FAIT DU SOIR La Gardoise Isabelle Chazal, gendarme engagée et montagnarde d'adoption
Véritable touche-à-tout, Isabelle Chazal a vécu jusqu'à ses 18 ans à Saint-Marcel-de-Careiret, à côté de Bagnols-sur-Cèze. À cause de problèmes de santé, elle renonce à être militaire. Mais sa maladie guérit, elle devient alors gendarme et se prend de passion pour la montagne. Aujourd'hui, elle est commandante de la classe prépa Talents de Montpellier et évolue en équipe de France militaire d'escalade.
Aujourd'hui âgée de 34 ans, Isabelle Chazal aimerait que son parcours, sa ténacité fassent écho chez les petites filles. Comme celui de l'alpiniste Marion Poitevin. "Il faut qu'elles comprennent qu'on peut être féminine sans tomber dans les travers caricaturaux de la femme plus fragile, moins dynamique. On peut aussi être rustique, résiliente, résistante et première de cordée", indique la Gardoise. Sur son sweat bordeaux, est estampillée la devise de l'association qu'elle soutient, les Képis Pescalunes : "Vivons nos rêves, rêvons nos vies". La maxime trouve écho dans l'oreille de la gendarme qui a travaillé dur pour parvenir à ses objectifs : "On n'a rien sans rien. Rien n'est jamais tout cuit, il faut parfois se faire mal pour y arriver. Si j'ai fait tout ce que j'ai fait, c'est parce que je l'ai voulu."
Grâce à un mental d'acier et une détermination à toute épreuve, Isabelle Chazal a réussi à faire sa place au sein de la gendarmerie et aussi dans les montagnes qui l'ont adoptée. Elle a eu une vraie révélation sur le tard pour l'escalade et l'alpinisme. Pourtant rien ne la prédestinait à embrasser cette carrière bien éloignée des plaines gardoises. Fille d'un papa cuisinier à l'hôpital de Bagnols-sur-Cèze et d'une mère professeure des écoles, Isabelle Chazal a vécu jusqu'à ses 18 ans dans la maison familiale à Saint-Marcel-de-Careiret, entourée de sa petite soeur Lucie, et deux demi-soeurs. Elle a eu "le privilège", comme elle le dit, de grandir entourée de grands espaces et d'animaux. Cet amour et ce respect de la nature ne l'ont jamais quittée et depuis quelques années, elle a fait le choix d'être végétarienne.
Du droit public à l'école des officiers de gendarmerie
Le bac en poche, cette bonne élève se lance dans des études de droit public d'abord à Aix-en-Provence puis à l'université Panthéon-Assas Paris II. "Avec mes parents, je baigne dans la fonction publique depuis petite. Moi aussi j'éprouvais plus ou moins consciemment la volonté de servir, d'être utile à la société", indique la Gardoise qui visait la magistrature. Mais depuis sa JAPD (Journée d'appel et de préparation de la défense), elle a toujours gardé dans un coin de sa tête son souhait de devenir militaire. Elle a même suivi un stage de préparation dans la garrigue nîmoise. Perçue comme "une petite nénette" au départ, cette grande sportive a su faire taire les préjugés.
Il faut dire qu'elle a longtemps joué au football au club de Cavillargues, entraînée par le père de la fameuse Sandie Toletti, qui évolue aujourd'hui en équipe de France. Dans sa longue liste de loisirs, on retrouve aussi : l'athlétisme, le badminton, la course à pied, l'équitation, le snowboard, le piano, le dessin... "Je touche à tout, je me débrouille partout mais je ne me suis jamais spécialisée, j'ai toujours cultivé la polyvalence et eu envie de faire beaucoup de choses", reconnaît-elle.
