L'INTERVIEW Michel Peronnet à propos du projet de ligne THT 400 000 volts : "Je suis pour l'industrie, mais là on s'y prend mal"
Mis en pause le temps que la situation politique se clarifie, le projet de création d'une ligne aérienne Très Haute Tension de 400 000 volts entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, suscite toujours autant d'inquiétudes. Regroupés en collectif, les opposants gardois et bucco-rhodaniens mènent depuis une lutte acharnée contre ce qu'ils considèrent "être une menace" pour leurs territoires. Hier, une nouvelle réunion publique citoyenne s'est tenue dans la salle des fêtes d'Arles. Cette fois-ci, un groupe d'experts multidisciplinaire s'est joint au collectif. Parmi eux, Michel Peronnet, 68 ans. L'ingénieur de formation, 39 ans de vie professionnelle au Port Autonome de Marseille, a proposé des alternatives au projet présenté par RTE.
Objectif Arles : Comment avez-vous travaillé pour établir votre expertise ?
Michel Peronnet : J'ai une carrière de 25 ans dans l'énergie côté pétrole, 10 ans dans le développement industriel. Je suis à la retraite mais je continue à être consultant et je travaille pour un certain nombre d'industriels, notamment sur les questions de transformation énergétique, de transition écologique. Je suis bien à jour sur ces sujets d'hydrogène, d'électricité etc. C'est mon histoire et je la mets à disposition de Jean-Laurent Lucchesi - président de l'association Vigueirat Nature - qui m'a demandé d'apporter ma contribution. Je suis pour l'industrie, mais là on s'y prend mal et ça me fait mal au coeur.
Lors de votre intervention, vous vous êtes directement adressé au préfet Mirmand, en lui disant qu'il se trompe...
Le préfet, on l'a trompé parce qu'on lui a dit : il n'y a que cette solution RTE. Alors qu'il doit raisonner à l'échelle de la région. Il faut refaire un débat à une autre échelle avec des gens qui, il faut le dire, sont pour la décarbonation. Si les gens ici présents étaient contre l'industrie, contre la décarbonation, je ne serai pas venu. Ils veulent d'autres solutions que ces pylônes de plus de 60 mètres de haut.
Quelles sont-elles ces solutions ?
La fourniture électrique à Fos est nécessaire pour un certain nombre d'activités qui pourraient se transformer ; c'est le cas d'ArcelorMittal qui ferait un four électrique, là il n'y a pas le choix, il faut de l'électricité, on ne le conteste pas. Mais on peut aussi produire de l'hydrogène ailleurs, c'est-à-dire à Aramon, Manosque, parce que là on a des réserves d'électricité et le réseau est déjà disponible. On peut aussi produire sur la zone de Fos des énergies renouvelables comme l'a dit Jean-Laurent Lucchesi. Regardons les choses à une autre échelle avec GRT, RTE et les industriels. Je le répète, les élus de ce territoire sont pour la décarbonation. De nombreux salariés à Fos habitent ce terrtioire, donc les gens sont malheureux de se retrouver dans cette situation brutale où on leur dit : "tu vas perdre ton usine si tu n'acceptes pas la ligne." Mais ça ne se passe pas comme ça, ce n'est pas binaire. Il y a une troisième voie, peut-etre une quatrième. Et ensuite, il n'y a pas d'urgence, donc on peut prendre six mois pour travailler tranquillement entre les uns et les autres. J'ai assisté à l'affrontement le 4 avril à Fos, on a créé un climat de tension entre les uns et les autres. J'ai trouvé ça inacceptable. Le défenseur de l'industrie que je suis, ne peut pas accepter que par la brutalité d'un projet qui peut être retravaillé différement, tout un territoire se mette à détester l'industrie. Vous savez, avec Jean-Laurent, nous nous connaissons depuis 25 ans. Quand j'ai défendu des projets à Fos-sur-Mer, il était quelque fois en face de moi et là nous étions ensemble sur la tribune, ça veut bien dire quelque chose.
Vous avez aussi évoqué la possibilité d'une ligne 2 giga watt enterrée...
Oui, parce qu'une 2 giga watt enterrée en courant continu est suffisante et RTE sait le faire. Ça coûte plus cher mais il sait le faire. Le bon sens, c'est de travailler sur le cordon ombilical qu'est le Rhône. Alors peut-être que certaines personnes diront ça va polluer ça ou ça, mais ce sont des compromis, des équilibres et là on a cassé l'équilibre. Donc une ligne enterrée de 2 giga watt et pipeline de transport d'hydrogène, ça doit marcher.
Pour un coût de ?
Un peu plus d'un milliard et pas 4 milliards d'euros pour enterrer un ligne 4 giga watt. Il faut être honnête avec RTE, 4 giga watt en courant continu, il ne l'ont jamais fait.
Il n'y a pas d'urgence dans l'élaboration du projet. Et du côté de la mobilisation ?
Il faut redémarrer une concertation sur des solutions alternatives, il peut y en avoir d'autres. On redémarre en septembre en espérant que le contexte politique le permette, sur une période de six mois. Quel est le problème, si derrière il y a un consensus. S'il y a consensus, ça veut dire que la DUP (déclaration d'utilité publique, NDLR) de RTE ne sera pas attaquée. S'ils passent en force, tout le monde aura perdu. Le vrai sujet c'est : est-ce qu'on veut faire du gagnant-gagnant ou du perdant-perdant ? Les gens qui sont dans ce collectif sont raisonnables et modérés, c'est pour ça que je suis là.
Avez-vous déjà travaillé sur un projet similaire ?
Nous avons fait des projets sur la zone de Fos, du temps où j'étais au port, pour lesquels on a peut-être manqué un peu d'attention sur la concertation et ça laisse des plaies. La co-construction, c'est aujourd'hui ce qu'il y a de mieux.
Pour rappel, une pétition pour dire "non au passage de la ligne THT de 400 000 volts dans les Bouches-du-Rhône ou le Gard" est en cours. Plus de 26 000 signatures ont été collectées.