisation s'arrête au 4 octobre... Je n'ai plus de sous, plus d'attaches en Angleterre." Par crainte de ne pas pouvoir rentrer en France entre deux récépissés, Peter n'est pas allé à Londres assister aux obsèques de son père. "Tout ça, ça bouffe la tête, l'énergie... Dans mon pays, on est loin d'être parfait. Mais après le Brexit, le Royaume-Uni a accordé 7 millions de titres de séjour aux ressortissants de l'Union européenne..."
La préfecture affirme qu'un titre de dix ans est en cours de fabrication
Contacté par Objectif Gard sur l'état d'avancement de la demande de Peter Loud, la préfecture du Gard semble indiquer une issue rapide : "Le dossier de demande de titre de Monsieur Loud est bien connu des services de la préfecture. Dès l'arrivée du titre en préfecture qui le couvrira jusqu'à la date du 11 décembre 2034, il sera informé des conditions à venir le retirer. Dans l'intervalle, M. Loud dispose d'un récépissé qui le couvre jusqu’au 6 octobre prochain."