Un profil qui se fondrait bien dans les rangs de l'Armée. Mais de sérieux problèmes de santé ont empêché Isabelle Chazal d'envisager ce cursus. Elle préfère rester vague sur cet épisode difficile qu'elle finira par vaincre. Après son Master, elle prend une année sabbatique où elle devient sapeur-pompier volontaire. Alain, un de ses collègues, lui parle du concours d'officier de gendarmerie. Au départ, il y a 600 inscrits, à la fin, ils sont seulement 27 reçus, dont la Gardoise qui réussit du premier coup. Elle rentre pendant deux ans à l'école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) à Melun et enchaîne les stages. Elle fait le choix d'aller en montagne : "Là, j'ai eu une révélation. Je n'avais jamais fait d'escalade auparavant, ni vraiment de ski. J'ai dû me mettre aux deux à 27 ans, c'est tardif."
"C'est plus qu'un sport. On est en communion avec la nature"
Pour être au niveau, elle grimpe 4-5 fois par semaine et regarde des vidéos de ski pour chercher "le geste parfait". Elle a trouvé sa voie, reste à saisir les prises. À la fin de sa formation, quand elle se trouve face à la carte de France pour choisir son premier poste, elle ne voit figurer aucune unité montagne. Déçue, elle se rabat sur un petit point épinglé près de Clermont-Ferrand, à une heure de route de la montagne où elle pourra continuer à pratiquer.
C'est ainsi qu'Isabelle se retrouve commandante de la COB (communauté de brigades) de Veyre-Monton, à la tête d'une équipe de 38 personnes : "Je découvre un paysage extra. Derrière moi, il y a un puy de 250m de dénivelé que je n'ai cessé d'arpenter." Son appétence pour l'escalade s'élève encore : "C'est plus qu'un sport. On est en communion avec la nature. Le toucher de la roche ne se ressemble jamais. C'est à la fois physique, intellectuel, psychologique, surtout lorsque l'on grimpe en tête."
Membre de l'équipe de France militaire d'escalade
Durant trois ans, elle enchaînera les allers-retours entre l'Auvergne et les Alpes pour s'entraîner. Elle a même entamé son diplôme de qualification technique de montagne, en domptant une montée sèche de 1 400m de dénivelé, un sac à dos de 6 kg sur le dos. Ou encore en se frottant à une cascade de glace. Grâce à sa ténacité, Isabelle Chazal a même décroché son mousqueton pour le championnat de France militaire d'escalade. Pour sa 2e participation en 2022, elle est arrivée deuxième sur l'épreuve de vitesse et 4e sur l'épreuve bloc. Une expérience précieuse qui lui servira dans son deuxième poste à le PGHM (peloton de gendarmerie de haute montagne) du Mont Dore où elle restera jusqu'en 2022. Là encore, elle commande ses équipes mais part aussi en intervention. Parfois très scabreuse en raison du terrain accidenté.
Elle en a vu quelques-uns des poignets cassés, des chevilles en équerre et autres fractures : "On fait abstraction à l'instant T. On est tellement concentré sur la technicité, l'hélicoptère, l'hélitreuillage, le matériel, l'approche de terrain, la gestion de l'équipe médicale, la sécurité... Ce qui est plus compliqué, c'est quand il faut annoncer un décès à une famille..." Fort heureusement, c'est rarement arrivé à la Gardoise.
Après six ans passés en Auvergne, elle a décidé de se rapprocher de ses racines, de ses proches. La période du covid, "clouée là-haut" l'a fait cogiter. Elle est depuis août la commandante de la classe prépa Talents à Montpellier. Sous sa direction, quatorze jeunes en M2 et sélectionnés sur critères sociaux, préparent le concours d'officiers de gendarmerie et de la police. "J'ai laissé un métier passion mais c'est tellement gratifiant ce que je fais", assure-t-elle. Ce cursus fait particulièrement écho à sa propre trajectoire qui a été écornée par la maladie. "Parfois on tombe, mais on se relève. Même si on n'arrive pas à accéder d'une façon à son rêve, il faut savoir ouvrir les autres portes", conclut-elle avec sagesse.