FAIT DU SOIR L'équitation de tradition française bientôt renouvelée dans la liste du patrimoine culturel immatériel ?
L'utilisation du cheval soulève des débats aujourd'hui. D'un côté, il y a les fervents défenseurs du partenariat ancestral homme-cheval. De l'autre, une mouvance animaliste qui décrie de plus en plus l'équitation. Ces questions étaient au coeur des discussions des acteurs de la culture équestre cette semaine, à Avignon, qui travaillent au renouvellement de l'inscription de l'équitation de tradition française sur la liste du patrimoine immatériel de l'Humanité.
En effet, la 7e réunion du comité "Culture, patrimoine et Unesco" de l'IFCE (Institut français du cheval et de l'équitation) s'est tenue cette semaine au Palais des papes d'Avignon. Les travaux ont porté sur le renouvellement de l'inscription de l'équitation de tradition française (qui est labellisée depuis 2011) sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Le comité aimerait bien y intégrer en plus les arts équestres et les équitations de travail.
Aux yeux des manadiers, c'est même une priorité car c'est tout leur mode de vie avec les chevaux et les taureaux qui est aujourd'hui menacé. "On est attaqué de partout par L214, par les animalistes, par Aymeric Caron... Je pense qu'une inscription des équitations de travail à l'Unesco permettrait de sauver nos traditions", pense Frédéric Lescot, président de la Confrérie des gardians de Saint-Georges. Il insiste : "Pour ces associations, le cheval ne devrait pas être monté. Mais, on a pu le voir en 2020, pendant le confinement, quand on ne s'occupe plus du cheval, qu'il ne sort plus, l'animal se dégrade."
"On a complètement changé notre vision de la monte gardiane"
Il le reconnaît, le monde camarguais n'a pas toujours été tendre avec les animaux. "Avant, on attrapait les chevaux à 4 ans, on leur montait dessus et cela se faisait dans la force. Maintenant, c'est tout en douceur, on a complètement changé notre vision de la monte gardiane", poursuit le manadier de Saint-Martin-de-Crau (13). En intégrant les équitations de travail dans la labellisation Unesco, il a bon espoir d'asseoir davantage la légitimité de cette culture camarguaise, qui rayonne à travers la région Paca et le Gard.
Il faut dire que de nombreux enjeux gravitent autour de la filière cheval en Camargue. C'est ce qui a été rappelé lors de cette réunion : "Il y a le tourisme qui est drainé par les activités des manades. Il y a aussi une interconnexion avec la riziculture", donne pour exemple, Patrick Leveque, président de la Chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône.
Il y a l'animal mais aussi le tourisme, l'écologie, l'agriculture...
Et Christophe Fontfreyde, directeur général du parc naturel régional de Camargue, de rebondir : "L'élevage de taureaux ne pourrait se faire sans cheval Camargue. Dans le parc, on estime à 10 000 hectares le nombre de terres pâturées par les taureaux et les chevaux. Ces hectares, sans cet élevage extensif, seraient aujourd'hui fermés. Ce serait des zones qui ne pourraient pas accueillir toute la biodiversité de la Camargue où on recense 300 espèces d'oiseaux qui passent chaque année."
Voilà quelques arguments en faveur du renouvellement de l'inscription au patrimoine culturel immatériel et à l'élargissement du périmètre de l'équitation de tradition française aux arts équestres et aux équitations de travail. Reste maintenant à les faire connaître auprès du grand public et à réinscrire vraiment le cheval dans la société. "Le cheval est un animal de rente, pas un animal de compagnie. Ce n'est pas pour autant qu'on le maltraite. Avec le cheval, c'est un travail à deux", rappelle Didier Garnier, président du comité "Culture, patrimoine et Unesco".
À travers toutes les articulations entre le cheval et le territoire, le patrimoine, la culture, l'économie, tourisme, l'agriculture, la médiation animale, le comité veut défendre l'équitation de tradition française et son élargissement. Le travail s'appuie aussi sur un ensemble d'études éthologiques et sociologiques. "Le cheval est content d'avoir son cavalier sur le dos. Il a confiance en son cavalier, affirme Didier Garnier. Une étude de l'université de Montpellier, pilotée avec l'INRAE et l'IFCE, a été faite auprès des chevaux dans les manades. On s'aperçoit qu'à certains moments, un simple regard du taureau déclenche chez le cheval une action, car il sait ce qu'il doit faire et comment s'y prendre. Sans l'intervention de l'homme."
Et Cheval Passion dans tout cela ?
Ces discussions sont en lien avec un travail mené conjointement avec Cheval Passion. Le salon équestre avignonnais (qui déroulera sa 38e édition du 17 au 21 janvier 2024) porte depuis 2018 le dispositif "Graines d'artistes" qui vise à faciliter l'accès des enfants à l'univers du cheval, en associant un centre équestre, une école ou un collège et une commune autour d'un projet culturel. Cheval Passion soutient aussi le développement du pastoralisme et des activités d'élevage. L'objectif étant de mobiliser les manadiers de Camargue et les régions du Sud-Est à se former pour proposer des activités et des prestations touristiques.