FAIT DU JOUR Chasseurs, randonneurs, associations... Que pensent-ils des nouvelles mesures sur la chasse ?
Le Gouvernement a annoncé la semaine dernière 14 mesures pour renforcer la sécurité de la chasse. Davantage de formation, instauration d'un délit d'alcoolémie, standardisation des panneaux d'information des battues, affichage en mairie les jours chassés, mise en place d'une application sur les lieux et temps de chasse... Par contre, le dimanche sans chasse n'a pas été retenu. Dans le Gard, les avis sont plutôt mesurés et les esprits tournés vers le dialogue.
Louise, habitant aux Angles, randonne régulièrement avec sa sœur aux alentours. Quand elle tombe nez à nez avec un panneau "Attention battue en cours", elle fait demi-tour. "Il y a certains endroits où je ne vais plus par rapport à ça. Je trouve que c'est un manque de liberté", estime-t-elle. Elle était plutôt favorable à un dimanche sans chasse, même si elle est bien consciente de la nécessité de réguler les populations de sangliers. Il faut savoir que le Gard est le département où on en tire le plus avec près de 40 000 individus chaque année.
Louise n'était pas la seule à plébisciter cette mesure qui n'a finalement pas été retenue par le Gouvernement. La LPO (Ligue de protection des oiseaux) et six autres associations ont commandé en décembre 2022 un sondage à l'Ifop révélant que 78% des Français sont favorables à ce que le dimanche devienne un jour sans chasse. Parmi les arguments, il y a le risque d'accident. Début décembre, un homme de 56 ans a été gravement blessé à la tête à Sauve. Sur la période 2021-2022, l’OFB (Office français de la biodiversité) a recensé 90 accidents de chasse au total, dont huit mortels. Des chiffres qui sont en baisse, comme depuis 20 ans, selon l'établissement public d'État.
Pour autant, le renoncement à un dimanche sans chasse - au moins un par mois - est "difficile à avaler", concède Gérard Saba, référent LPO dans le Gard. Il regrette que les associations n'aient pas été reçues et qu'à la place, "on propose une application, comme pour tout dans le monde moderne". Si l'association ne remet pas en cause l'utilité de la chasse, Gérard Saba interroge : "Est-ce que moins d'un million de pratiquants doivent être privilégiés ou tout le reste des Français ?" Passé la déception, l'antenne gardoise veut continuer à faire apprécier la biodiversité et convaincre des propriétaires de certifier leur terrain comme "zone sans chasse" en créant des refuges LPO. Il y en a 350 aujourd'hui dans le Gard, allant du simple balcon à la grande propriété.
"Nous avons des bâtons de marche et des sacs à dos, eux ont des armes"
Du côté des randonneurs, les mesures sont plutôt bien accueillies, même si une pointe d'inquiétude persiste toujours. Jean-Pierre, originaire de Villeneuve-lez-Avignon, marche tous les jeudis avec un groupe d'amis dans le Gard, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône. Il relate : "Je n'ai jamais eu de souci particulier avec les chasseurs. On part du principe que la nature doit être partagée par tous et on prône le dialogue. On se montre prudent, mais nous avons des bâtons de marche et des sacs à dos, eux ont des armes. Ils doivent l'être aussi." Il s'est d'ailleurs acheté une veste orange fluo et ne s'aventure pas en dehors des chemins balisés pendant les périodes de chasse.
Même stratégie pour Pierre, vététiste averti, qui ne s'éloigne plus des grandes pistes DFCI dégagées : "C'est toujours délicat d'être confronté à des personnes armées de fusils. Ce n'est pas rassurant et pas très sympa. Mais les chasseurs sont compréhensifs. Quand on est là, ils se préviennent entre eux." Il serait prêt à télécharger l'application promise par l'État indiquant les lieux et temps de chasse. Encore faut-il pallier les problèmes de réseau...
Des mesures redondantes qui existent déjà dans le Gard
Cela fait partie des mesures annoncées par le Gouvernement la semaine dernière, comme le délit d'alcoolémie ou la standardisation des panneaux de signalisation. Des mesures qui vont "dans le bon sens" aux yeux du sénateur gardois, Laurent Burgoa, chasseur averti. L'avis est partagé par Jean-Pierre Cotti, président de l'association de chasse communale de Saint-Julien-de-Peyrolas, qui compte 70 membres. Ce dernier regrette toutefois que certaines annonces soient "redondantes" car elles existent déjà dans certaines fédérations. Dans le Gard, par exemple, la chasse au gros gibier n'est pas autorisée le mardi et le vendredi. Dans le département, des formations sont déjà en place. "Les chasseurs n'ont pas attendu d'être au pied du mur et contraints pour appliquer ce genre de mesures", soulève Jean-Pierre Cotti.
