FAIT DU JOUR Virée dans les champs pour la préfète, à la recherche de l'irrigation responsable
Tandis que le département passait en vigilance sécheresse il y a une semaine, la préfète du Gard, Marie-Françoise Lecaillon, s'est fait expliquer son système d'irrigation par un maraîcher de Boucoiran-et-Nozières, avant d'aller à la cave coopérative de Générac assister à la signature d'une convention avec BRL.
L'été 2022, il avait fallu attendre les premiers jours d'août pour voir l'interdiction des lavages de voiture, alors que le niveau bas des cours d'eau était déjà effrayant. À peine plus de deux semaines plus tard, dans l'urgence, il devenait impossible d'arroser dans le Gard, provoquant notamment la colère des producteurs d'oignons doux viganais qui voyaient leurs voisins de Ganges continuer d'avoir le droit d'arroser la nuit. Une gestion qui avait, a minima, soulevé un grand nombre de questions.
En cette année 2023, il ne sera pas dit que la préfecture ne prend pas les devants. Avec un arrêté sécheresse qui a pointé le bout de son nez avant même le printemps et une visite sur le terrain pour Marie-Françoise Lecaillon, accompagnée de la présidente de la chambre d'agriculture, Magali Saumade, ce lundi après-midi.
Visite chez un maraîcher bio
Premier déplacement chez Gildas Grasset, dans la plaine de la Gardonnenque, commune de Boucoiran-et-Nozières, maraîcher installé en bio depuis 2008. Un agriculteur qui irrigue en goutte-à-goutte sous paillage, encore plus vertueux que le goutte-à-goutte aérien. "Nous venons ici dans le cadre de la résilience en eau", rappelle Marie-Françoise Lecaillon. Sur un terrain où la consommation en eau a encore baissé avec la pose de sondes tensiométriques, qui mesure les besoins du sol, mais signale aussi quand l'arrosage suffit.
"80% de ma production bio part en gros", explique Gildas Grasset devant une serre de salades. Si je ne respecte pas le cahier des charges, je ne vends rien." Et parmi ce cahier de charges réside le calibrage. Or, sans eau, difficile de respecter les critères. "Si, en plus de nos dix ou douze heures de travail, il faut arroser la nuit, c'est un gros sacrifice. Et en 2022, avec la sécheresse, on n'a pas vu de différence entre le goutte-à-goutte aérien et le goutte-à-goutte sous paillage." Et les résultats de l'exploitation s'en sont ressenti, avec une perte estimée entre 25 et 30% du chiffre d'affaires. L'agriculteur a tout de même demandé que sa pratique et celle de l'aspersion soient différenciées dans les arrêtés sécheresse, "pour avoir une qualité de vie meilleure".
Un arrêté cadre d'ici à un mois
Pour autant, l'aspersion, Gildas Grasset en a toujours besoin. Par exemple en août, quand il s'agit de lancer le cycle des courges, "quand on fait les plantations pour l'automne et l'hiver". "On accompagnera ceux qui se sont orientés vers des consommations vertueuses ou qui s'engagent vers cette démarche, argumente la préfète. Afin d'avoir quelque chose de moins restrictif quand il y aura l'arrêté sécheresse."
La représentante de l'État a promis un arrêté cadre, pour l'arrosage estival, d'ici à un mois environ. "On n'a parlé que d'économie d'eau, reprend Gildas Grasset, qui ne perd pas le nord. Mais nous, on vend des kilos. Et on a parfois besoin, pour ça, d'arroser une demi-heure en pleine journée en été." Soulignant un "manque de confiance dans l'avenir", Gildas Grasset a déjà diminué la part de légumes qu'il produit, au profit de céréales. "La préfète a eu l'air à l'écoute, conclut le maraîcher alors que celle-ci s'en va déjà vers Générac. Elle a eu l'air de dire qu'il y avait encore possibilité d'arroser sous certaines conditions."
Une convention unissant BRL et la chambre d’agriculture
À Générac, Marie-Françoise Lecaillon s’est rendue dans des vignes où elle a échangé avec Denis Verdier, le président de la coopérative gardoise Vignerons propriété associés. Sur le terrain, et avec Fabrice Verdier et Jean-François Blanchet, qui sont respectivement président de BRL et directeur général du groupe BRL, la préfète du Gard a dialogué sur l’importance d’une irrigation raisonnée du vignoble grâce aux réseaux BRL existant et l’extension du réseau en cours de finalisation. « La gestion de l’eau est un sujet qui doit être abordé avec une approche territoriale », a-t-elle souligné.
C’est ensuite vers Beauvoisin que se sont dirigés les intervenants avec la visite, rapide, de travaux d’extension du réseau hydraulique régional des collines des Costières. Pour conclure cette journée, c’est dans les locaux de la cave coopérative de Générac que tout le monde s’est retrouvé pour la signature d’une convention entre la chambre d’Agriculture de Gard et BRL (Compagnie d’aménagement de Bas-Rhône et du Languedoc), pour favoriser une irrigation agricole écoresponsable. Pour Fabrice Verdier, cette union est importante : « Elle exprime la volonté de gérer de façon responsable l’eau, qui est un bien précieux, et elle permet un partage d’expérience. Nous sommes tous acteurs, tous responsables. »
Du côté de la CA30, ce rapprochement faisait le bonheur de sa présidente Magali Saumade : « BRL est un partenaire majeur et remarquable. Nous allons mener des actions ensemble et la convention sera un outil facilitateur, puisque nous allons mutualiser nos énergies. » « Je ne suis que témoin du mariage, mais cette journée a montré que les agriculteurs savent optimiser l’eau », indiqué avec humour Marie-Françoise Lecaillon qui aura consacré sa journée à la gestion de l’eau en agriculture.