Le sentiment de redite est partagé par Philippe Houny, président du syndicat des chasseurs du Grau-du-Roi. Avec ses adhérents, ils effectuent un important balisage pour informer les promeneurs : "Ces mesures, on les applique depuis longtemps. Nos battues atteignent déjà un niveau de sécurité important. En tant que chef de battue, je n’ai pas envie de chasser avec quelqu’un d’alcoolisé. Alors toutes les précautions sont prises depuis des années et le déjeuner se fait toujours après la chasse, même si c’est 16 heures."
Il y a presque une sensation de stigmatisation chez les chasseurs suite à ces annonces. "Les contrôles d'alcoolémie tant mieux. On s'apercevra que pour une immense majorité des gens, il n'y a pas de souci. Le sketch de la galinette cendrée des Inconnus a marqué l'opinion publique et édifié l'image d'un chasseur alcoolique invétéré. En regardant les statistiques, on voit pourtant qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre les accidents et l'alcoolémie", pointe le président de l'association de chasse peyrolaise. Il reconnaît toutefois que, comme dans tous les domaines, il y a des pratiquants très minoritaires qui ne respectent pas le cadre.
Un plan sécurité passé à côté du sujet ?
Comme beaucoup d'autres chefs de battue, il fait tout pour garantir la sécurité (rappel des consignes de sécurité à chaque fois, annonce des promeneurs sur les postes radio...) et pour ne pas risquer de ternir encore l'image des chasseurs. Si les textes de loi interdisent de tirer à moins de 150m d'une habitation ou d'une route, Jean-Pierre Cotti a décidé depuis deux ans d'élargir à 250m : "On a une population qui ressent de l'insécurité, sous le coup de beaucoup de communication négative sur la chasse. On ne va pas se mettre dans une situation qui pourrait les effrayer davantage."
Il veut privilégier le dialogue et le respect avec les autres usagers. Avec sa société, il souhaitait installer des affichettes recensant les jours chassés, mais craint le vandalisme des militants anti-chasse. "On a déjà 37 miradors qui ont été détruits", se désole-t-il. Pas facile de concilier les usages donc. C'est pourtant le travail qu'a commencé à entreprendre le Syndicat mixte des gorges du Gardon (SMGG) depuis plusieurs années.
Bérengère Noguier, qui en a été présidente entre 2017 et 2021, aujourd'hui conseillère départementale écologiste, a constaté : "Depuis le covid, les gens se réapproprient les espaces naturels et ça peut créer des conflits entre usagers. On incite au dialogue local entre les différents usagers pour lever les a priori, respecter les réalités de chacun. Est-ce qu'on ne pourrait pas instaurer un calendrier à la semaine où chacun peut se mettre d'accord ?"
Pour l'élue, ce plan sécurité de la chasse "est passé à côté du vrai sujet". Elle aurait préféré une mesure sur la puissance des armes, qui n'est pas mentionnée. "Il y a peut-être une vision un peu urbaine, un peu élitiste de la chasse", conclut-elle.
La fédération gardoise prône un "dimanche à la chasse"
Le 9 janvier, Gilbert Bagnol, président de la Fédération des chasseurs du Gard, a envoyé un courrier aux présidents des sociétés de chasse du département. Il les incite à organiser pendant le mois de janvier une action de promotion "un dimanche à la chasse en battue". Un clin d'oeil à ceux qui désiraient un dimanche sans chasse, les invitant à accompagner les chasseurs le temps d'une battue. L'objectif ? Rassurer, instaurer un dialogue, démystifier la pratique... Les non-chasseurs sont donc invités "à découvrir de l’intérieur, la rigueur d’organisation qui est en place en respect avec les mesures du SDGC et les obligations qui s’imposent aux chasseurs en matière de gestion d’espèces, de sécurité, de formation et de bonnes pratiques vis-à-vis du transport, de la manipulation et de l’usage des armes et l’utilisation des munitions."